À l’issue de ses travaux, le 10 janvier, le congrès constitutif de Nidaa Tounes a nommé le fils de Béji Caïd Essebssi au poste de directeur exécutif. Exit les dissidents ! Le parti au pouvoir veut ouvrir une nouvelle page où il entend se rapprocher davantage des islamistes conservateurs d’Ennahdha.
Le Congrès constitutif de Nidaa Tounes, étape préliminaire d’un Congrès électif prévu en juin, a clos ses travaux le 10 janvier en attribuant la direction exécutive du parti à Hafedh Caïd Essebsi, fils de Béji Caïd Essebsi, fondateur de Nidaa et président de la République.
En plaçant son congrès sous le signe de la « Fidélité » (El Wafa), Nidaa Tounes entend se conformer à la continuité du projet destourien, à l’esprit bourguibien et aux valeurs républicaines. Rien de nouveau par rapport à la ligne esquissée depuis la fondation du parti en 2012. Néanmoins, Nidaa se recentre en appelant au consensus entre formations politiques et ne se positionne plus comme adversaire des islamistes d’Ennahdha.
Hafedh, l’homme fort du parti
Le courant mené par Hafedh Caïd Essebsi l’a emporté et a clos la crise de Nidaa Tounes en excluant de facto les dissidents et ses rivaux qui contraient son émergence depuis 2014. Lazhar El Akremi, Taïeb Baccouche et Lazhar Karoui Chebbi ne sont plus membres du bureau alors que, dans les semaines précédentes, certains dirigeants comme Mohsen Marzouk, ancien secrétaire général, et Mondher Belhaj Ali avaient démissionné du parti. Entre les deux factions, il existe deux points de désaccord : le rapprochement avec les islamistes et l’organisation d’un Congrès électif sans passer par un Congrès constitutif.
Nidaa et Ennahdha, le sacre d’une alliance
En assistant au congrès comme invité d’honneur, le président de la République a fait un écart par rapport à la Constitution qui lui impose d’être à égale distance de tous les partis. Il prend fait et cause pour les partisans de son fils, arguant que « la crise de Nidaa Tounes est une question de sécurité nationale ». Il écarte ainsi l’aile gauche du parti qui lui avait été utile pour remporter les élections législatives et présidentielles de 2014.
Le cheikh d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, a ensuite pris la parole en tant qu’invité d’honneur. « La Tunisie est un oiseau, dont Nidaa et Ennahda sont les ailes », a-t-il déclaré, confirmant le concordat établi par les deux partis et vexant Afek Tounes et l’Union Patriotique Libre (UPL), partis impliqués dans la coalition gouvernementale. Désormais, Nidaa Tounes et Ennahdha, frères ennemis hier, marchent main dans la main. Cette règle du consensus gomme leurs différences en risquant de vider de leur substance leurs programmes politiques respectifs. Néji Jalloul, ministre de l’Éducation, justifie l’alliance affichée avec les islamistes en soutenant que « Nidaa a apporté le consensus en Tunisie ».
Les dissidents se mobilisent
Face à ce changement de ligne politique, les sortants de Nidaa s’unissent. Avec Mohsen Marzouk pour chef, ils se proposent de reprendre à leur compte les premiers fondamentaux républicains de Nidaa Tounes dont le parti s’est, selon eux, éloigné. « Nidaa, c’est fini ! Mais il faut trouver un autre mode de restructuration des forces du pays, dans un modèle horizontal, sans égo, sans leader narcissique, sans hommes politiques mobilisés uniquement par leurs salaires de responsables, leurs voitures de fonction, et leur bras long», conclut Mounir Charfi, un acteur de la société civile.
L’aile du RCD se renforce
Autre moment-clé du congrès : l’entrée de Raouf Khamassi et de Faouzi Elloumi au sein du bureau du parti, ce qui montre que les anciens du Rassemblement constitutionnel démocratique (ex-RCD de Ben Ali) tiennent à leur part du gâteau et que le système a repris le dessus, cinq ans après la dissolution du parti. « Nous avons eu un parti unique pendant 50 ans. Il est aujourd’hui devenu bicéphale avec une tendance conservatrice qui prédomine », note un militant désappointé.
Les déçus de la révolution
Autant dire que les déceptions nées de la situation actuelle au sein de Nidaa Tounes risquent de profiter à d’autres formations politiques. Moncef Marzouki, ancien président de la République, qui vient de fonder le parti Irada (la volonté), compte rassembler les déçus de la révolution, réactiver sa force de frappe avec le soutien du sud du pays qui lui demeure fidèle et les Ligues de protection de la révolution (LPR).
Le mot d’ordre est lancé : la scène politique tunisienne se prépare aux législatives et présidentielle de 2019, tout en se faisant les dents sur les municipales prévues en 2016 mais qui risquent d’être reportées à 2017.
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