Le président Alpha Condé est officiellement vainqueur de l’élection présidentielle dès le premier tour. Un résultat déjà connu, mais que la Commission électorale nationale indépendante a officialisé samedi soir. Ces résultats provisoires, qui doivent encore être confirmés par la Cour constitutionnelle, sont clairs : Alpha Condé obtient 57,85 % des suffrages, soit la majorité absolue. Il rempile pour cinq ans. La cérémonie de la Céni s’est tenue au palais du Peuple de Conakry, sans l'opposition qui rejette l'issue du scrutin. Retour sur la longue soirée de Conakry.
Quelques heures avant la cérémonie de proclamation des résultats provisoires, Conakry tourne au ralenti. Les rues de la capitale de Guinée sont désertes, les boutiques sont fermées. Tous les yeux sont rivés vers le palais du Peuple, où l'assistance écoute de la musique et la télévision nationale en attendant l'arrivée du maître de cérémonie, Bakary Fofana, président de la Commission électorale.
Le moment est historique, fait remarquer le présentateur à la télévision. Et l'arrivée de Bakary Fofana est mouvementée, car les militaires sont nombreux. Devant un parterre de diplomates, d'observateurs et de membres du gouvernement, il tente dans un premier temps de calmer la presse, elle aussi représentée massivement. « S’il vous plaît, messieurs les journalistes, si vous barrez la vue aux autres, je ne pense pas qu’on va cohabiter facilement ! »
Le président de la Céni entame alors un discours de 15 minutes, dans lequel il dédouane son institution de toute faute durant le processus électoral. Avant de faire l’annonce que tout le monde attend : « Citoyennes et citoyens de Guinée, ont obtenu, professeur Alpha Condé : 2 285 827 soit 57,85 %. Cellou Dalein Diallo : 1 243 362 soit 31,44 % », détaille Bakary Fofana.
Avant de préciser : « Conformément à l’article 32 de la Constitution qui stipule : " Est élu le candidat qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés ", en attendant la proclamation définitive de ces résultats par la Cour constitutionnelle, la Céni proclame le professeur Alpha Condé élu dès le premier tour de l’élection présidentielle du 11 octobre 2015. Que le Bon Dieu répande sa miséricorde sur la Guinée. Je vous remercie. »
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Applaudissements nourris d’une salle où aucune personnalité de l’opposition n’était cependant présente. Celou Dalein Diallo, leader de l'UFDG, conteste la validité de l'élection et s'est retiré du processus électoral. Un peu plus tôt dans la journée, il avait appelé ses militants au calme, sans pour autant exclure d'organiser des manifestations. Les candidats perdants à la présidence ont huit jours pour déposer des recours devant la Cour constitutionnelle, chargée de proclamer les résultats officiels du scrutin. Mais M. Diallo a pour l'instant rejeté cette idée.
Absence de l’opposition
S'il n'y a pas de recours, la Cour constitutionnelle pourra officialiser la réélection d’Alpha Condé. Mais au sein de l'opposition, tous n'ont pas prévu de rejeter l'idée d'un recours. Papa Koly Kourouma, par exemple, prévoit de passer par cette voie légale plutôt que d'appeler à des manifestations. « Nous sommes dans le processus, nous avons des griefs et nous allons les porter au niveau de la Cour constitutionnelle et nous allons attendre sa réponse. Il lui appartiendra de nous donner raison ou de nous donner tort. C'est ça, la justice », confie-t-il.
Parmi les absents de la cérémonie de samedi soir, il y avait aussi le candidat de l'UFR, Sidya Touré, qui s'est également retiré du processus électoral et ne se dit pas étonné des annonces de la Céni : « Cela est conforme à notre conférence de presse du lundi 12 (lendemain du scrutin, NDLR), pendant laquelle nous avons annoncé que les résultats qui se préparaient, nous n’allions pas les reconnaître », martèle-t-il.
Et de rappeler les raisons du boycott : «Depuis le départ, nous nous sommes tout simplement retirés du processus de centralisation des votes puisque les résultats qui arrivaient n’étaient pas conformes à la réalité des votes dans les bureaux dont on avait les résultats. Quelle que soit notre préparation, il était impossible de contrer cette fraude qui a été mise en place avec une ampleur jamais égalée dans ce pays. »
Une position que critique Albert Damatang Camara, porte-parole du gouvernement. S'il se dit bien évidemment satisfait des résultats de la Céni, il regrette le retrait de l'opposition du processus électoral et son absence à la cérémonie : « Nous pensions que d’une manière loyale - je ne veux pas dire fairplay mais c’est presque ça -, on serait allés jusqu’au bout, tous ensemble, de ce processus que nous avons commencé ensemble et pour lequel nous avons fait beaucoup de concessions pour permettre à l’opposition de continuer à être présente, de participer », avance-t-il.
M. Camara estime que la décision de l'opposition ne sert pas la démocratie guinéenne : « Au dernier moment, ils ont décidé de se retirer justement pour décrédibiliser ce scrutin (...) Les institutions que nous avons sont les nôtres, il aurait été élégant et républicain de continuer à aller jusqu’au bout de cette logique et d’utiliser les autres voies de recours dont nous disposons. Nous souhaitons que l’opposition ne mette pas en œuvre sa menace de faire descendre des gens dans la rue. Ce serait rendre un bien mauvais service à notre démocratie. »
Conakry est calme
Présent dans l'assistance en soirée, Mathieu Mérino, chef adjoint de la mission d'observation de l'Union européenne, réagit au déroulé du processus : « On avait fait des recommandations très fortes pour la mise en place d'une institution républicaine comme la Cour constitutionnelle en 2010 et 2013. Aujourd’hui, elle existe. Ne préjugeons pas de son travail. »
Le message : privilégier la voie légale, la Cour constitutionnelle, à la rue et au rejet d'un processus électoral forcément fragile : « Nous serons très heureux de suivre les travaux (de la Cour), on espère qu’ils seront le plus public possible à tous niveaux. Simplement, je dirais une chose : on invite tout le monde à contester les résultats, s’ils doivent le faire, par les voies légales. Aujourd’hui, il existe la Cour constitutionnelle, autant en profiter. »
Pour l'heure, aucune violence signalée à Conakry. Dans les rues de Mafanco, ce samedi soir, de nombreuses forces de sécurité - gendarmes ou policiers - patrouillaient dans le quartier. Peu après l’annonce des résultats : quelques coups de klaxons, et quelques militants scandant les slogans de campagne du gagnant. Les effusions de joie sont modérées, car l’on s’attendait à la réélection d’Alpha Condé.
C'est ce qu'explique un homme à RFI : « Les gens écoutaient les résultats à la radio, on savait que compte tenu des résultats, le président Alpha était devant. » « Bien sûr, surenchérit un autre homme, on savait déjà qu’Alpha Condé serait réélu. Les gens ont su la victoire 24 heures avant. L’effet de surprise a moins joué son rôle. Mais cela n’empêche que les gens sont contents. »
Un peu plus loin, casquettes jaunes du RPG vissées sur la tête, on célèbre même un mariage : « Nous sommes en train de faire le thé avec les amis et la vie continue ! » Les manifestations préélectorales de la semaine dernière, qui se sont déroulées dans le quartier voisin, ont laissé quelques traces, ajoute un quatrième Guinéen croisé en ville : « La programmation des résultats a été un " ouf " de soulagement pour nous, parce que cela s’est passé dans de très bonnes conditions. C’est calme, et c’est bon comme ça. C’est vraiment bien comme ça. »
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