Les Européens ont exhorté vendredi les responsables libyens de tous bords à accélérer la mise en place d'un gouvernement d'union nationale, au lendemain de deux attentats meurtriers revendiqués par le groupe État islamique (EI).
La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a promis de soutenir, y compris financièrement, la Libye dans la lutte contre le terrorisme, indiquant que l’UE avait préparé un plan d’aide « à hauteur de 100 millions d’euros, immédiatement disponible (…) dès l’entrée en fonctions » d’un gouvernement d’unité.
L’aide sécuritaire européenne pourra également intervenir dans les domaines de la « formation » et du « conseil », a ajouté la représentante de l’UE, à l’issue de plusieurs heures d’entretiens avec des responsables libyens à Tunis.
Les Occidentaux s’inquiètent de plus en plus de la persistance du vide politique en Libye, un pays divisé entre deux pouvoirs rivaux et une multitude de factions et de milices.
Au sortir de sa rencontre en début d’après-midi avec celui qui devrait être le futur Premier ministre libyen, Fayez el-Sarraj, Mme Mogherini avait exprimé le soutien « unanime » de l’Europe à l’accord de sortie de conflit signé le mois dernier au Maroc sous l’égide de l’ONU.
Cet accord, conclu par des membres des deux Parlements rivaux, doit être entériné avant le 17 janvier mais les obstacles demeurent nombreux, en particulier pour convaincre ceux qui s’y opposent dans chaque camp.
Son urgence apparaît d’autant plus grande au lendemain de l’attentat le plus meurtrier depuis la révolte qui a mis fin au régime de Mouammar Kadhafi en 2011.
Plus de 50 personnes ont été tuées dans un attentat suicide au camion piégé dans le centre de formation de la police à Zliten (170 km à l’est de Tripoli).
Cette attaque a été revendiquée vendredi par l’EI qui a aussi endossé la responsabilité d’un autre attentat suicide qui a tué jeudi six personnes à l’entrée de la ville pétrolière de Ras Lanouf (est).
L’ONU, les États-Unis et l’UE ont insisté sur la nécessité pour les Libyens de « s’unir de manière urgente pour combattre le terrorisme », selon les termes de l’émissaire spécial de l’ONU pour la Libye, Martin Kobler.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné les deux attentats et a appelé une nouvelle fois les factions rivales libyennes à s’entendre rapidement sur un gouvernement d’union.
Fortes divisions
Les Occidentaux redoutent que l’EI, qui contrôle une bande territoriale autour de Syrte (450 km à l’est de Tripoli), ne renforce son influence et ses ressources financières en prenant le contrôle des hydrocarbures, qu’il déstabilise l’Afrique, et qu’il exporte depuis la Libye des jihadistes vers l’Europe.
L’EI a lancé en début de semaine des attaques visant le « croissant pétrolier », à Ras Lanouf, qui héberge la plus grande raffinerie du pays, et à al-Sedra. Les attaques ont été repoussées par les gardes des installations mais plusieurs réservoirs de brut ont pris feu, selon la Compagnie nationale du pétrole (NOC).
« La situation en Libye devient très préoccupante puisqu’on voit les tragiques scénarios irakien et syrien se reproduire avec l’EI profitant énormément du chaos, de l’effondrement des autorités centrales et des guerres par procuration », souligne Karim Bitar, directeur de recherches à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
« Un gouvernement d’union nationale devient urgent mais la situation a atteint un tel état de dégradation et les méfiances réciproques sont tellement nombreuses que rien ne garantit le succès du plan de transition, malgré les pressions internationales », prévient-il.
La médiation de M. Kobler se heurte aux fortes divisions au sein même des deux pouvoirs rivaux, celui exilé dans l’Est, reconnu par la communauté internationale, et l’autre implanté à Tripoli.
Ainsi, les attaques de l’EI dans le « croissant pétrolier » ont « exacerbé l’animosité et la méfiance » entre les deux hommes fort de l’Est : le chef des gardes des installations pétrolières, Ibrahim Jodhran, et le commandant des forces loyales au pouvoir de l’Est, le général Khalifa Haftar, souligne M. Eljarh.
M. Jadhran a décrit « Haftar et l’EI comme étant « les deux faces d’une même monnaie » », pour critiquer l’inaction du premier face à l’offensive des jihadistes.
La mise en place d’un gouvernement d’union est jugé indispensable pour fournir un cadre juridique à une éventuelle intervention militaire internationale contre les jihadistes. Plusieurs pays européens, dont l’Italie ont indiqué être prêts à participer à une campagne qui pourrait prendre la forme de bombardements aériens, comme cela est déjà le cas en Irak et en Syrie.
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