Circulation fluide à Tunis en ce samedi ensoleillé. Idem avenue Bourguiba où l'opposition a appelé à une marche contre le projet de loi de réconciliation économique, exercice que le ministre de l'intérieur avait jugé très risqué.
In fine, la police a démonstré son professionnalisme. Rues et ruelles perpendiculaires à l'avenue ont été sécurisées par des barrières et par une fouille de chaque individu voulant s'y rendre. Des centaines de policiers ont quadrillé les lieux, plus nombreux peut-être que les cortèges qui se sont succédés sur le terre-plein central. Division dans les rangs des manifestants
Les leaders du Front populaire (extrême-gauche) ont ouvert leur propre manifestation dès 14h, face à la Cathédrale Saint-Vincent-de-Paul. Quelques trois cents personnes ont emboité le pas des députés du Front. Au-delà du Grand Théâtre, de l'Hôtel Africa, du ministère de l'intérieur, arrêt devant la grande horloge qui surplombe la place du 14 janvier. Sur les trottoirs, les badauds regardent les marcheurs depuis les terrasses des cafés. Banderoles pour les uns, shopping pour les autres. En une heure, l'affaire est pliée. S'ensuit un second cortège, les premiers ayant refusé de défiler avec les seconds. Cette division à ciel ouvert permet au gouvernement d'Habib Essid de prouver, d'abord, qu'on peut manifester malgré l'état d'urgence, ensuite, que les libertés démocratiques sont respectées, enfin, que la police est capable de sécuriser le centre-ville de la capitale malgré les risques terroristes. En douceur, de surcroît. Plus anecdotique, on eput croiser une palanquée de députés de Nidaa Tounes, à priori peu concernés par l'ordre du jour. Habilement, ils sont venus « soutenir la liberté d'expression »… Coup de grâce à une opposition émiettée
Le parti présidentiel portait ainsi le coup de grâce à une opposition émiettée. Pendant ce temps, les militant du Front scandaient « Nidaa Tounes et Ennahdha, ennemis des martyrs ». Et des députés de Nidaa d'affirmer que le texte pouvait être amendé, modifié… Un véritable discours de la douceur. Cette journée considérée à hauts risques par le ministère de l'intérieur se solde par une victoire du président de la république. En vieux briscard, BCE a su se jouer des hommes et des faiblesses structurelles des partis d'opposition. Suite aux reproches lancés par des députés du Front populaire, reproches liés à des violences policières récentes, BCE a convié Hamma Hammami au palais de Carthage, la veille de la manifestation. Et a promis au leader de l'extrême-gauche que le maximum serait fait pour qu'il puisse, lui et les siens, manifester sereinement. Un rendez-vous illustré par une photo diffusé par la présidence : on y voit Hammami, radieux, serrant la main présidentielle. Dans les rangs du Front, certains comprenaient mal cette visite. « Nous demandons le retrait de cette loi et Hammami va mendier au président l'autorisation de manifester » pestait un vieux militant. Depuis les législatives de 2014, Nidaa et les islamistes d'Ennahdha forment une coalition en bêton armé avec 155 députés sur les 217 que comptent l'Assemblée des représentants du peuple. De quoi légiférer tranquillement durant cinq ans, durée de la mandature. Le Front populaire n'a pas mobilisé
Avec quinze députés, le Front populaire est le seul parti (ne faisant pas partie de la coalition gouvernementale) ayant un groupe à l'ARP. Atone ou aphone depuis les élections, le parti a repris des vitamines en contestant cette loi. L'échec patent de la manifestation prouve que la rue, à 48h de la rentrée scolaire, n'a pas répondu à l'invitation. A 16h, Hammami a quitté dans un rutilant 4x4 l'avenue, après avoir abreuvé de quelques phrases les nombreux journalistes présents. A 17h, les manifestants de toutes obédiences se sont évaporés. Une brise agréable tempére le beau soleil. Désormais, la loi de réconciliation économique sera examinée par le parlement. « La colère populaire » promis par certains n'a pas eut lieu. La vie démocratique s'est exprimée sans encombres. Bilan de la journée ? Béji 1- Hammami 0.
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