Afrique du Sud : Le nucléaire chinois à la conquête de l’Afrique
le 15/09/2015 10:10:00
Afrique du Sud

Après les barrages hydroélectriques, les centrales thermiques et les éoliennes, la Chine exporte sa technologie nucléaire en Afrique. Le Kenya a signé la semaine dernière un accord avec Pékin dans le cadre de son projet de centrale nucléaire. L’objectif est de lancer la première centrale kényane avec une capacité de 1 000 mégawatts à l’horizon 2025, et faire de l’électricité nucléaire « une composante fondamentale de la production d’énergie du pays », selon le Kenya Nuclear Electricity Board (KNEB).

Pékin n’en est pas à son premier partenariat en Afrique. Le 7 novembre 2014, la Chine et l’Afrique du Sud signaient un accord de coopération dans le nucléaire civil susceptible d’ouvrir des opportunités à la technologie chinoise. L’Afrique du Sud prévoit en effet d’acheter six à huit nouveaux réacteurs (9 600 mégawatts au total) en vue d’accroître sa capacité de production d’électricité. Son choix n’est pas encore arrêté et la Chine est en compétition avec la France, la Russie, la Corée du Sud et les Etats-Unis.

Mais Pékin a plus d’une carte dans son jeu. D’abord, comme toujours dans ce type de partenariat en Afrique, elle amène le financement. Une centrale coûte très chère et le seul contrat sud-africain est estimé à 45 milliards de dollars. Pretoria est en récession et l’argument du financement va peser très lourd dans la balance, d’autant que la technologie chinoise est beaucoup moins chère que les autres.

Autre point fort : les relations « privilégiées » entre la Chine et l’Afrique du Sud. La Chine est maintenant le plus grand partenaire commercial de l’Afrique du Sud, et le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est passé de 9,52 milliards de dollars en 2009, à 22 milliards en 2013. Mais l’argument massue pour Pékin, c’est sa capacité à construire vite et bien des centrales adaptées aux besoins du Sud.

Son produit phare est la centrale HPR1000. Une centrale de troisième génération que Pékin espère vendre à Nairobi et à Pretoria. Plus connue sous le nom de Hualong One, cette centrale ne fonctionne pas encore. Le conseil d’Etat chinois a approuvé en avril dernier seulement la construction de la première unité nucléaire pilote de troisième génération. Une technologie développée par les deux géants de l’atome, China General Nuclear Power Group (CGN) et China National Nuclear Corporation (CNNC).
La construction de cette première centrale « made in China » sur le sol national constitue un test grandeur nature visant à démontrer aux potentiels acquéreurs internationaux la fiabilité de cette technologie. Autant dire que le Kenya et l’Afrique du Sud suivent de très près l’avancée des travaux.

Dans le nucléaire comme ailleurs, la Chine avance à grand pas et voit beaucoup plus loin que ses frontières. Quatre ans après la catastrophe de Fukushima, qui avait provoqué un moratoire sur les constructions, Pékin se lance à corps perdu dans le nucléaire. La Chine n’a guère le choix. Elle connaît une véritable boulimie d’énergie et doit absolument, pour lutter contre la pollution atmosphérique, fermer une grande partie de ses centrales à charbon vieillissantes. Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, la Chine consommera trois fois plus d’énergie d’ici 2035.

« La Chine est le plus gros marché mondial pour l’atome et héberge 40 % des réacteurs nucléaires en construction », note Jean-François Dufour, directeur du cabinet de conseil Chine-analyse. La Chine veut ainsi passer de 15 à 60 gigawatts d’ici 2020 et 200 GW en 2030. Soit l’équivalent d’une bonne soixantaine de centrales classiques.

La Chine compte déjà vingt et un réacteurs nucléaires opérationnels répartis sur sept sites de production. Vingt-huit réacteurs sont en construction, ce qui la place au sixième rang mondial en termes de capacité de production, et au premier rang en nombre de réacteurs en construction devant la Russie et l’Inde.

Le lancement de Hualong One va surtout permettre d’accélérer l’exportation de l’atome chinois. Comme d’habitude la Chine mise en priorité sur les économies émergentes. Pour l’heure, seule l’Argentine a déjà signé un accord pour l’achat de réacteurs Hualong One en février 2015. Cette technologie, la Chine pourrait bientôt la vendre à l’Afrique du Sud, au Kenya, au Pakistan, à la Thaïlande, ou au Vietnam. Huit réacteurs made in China pourraient être exportés d’ici 2020, selon les plans du gouvernement chinois.

« A ce rythme, la Chine pourrait rapidement devenir le premier constructeur mondial de centrales, assure George Borovas, responsable des dossiers nucléaires au cabinet PWSP. La puissance financière et industrielle de la Chine en fait un acteur incontournable pour les pays en développement. »

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