Les phares des bus à l’arrêt éclairent l’entrée de la ville de Maroua, capitale régionale de l’extrême nord du Cameroun. Au milieu de la route, les passagers descendus forment une file interminable. Il est 23 h 12. « Présentez-moi vos cartes nationales d’identité (CNI) », ordonne le policier. Torche à la main gauche, il jette un bref regard à l’homme debout devant lui. « Ouvrez votre sac à dos ». Les gestes se répètent, monotones. Epuisés, les autres passagers s’assoient à même le sol ou s’adossent aux carlingues.
« Depuis le début des incursions en terre camerounaise de Boko Haram, les contrôles mixtes se sont intensifiés dans l’extrême nord. Mais, depuis les attentats suicides qui ont frappé en plein cœur Maroua, tout est sur haute surveillance », explique un agent. Aucun véhicule n’entre, ne sort et ne circule dans la ville après 20 heures. « Il faut attendre 5 heures pour entrer dans Maroua et arriver à l’agence », ajoute un conducteur, allongé sur son siège. « Surveiller les villages »
Le 14 août, le président camerounais Paul Biya a décidé de déployer 2 450 soldats supplémentaires, dans le cadre de la contribution du Cameroun à la force multinationale mixte, mise en place avec le Nigeria, le Niger et le Tchad pour lutter contre la secte islamiste. Les contrôles d’identité s’étendent aux banques et autres édifices publics, où les agents disposent de détecteurs de métaux. « Militaires, policiers et gendarmes viennent tout le temps en patrouille et nous devons dénoncer tout individu suspect », confie Mérimé. Le jeune vendeur a installé son échoppe à quelques mètres de l’endroit où a eu lieu l’attentat suicide au marché central de Maroua, le 22 juillet dernier.
Le dispositif sécuritaire est plus visible au fur et à mesure qu’on sort de la ville, à l’approche de la frontière avec le Nigeria. Sur la route trouée de nids-de-poule qui conduit à Mora, les pick-up des militaires soulèvent des nuages de poussière. « Ils vont surveiller les villages », murmure Aladji, un conducteur du car. Des soldats camerounais et tchadiens de la force multinationale sont en effet postés aux entrées du bourg de Talabadara, parfois près des habitations. Contrôles insuffisants
« C’est une zone clé, considérée par certains comme une plaque tournante de Boko Haram, explique une source sécuritaire. Ici, l’armée fait des tours dans les quartiers, des fouilles et contrôles systématiques, à tout temps ». Mais il en faudrait plus pour rassurer les habitants. « Les bagages ne sont pas fouillés sur le trajet Maroua-Mora et au niveau des contrôles, il n’y a pas de détecteurs de métaux, s’alarme Mousséini, habitant de Mora. Si un passager transporte une bombe, il peut facilement la faire passer de Mora à Maroua ou vice versa ».
Dans la localité de Makary, comme dans de nombreux villages frontaliers, un comité de vigilance collabore avec les militaires du bataillon d’intervention camerounaise, et alerte les autorités et l’armée en cas d’attaque. « Nous sommes dans une zone marécageuse où l’armée ne peut pas intervenir spontanément, explique Abgassi Adoum, maire de Makary. Il faut donc cette collaboration armée-habitants, pour mener à bien notre lutte ».
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