Les quatre militants du mouvement de la société civile congolaise la Lucha ont été condamnés à six mois de prison assortis d'un an d'observation judiciaire. Ils avaient été arrêtés en avril dernier pour avoir demandé par le biais de tracts la libération de militants arrêtés mi-mars à Kinshasa, ainsi que le respect des libertés publiques. Ils ont été inculpés pour « incitation à la désobéissance à l'autorité ». Le procureur avait requis trois ans de prison. La défense plaidait pour l'acquittement, estimant qu'il n'y avait aucune preuve.
Condamnés mais libres. Voilà le drôle de verdict qui pèse sur les militants de la Lucha. En réalité, pendant un an, les quatre activistes seront soumis à une observation judiciaire. En clair, s'ils participent à une manifestation ou commettent le moindre acte qualifié d'infractionnel, ils seront immédiatement arrêtés et mis en prison pour six mois.
« C'est une véritable épée de Damoclès », regrette l'un de ces militants sous couvert d'anonymat, « et une façon de rendre passible de prison le simple fait de manifester ». Exemple : lundi, leur mouvement Lucha compte organiser une marche pour demander plus de sécurité dans le nord-est, dans la région de Béni, où des civils sont tués chaque semaine, et appeler à la tenue d'élections transparentes et crédibles. Les quatre condamnés n'y participeront pas, de peur d'être arrêtés.
De leur côté, les avocats des militants de la société civile s'étonnent d'un tel verdict. Les activistes de Lucha avaient organisé un rassemblement pacifique à Goma en avril dernier pour demander la libération de deux camarades militants détenus à Kinshasa. « Nous sommes indignés par cette condamnation de nos clients parce qu’elle ne répond pas aux exigences judiciaires, déplore Me Venance Kalenga, l'un des avocats des militants de la Lucha. Ils s’attendaient tout simplement à être acquittés parce que pendant l’instruction, comme le jour de la plaidoirie, l’organe poursuivant n’a pas démontré l’établissement de l’infraction qui était mise à leur charge. Ils se réservent d’user de toutes les voies légales pour faire valoir leurs droits, ils vont éventuellement faire appel de cette décision. »
Un verdict « politique », selon la défense
La défense dénonce un verdict politique. Pour elle, la justice n'avait pas de motif de condamnation. D’une part, parce que la liberté de manifester est inscrite dans la Constitution congolaise. Selon les avocats, le ministère public n'a jamais démontré l'appel à la désobéissance aux autorités.
D'autre part, le juge n'a pas pris en considération la lettre écrite aux autorités de la ville pour les informer de l'organisation d'un rassemblement en avril. « Nous estimons que nos clients ont démontré par la lettre qu’ils avaient adressée à l’autorité urbaine, ils avaient informé plus de deux semaines avant de la marche qu’ils avaient organisé une manifestation pacifique conformément à l’article 26 de la Constitution congolaise, souligne l'avocat. Malheureusement, lorsqu’ils sont allés déposer leur lettre d’avis de manifestation pacifique, l’un des préposés de la mairie de Goma avait refusé d’accuser réception de leur correspondance. C’est un mouvement citoyen, en respectant l’article 26 de la Constitution. Ils étaient d’ailleurs surpris de se voir arrêtés. C’est pour cela qu’ils ne comprennent pas la décision qui découle parce que pour eux ils se sont conformés aux lois de la république et ils ne voient pas pour quoi on pourrait les condamner. »
Dans un communiqué, la Lucha dénonce un jugement « honteux » et annonce son intention d'interjeter appel. L'objectif de cette condamnation est, toujours selon ce mouvement citoyen, d’étouffer tout élan d’éveil citoyen.
Par ailleurs, à Kinshasa, deux autres activistes de la société civile sont en détention préventive depuis six mois, après avoir participé à une conférence en présence de militants sénégalais et burkinabè des mouvements Y en a marre et du Balai citoyen. Ils n'ont toujours pas été jugés.
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