Maroc : Le Maroc perturbe la donne
le 08/06/2016 16:49:35
Maroc

Image redimensionnéeUn coup de tonnerre a éclaté récemment dans la diplomatie internationale. La visite du Roi du Maroc Mohammed VI chez le Président de la Russie Vladimir Poutine, marque un tournant sans précédent, et rebat les cartes dans le concert des nations.

Le Maroc saura-t-il saisir ce virage pour le moins historique?

Quels évènements ont permis ce revirement? Quelles seront les conséquences de cette nouvelle orientation?



La nouvelle est passée plutôt inaperçue dans l’actualité main stream…Pourtant, le 15 mars 2016, cinquante ans après, la Royauté marocaine chérifienne se rend de nouveau au pays des Tsars.

Symbole qui aurait pu alimenter aisément la chronique des BFM TV et consorts, et pourtant…

Il faut dire que cette visite dérange, en Europe, et ailleurs.



Cette rencontre est le point d’orgue d’une nouvelle orientation inattendue dans la diplomatie marocaine.



Du discours affirmé du 20 avril 2016 (d’aucuns diront complotiste), à l’occasion du sommet Maroc-CCG [Conseil de Coopération du Golfe] à Riyad, jusqu’à la visite au Président chinois Xi-Jinping le 11 mai, Mohammed VI semble chercher de nouvelles alliances au détriment de ses alliés traditionnels tels que l’Union européenne, la France, les États-Unis…

Il faut dire que ces derniers semblaient jusqu’à présent se comporter avec le Maroc comme en terrain conquis, un reliquat conscient ou inconscient du statut de protectorat du siècle dernier, euphémisme pour ne pas désigner une colonie partagée entre plusieurs anciennes puissances coloniales (Espagne, France..).

Le déclic semble s’être produit lors de deux évènements qui ont clairement remis en cause le train-train des alliances post-independances du royaume chérifien.



En effet, le 10 décembre 2015, la Cour de justice européenne rejette l’accord de libéralisation des échanges agricoles et de pêche entre le Maroc et le Conseil de l’Union européenne, suite à une requête du Front Polisario (mouvement politique et armé du Sahara occidental, créé en 1973 pour lutter contre l’occupation espagnole et opposé depuis 1975 au Maroc pour le contrôle du Sahara occidental).

Le Maroc réagit alors par la voix du porte-parole du gouvernement en ces termes :

« Le Maroc rejette cette décision. Nous demandons aux responsables européens de prendre une position claire et ferme. Sinon, cette décision d’annulation nous poussera à revoir l’ensemble de nos relations bilatérales et aura un impact sur tous nos accords. »



Une grave crise s’en suivit. C’est alors l’amorce du virage de la diplomatie du royaume, bien décidé à se faire respecter en tant qu’état libre et indépendant dans ses choix.

L’autre événement qui a confirmé que le Maroc était de moins en moins considéré dans les relations internationales (en tout cas parmi ses « alliés »), est la visite de Ban Ki-Moon, Secrétaire général de l’ONU à Alger, du 5 au 7 mars dernier.



Lors de cette dernière, celui-ci s’est rendu dans les camps de réfugiés sahraouis près de Tindouf, dans le sud-ouest de l’Algérie, mais il s’est aussi déplacé, et c’est sans précédent, dans une zone contestée et gérée par les indépendantistes du Polisario. Ban Ki-Moon évoqua un « référendum sur l’autodétermination » et utilisa le terme « occupé » pour qualifier la présence marocaine dans le Sahara.



La réaction marocaine ne tarda pas.

Le royaume argua que « l’utilisation de ce terme est une insulte envers le peuple marocain et une ineptie juridique et une erreur politique grave », rappelant qu’« aucune résolution du Conseil de sécurité n’a utilisé une telle terminologie. »

Ban Ki-Moon n’aurait pas fait mieux pour mettre la pression sur le Maroc, une semaine exactement avant la visite en Russie… Coïncidence ?

C’est peu probable, notamment quand on connait l’alignement de Ban Ki-Moon sur les États-Unis en tout point. Ces derniers verraient d’un très mauvais œil le Maroc rejoindre le bloc mené par la Russie. Il faut savoir que même si le Maroc n’a pas de bases américaines sur son sol, il leur accorde néanmoins certaines facilités.



Dans la ligne de mire des États-Unis, la Russie.

La Russie, sous embargo américain et européen, doit trouver d’autres partenaires, et le Maroc représente d’un point de vue stratégique, un intérêt primordial (notamment à cause du détroit de Gibraltar). En revanche, sur le plan économique, Rabat a peu à y gagner, la balance commerciale étant nettement à l’avantage des Russes.

L’intérêt des Marocains se situe surtout dans le droit de veto russe au Conseil de sécurité, annihilant, le cas échéant, toute résolution négative à son égard dans le conflit du Sahara.



Lors de cette visite en terre russe, pas moins de quinze conventions en tout genre (économique, culturelle, religieuses, etc.) ont été signées et montrent à quel point le Maroc cherche de nouveaux partenaires afin d’éviter toute dépendance envers ses alliés traditionnels.

Ces démarches sont un jeu d’équilibriste et Mohammed VI marche sur des œufs.



Il essaie de résoudre une équation extrêmement complexe :

Chercher le soutien de Moscou et soutenir l’intervention des pays du Golfe en Syrie contre Bachar al-Assad, allié des Russes, eux-mêmes alliés historiques de l’Algérie, qui elle, soutient le Polisario…

Participer à la Coalition de son allié traditionnel l’Arabie Saoudite au Yémen contre les Houtis chiites soutenus par l’Iran, allié des Russes, même si le Maroc affirme « compter sur la sagesse des responsables saoudiens et iraniens afin d’éviter que la situation actuelle ne s’étende à d’autres pays de la région. »



Ainsi va la diplomatie, des alliances qui semblent apparemment contradictoires mais aux implications et aux intrigues inextricables pour le commun des mortels.

Le Maroc est à un carrefour historique tant au niveau de ses relations internationales qu’au niveau de son intégrité territoriale revendiquée.

Cette tentative courageuse de s’extraire de la mainmise américano-européenne sioniste, à travers cette nouvelle diplomatie tous azimuts, n’est-elle qu’un feu de paille destiné à s’éteindre rapidement sous les pressions occidentales, ou le Roi maintiendra-t-il ce nouveau cap procurant à son pays grandeur, fierté et indépendance ?



Le Parti Anti Sioniste ne peut qu’encourager toute action du Maroc visant à sortir de la sphère d’influence occidentalo-sioniste.

Il est plus que temps que les peuples du Maghreb sortent des querelles internes et s’unissent afin de faire face à leur véritable ennemi.

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