Tchad : l'opposition divisée à la veille de la réélection du président Déby
le 25/04/2011 17:18:07
Tchad

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Xinhua
N'DJAMENA, 24 avril (Xinhua) -- Trois leaders de l'opposition tchadienne ont choisi de boycotter l'élection présidentielle du 25 avril 2011. D'autres ont battu campagne pour le chef de l'Etat sortant.

"Depuis la disparition de son porte-parole Ibni Oumar Mahamat Saleh en février 2008, la CPDC (Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution, Ndlr) n'existe que de nom", a confié à Xinhua un observateur du landerneau politique tchadien, ajoutant que ce regroupement de partis politiques est anachronique et son existence n'est que de façade.

En 2005, le président Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis quinze ans déjà, décide de modifier la Constitution pour se maintenir indéfiniment au pouvoir. Mue par une solidarité rare, son opposition se regroupe pour lui barrer le chemin. Ainsi naît la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (CPDC).

Mais en dépit de la résistance montrée par la CPDC, l'Assemblée nationale majoritairement dominée par le parti au pouvoir ( Mouvement patriotique du salut, MPS) révise la Constitution du 31 mars 1996 et fait sauter le verrou qui limite le mandat présidentiel à deux fois.

En février 2008, des troupes rebelles investissent la capitale pendant 48 heures. La bataille de N'Djaména tourne en faveur de Déby, mais fait de nombreux dégâts collatéraux, notamment l'arrestation des opposants Ibni Oumar Mahamat Saleh, Wadal Abdelkader Kamougué, Lol Mahamat Choua et Ngarléjy Yorongar.

Les trois premières personnalités sont tous membres de la CPDC, tandis que la dernière a toujours voulu jouer solo son opposition à Déby.

Quelques jours après l'offensive rebelle, Wadal Abdelkader Kamougué, Lol Mahamat Choua et Ngarléjy Yorongar sont libérés, tandis qu'Ibni Oumar Mahamat Saleh porte encore aujourd'hui disparu.

Pour penser les plaies de la guerre, le président a nommé un nouveau Premier ministre (Youssouf Saleh Abbas) et formé un " gouvernement de large ouverture".

Certains membres de la CPDC acceptent d'entrer dans le gouvernement d'union nationale: le général Wadal Abdelkader Kamougué au ministère de la Défense nationale, Jean Bawoyeu Alingué à la Justice, Mbaïlaou Naïmbaye Lossimian à l'Agriculture et Hamit Mahamat Dahalob à l'Aménagement du territoire, urbanisme et habitat.

"Nous sommes entrés au gouvernement au nom de la CPDC", clament Kamougué, Alingué, Naïmbaye et Dahalob. "Non", rétorque le porte- parole adjoint de la coalition, Saleh Kebzabo. Un air de suspicion et de délitement souffle sur la CPDC.

Au nom du principe de la solidarité gouvernementale, les quatre opposants prennent de la distance avec leurs camarades de lutte. Pour autant, le bateau ne coule pas complètement. Ibni Oumar Mahamat Saleh disparu, c'est le porte-parole adjoint de la CPDC, Saleh Kebzabo, et son rapporteur Salibou Garba, qui maintiennent le flambeau. Non sans difficulté jusqu'aux élections législatives du 13 février dernier.

Des listes communes entre partis membres de la CPDC sont constituées dans certaines circonscriptions électorales. Mais, cela n'empêche pas la déconfiture d'un mouvement quasi anachronique.

Lol Mahamat Choua et son parti (le Rassemblement pour la démocratie et le progrès, RDP) ont déjà quitté l'opposition pour former une alliance avec le parti au pouvoir et le VIVA-RNDP de l'ancien premier ministre Kassiré Coumakoye, allié naturel du président Déby Itno.

L'élection présidentielle du 25 avril 2011 viennent sonner définitivement le glas de la CPDC. Ses leaders sont incapables de s'entendre sur une candidature unique capable de battre Déby.

Les candidatures de Abdelkader Kamougué, Saleh Kebzabo (et de Ngarléjy Yorongar, opposant non membre de la CPDC) sont retenues par le Conseil constitutionnel. A contrario, celles de Mbaïlaou Naïmbaye et Hamid Dahalob sont invalidées pour des motifs divers.

Ainsi, il ne reste que trois opposants en lice pour, comme disait Saleh Kebzabo, "inquiéter Idriss Déby Itno, l'amener au second tour et le battre par le jeu de l'alliance".

Mais, Wadal Abdelkader Kamougué, Saleh Kebzabo et Ngarléjy Yorongar décident de suspendre leur participation au scrutin du 25 avril prochain. Ils ne reviendront pas dans la course si leurs préalables ne sont pas pris en compte, notamment l'impression de nouvelles cartes d'électeurs.

Si les trois opposants présidentiables sont solidaires, la CPDC, elle, est au bord de la rupture. C'est le Mouvement pour la démocratie et le socialisme au Tchad (MDST), de Hamid Mahamat Dahalob, qui ouvre le bal de la défection en annonçant son soutien au candidat Déby Itno. Il sera suivi par l'Union pour la démocratie et la république (UDR) de Jean Alingué Bawoyeu, et par l'Action pour la république, la démocratie et le développement ( ARD) de Mbaïlaou Naïmbaye Lossimian.

"Il est inconcevable qu'un parti de l'opposition soutienne le candidat du parti au pouvoir", hurlent Saleh Kebzabo et Wadal Abdelkader Kamougué. Au cours d'une réunion, tenue il y a deux semaines, onze partis de la CPDC décident "à l'unanimité" d'exclure le MDST, l'UDR et l'ARD du regroupement, "pour trahison".

"Notre exclusion de la CPDC est sans fondement", répliquent Jean Bawoyeu Alingué, Mbaïlaou Naïmbaye et Hamid Dahalob dans un communiqué peu de jours après. Selon eux, personne n'a le monopole de la CPDC.

"Avec cette énième division, la CPDC devrait être définitivement enterrée. L'on devrait dire sa messe de requiem", ironise un chef de parti politique membre de la mouvance présidentielle.

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