Depuis fin novembre, l'Éthiopie est secouée par une série de manifestations de l'ethnie majoritaire oromo. A l'origine des tensions : le programme d'extension de la capitale Addis-Abeba, qui viendrait de facto grignoter la région Oromia. Huit semaines après les premières émeutes, la situation s'envenime et le gouvernement répond d'une main de fer.
140 manifestants auraient été tués, par les forces de l'ordre, au cours des huit dernières semaines, rapporte Human Rights Watch. « Les forces de sécurité ont tué au moins 140 manifestants et en ont blessé de nombreux autres, selon des militants, ce qui pourrait être la plus importante crise en Ethiopie depuis les violences liées aux élections de 2005 », écrit Felix Horne, chercheur à HRW, dans un texte publié sur le site de l'organisation.
Impossible d'avoir un chiffre précis. Les étudiants oromos, en première ligne des manifestations, prétendent que le nombre de morts serait bien plus élevé. Sans parler des arrestations, et même des « disparitions ». Pour sa part, le gouvernement n'a pas souhaité commenter.
En décembre, un leader d'opposition avait été arrêté, soupçonné d'avoir incité la population à manifester. Impossible aujourd'hui de savoir où se trouve l'opposant. Des chaînes de télévision ont été censurées. Les artistes oromos affirment être étroitement surveillés.
Les organisations des droits de l'homme s'inquiètent de l'usage de la force par le gouvernement. Les commandos spéciaux ont été déployés dans certaines villes et la police locale et l'armée ont tiré à plusieurs reprises sur des manifestants non armés.
Les Oromos, l'ethnie qui représente un tiers de la population, s'opposent au programme d'extension d'Addis-Abeba. Ce master plan mènerait à l'expropriation des fermiers. Une énième discrimination, car les Oromos ont toujours été marginalisés par les gouvernements successifs.
Une contestation globale des politiques du gouvernement
Pour Felix Horne, chercheur à Human Rights Watch, ces manifestations ont évolué vers une contestation globale des politiques gouvernementales à l'encontre des Oromos.
« Aujourd’hui dans la région Oromia, chaque personne qui exprime un discours contre les politiques du gouvernement peut être prise à partie. Avant, les manifestations étaient contre le master plan, mais ça a évolué. Particulièrement parce que les forces de police utilisent de plus en plus la force contre les manifestants.
Selon les activistes, 140 personnes ont été tuées. Ce n’est pas un chiffre officiel de HRW. Mais ce qu’on peut dire c’est que quand on écoute les témoignages de personnes sur le terrain, on se rend vite compte que les chiffres de personnes tuées et arrêtées sont bien plus importants que ceux qui ont été donnés par les ONG.
Donc on ne dit pas que 140 personnes ont été tuées, cela pourrait être bien supérieur comme inférieur. Mais ce qui est sûr, c’est que la répression continue, et sur une échelle bien supérieure que ce que nous avions rapporté par le passé », a déclaré à RFI Felix Horne chercheur à HRW.
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