Le pouvoir et l'opposition fourbissaient déjà samedi leurs armes au Niger en vue du 2e tour au lendemain de l'annonce des résultats de la présidentielle: le sortant Mahamadou Issoufou est largement en tête mais l'opposant Hama Amadou, bien qu'emprisonné, croit en ses chances.
Le deuxième tour le 20 mars sera inédit et atypique avec deux hommes, qui étaient alliés en 2011 — Hama Amadou avait rallié le camp Issoufou à l?issue du premier tour– mais, surtout, avec un candidat incarcéré dans le cadre d’une affaire controversée de trafic d’enfants et obligé de faire campagne depuis sa prison de Filingué, à 180 km au nord de Niamey.
Avec 48,41% contre 17,79% à son rival, M. Issoufou, 63 ans qui brigue un second quinquennat, est « en ballotage extrêmement favorable », selon le ministre de l’Intérieur Hassoumi Massaoudou. « On est un peu déçus de ne pas passer dès le premier tour sur le plan personnel mais sur le plan politique, le travail est fait », dit-il.
Il n’a manqué que 170.000 voix sur 4,83 millions de suffrages exprimés au président sortant pour passer au premier tour comme il en avait fait le pari.
La ministre des Affaires étrangères Aïchatou Kané Boulama estime que « cela démontre que nous sommes une véritable démocratie. On n’a pas influencé le vote comme nous en accuse l’opposition et cela va conforter notre image de démocratie au Niger et à l’étranger ».
Elle assure que le président « se repose sur son bilan », mettant notamment l’accent sur le vote favorable à M. Issoufou à Diffa (sud-est), la zone victime d’attaques des islamistes nigérians de Boko Haram.
« Cela prouve que les Nigériens plébiscitent la politique du président qui a rétabli la sécurité dans le pays », de 18 millions d’habitants parmi les plus pauvres de la planète et vivant sous la menace des groupes jihadistes.
Quinze candidats étaient en lice. Derrière les deux postulants à la victoire finale, l’ancien Premier ministre Seini Oumarou a obtenu 12,11% des suffrages et l’ancien président Mahamane Ousmane 6,25%.
Si on ajoute Amadou Boubacar Cissé, dit ABC (1,48%), les grands opposants qui ont promis de s’unir pour le second tour, ne pèsent pas plus de 40%.
Un des arbitres pourrait être la surprise du scrutin, Ibrahim Yacouba (4,34%), exclu du parti du président Issoufou il y a quelques mois mais qui ne fait pas partie de la coalition de l’opposition COPA 2016.
« Il y a très peu de choses à faire pour l’emporter », se félicite Mohamed Bazoum, ministre d’Etat sans portefeuille, un des hommes clés de M. Issoufou.
Il confie avoir déjà commencé à prendre attache avec des candidats malheureux pour des alliances.
« Nous avons remporté la majorité (absolue avec plus de 90 députés de la coalition) au Parlement (lors des législatives organisées en même temps que la présidentielle), nous serons au gouvernement et nous avons des choses à proposer », précise-t-il, cinq ans après avoir obtenu le ralliement surprise de M. Amadou à M. Issoufou.
– L’opposition pense avoir la majorité –
Hama Amadou, 66 ans, ancien Premier ministre passé à l’opposition, est incarcéré depuis novembre 2015 dans un dossier de « droit commun » selon les autorités et « politique » selon l’opposition.
Mais, celui qu’on surnomme « le Phénix », parce qu’il renait de ses cendres, est « confiant qu’il va battre Issoufou », promet Nassirou Halidou, député du parti de M. Amadou, qui lui a rendu visite en prison vendredi.
« J’ai été +chez lui+ parce qu’il faut dire +chez lui+. Issoufou lui a imposé un +chez+ dans la prison. Le peuple va le libérer. Il va aller de la prison à la présidence », ajoute le député.
« Il y a eu des fraudes massives. Des bourrages d’urnes, des pv (procès verbaux) falsifiées, des résultats annoncés alors qu’on dépouillait encore », clame-t-il assurant même que des délégués de son parti ont « disparu, arrêtés pour ne pas qu’ils siègent ».
« Les résultats annoncés ne sont pas le reflet de la réalité. En vérité, Issoufou a obtenu 38%, Hama 28%; Seini Oumarou 23% et Mahamane Ousmane 10% », jure-t-il.
« Au deuxième tour, on va l’empêcher de voler et on va gagner. Ce n’est pas dur à comprendre ».
Ousseïni Salatou, porte-parole de la COPA 2016, est sur la même longueur d’ondes.
« Nous allons prendre toutes les mesures pour que la souveraineté des populations soit préservée, les Nigériens ont exprimé leur désir d’alternance et il y aura l’alternance ».
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