Tunisie : manifestation à haut risque contre la loi de réconciliation économique
le 13/09/2015 13:50:00
Tunisie

À partir de 14 heures, le morceau d'avenue Bourguiba qui fait face au ministère de l'Intérieur sera occupé par le Front populaire (extrême gauche), Ettakatol (socialiste), Al Joumouri (centre) et autres détracteurs du projet de loi de réconciliation économique voulu par le président de la République Beji Caïd Essebsi et qui sera soumis à l'Assemblée d'ici la fin septembre.

Ce texte propose de « tourner la page du passé » en examinant les dossiers des fonctionnaires et des hauts responsables de l'ère Ben Ali. Vingt-trois ans d'un règne placé sous le signe d'une corruption clanique qui a vampirisé plus d'un quart de l'économie du pays. Au lendemain de la révolution du 14 janvier, aucune chasse aux sorcières n'a été constatée. Des mises à la retraite anticipée, quelques mutations, rien de massif malgré une colère populaire axée contre les Trabelsi (la belle-famille de Ben Ali) et autres familles affiliées au président. Résultat : « quatre ans plus tard, la corruption est un système de gouvernement », déplore le député du Parti des travailleurs, Jilani Hammami. Et cette loi incarne à ses yeux « une provocation ». L'état d'urgence décrété par BCE après l'attentat de Sousse interdit les rassemblements de plus de trois personnes sauf autorisation exceptionnelle du ministère de l'Intérieur. Najem Gharsalli, le ministre en titre, a clairement annoncé que cette « manifestation est interdite ». Dans la foulée, le cœur de Tunis a été interdit aux voitures. Ce qui fait dire à Jilani Hammami que le « pouvoir utilise l'état d'urgence pour restreindre les droits démocratiques ». D'autres élus de l'ARP ont rappelé à BCE que les « manifestations du Bardo [quarante jours de sit-in en juillet 2013, face à l'ARP, après l'assassinat du député Mohamed Brahmi] se déroulaient durant l'état d'urgence mais étaient organisées pour partie par Nidaa Tounes ».
Des méthodes policières qui inquiètent

À plusieurs reprises, l'attitude de l'appareil sécuritaire a été mise en défaut. Syndicaliste tabassé avenue Bourguiba, usage du gaz lacrymogène et de matraques sur des manifestants pacifiques. Ce à quoi le ministre de tutelle a répondu « que les policiers ne sont pas des anges ». Il a été auditionné par les députés. À huis clos, à sa demande. Le leader du Front populaire, Hamma Hammami, a été reçu vendredi par le président de la République pour évoquer ce sujet. Entretien cordial. Quelques figures de poids manifesteront au cœur de la capitale, dont l'ancien président de l'Assemblée constituante, Mustapha Ben Jaafar, l'ancienne députée Maya Jribi, l'intégralité du Front populaire, des associations… L'ancien président de la République Moncef Marzouki a signifié son soutien tout en expliquant ne pas venir afin de ne pas « focaliser l'attention ». Le texte est assuré d'être voté par l'ARP : Nidaa Tounes et Ennahda y étant favorables. Les deux alliés comptent 155 élus sur 217. Mais un membre du gouvernement affirmait il y a peu que, « arithmétiquement, nous l'emporterons, mais politiquement nous serons perdants ». Et d'ajouter que « les arguments de ceux qui sont contre sont beaucoup plus efficaces que les nôtres ». L'opposition à ce projet de loi pourra se compter aujourd'hui sur l'avenue Bourguiba. La police s'est déployée. L'avenue est coupée à la circulation, les rues parallèles sont barrées, des policiers en civil fouillent les sacs. Le risque terroriste, évoqué par M. Gharsalli, explique ce climat particulier qui entoure cette manifestation.

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