Cinq ans après la révolution, la torture existe encore en Tunisie. Des centaines de cas sont relevés chaque année par des organisations locales et internationales, qui s’inquiètent de la persistance et des conséquences de cette pratique.
C’est un chiffre alarmant : 250 plaintes signalant des cas de torture et 11 cas de « mort suspecte » ont été reçues en 2015 par l’Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT), d’après son rapport annuel présenté le 7 mai à Tunis. Ce dernier pointe du doigt une pratique qui fait toujours des victimes aujourd’hui, en dépit des mesures annoncées par le gouvernement tunisien pour y mettre fin.
Radhia Nasraoui, avocate spécialisée dans les droits de l’Homme, membre du sous-comité de lutte contre la torture à l’ONU et présidente de l’Association de lutte contre la torture en Tunisie, nous en dit plus sur cette violence qui gangrène le pays.
Jeune Afrique : Quelles sont les grandes lignes du dernier rapport de l’association ?
Radhia Nasraoui : Il s’agit d’un rapport sur les violences graves, les mauvais traitements et la torture en Tunisie, des actes qui ont lieu principalement dans les postes de police et qui touchent toutes les catégories de personnes, hommes, femmes, et même quelques enfants ! 250 plaintes ont été déposées en 2015 auprès de notre association et nous recevons presque quotidiennement des victimes de la torture. Mais nous ne sommes pas les seuls et d’autres organisations ont également relevé d’autres cas de torture. Et puis beaucoup de victimes n’osent pas se manifester par peur d’avoir à faire face à d’avantage d’ennuis, comme des procès montés de toute pièce.
La lutte antiterroriste peut-elle justifier, dans certains cas, la torture ?
Rien ne justifie la torture, pas même le terrorisme. La loi ne fait pas de distinction, elle punit tous les tortionnaires sans exception. De plus, l’utilisation de la violence pour obtenir des informations est inefficace et aboutit à des aveux forcés. La plupart du temps, une personne torturée donnera des informations fausses, avouera des crimes qu’elle n’a pas commis, donnera des noms de gens qu’elle ne connaît pas…
Lorsque je me suis exprimé sur ce sujet, j’ai subi une forte campagne de dénigrement de la part de personnes m’accusant de défendre le terrorisme et remettant en cause mon patriotisme. Mais je reste sur mes positions : les droits de l’Homme doivent être respectés pour tous et je continuerai à défendre tout le monde, même ceux qui ont participé à ma persécution sous la dictature de Ben Ali. La seule façon de me faire taire serait de me tuer !
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