Cameroun : une Ă©tude retrace l'histoire du Cameroun depuis plus de 50.000 ans avant J.C.
le 31/05/2011 16:23:32
Cameroun

20110531
Xinhua
YAOUNDE, 30 mai (Xinhua) -- Conduite le long du pipeline Tchad- Cameroun entre 2000 et 2004, une étude d'archéologie préventive associant des chercheurs européen, canadien et camerounais pour la partie camerounaise a abouti à la découverte de plus de 450 sites datés et a permis de retracer l'histoire du Cameroun depuis plus de 50.000 ans avant Jésus Christ (J.C.) à aujourd'hui.

De l'avis de ces auteurs, cette recherche est inédite en Afrique subsaharienne. "C'est la toute première grande recherche, puisqu'elle s'est étalée sur 1200 km de pipeline. Elle a bien sûr permis d'entrevoir et d'amener les connaissances sur des régions qui étaient très difficilement accessibles. Grâce au pipeline, on y accède. Ça nous apporte énormément sur le plan de l'histoire, de la culture du Cameroun et du Tchad", a déclaré à Xinhua le géo- archéologue français Richard Oslisly.

Chercheur à l'Institut (français) de recherche pour le développement (IRD) au Cameroun, au Gabon et en Guinée équatoriale, Dr Oslisly est l'un des membres de l'équipe de travail de ce projet. Les fouilles opérées, informe-t-il, se sont limitées sur l'emprise du pipeline, sur un rayon de 10 mètres de part et d'autre, d'une tranchée qui fait un mètre de large.

"En fait, les fouilles se font sur la partie tranchée. A côté, s'il y a un site important qui est en dehors de la tranchée, il est bien sûr géoréférencé par GPS et il peut être analysé plus tard", a-t-il expliqué dans un entretien avec Xinhua au terme d'une conférence internationale notamment dédiée à ces découvertes la semaine dernière à Yaoundé.

Par archéologie préventive, le chercheur entend celle qui précède l'exécution de grands travaux d'infrastructures et permet d'avoir "une structuration dans le temps, sur la chronologie, sur l'espace de temps" et d'affiner cette chronologie culturelle, et donc de "pouvoir étoffer ou même effacer certains paragraphes qui avaient été dits et qui étaient faux" sur l'histoire d'un peuple.

PRESENCE DES HOMMES DE 5.000 ANS

"On a énormément de renseignements sur des temps anciens, chose qui fait défaut dans tous les livres que l'on apprend à l'école sur l'histoire. On apprend encore de nos jours que nos ancêtres les pygmées, c'est archifaux! Nos ancêtres, ce n'est pas les pygmées. Il y a les pygmées en forêt, mais il y avait aussi des grands Noirs avant les Bantou, puis les Bantou après", précise-t- il.

Dans le cadre de l'oléoduc Tchad-Cameroun, les sites étudiés " ont permis, dit-il, d'établir une chronologie de plus de 50.000 ans à nos jours, avec surtout une importante présence des hommes de 5.000 ans à nos jours. Mais, bien sûr quelques dates très anciennes qui remontent à 50.000 ans". Une trouvaille fabuleuse qui marque sans doute une nouvelle étape dans la reconstitution de l'histoire du Cameroun.

Du côté du Tchad, c'est plus de 120 sites qui ont été découverts, mettant en exergue "une métallurgie ancienne aux alentours du premier millénaire après J.C. avec énormément de scories, des bas-fourneaux, des tullières, du laitier, qui montrent que les métallurgistes étaient très présents dans cette région. Parce qu'il y a aussi ce qu'on appelle les cuirasses athlétiques, il y a les ressources d'une matière première qui est le minerai de fer".

Auteur d'un article intitulé "Une décennie d'archéologie préventive au Cameroun : 2000-2010", publié dans les Cahiers de l'archéologie du Musée des sciences de l'homme à Paris en France, Richard Oslisly a auparavant mené avec un groupe d'étudiants camerounais de la spécialité une première archéologie préventive sur la route Lolodorf-Kribi-Campo, dans le Sud du Cameroun, ayant abouti à l'analyse du matériel et la soutenance de deux maîtrises.

"Egalement dans la foulée, nous avons fait une archéologie préventive sur un axe routier au Gabon. Nous avons fait aussi travailler des étudiants sur le terrain. Ce qui est intéressant, c'est que sur un kilométrage de 84 km d'un axe routier au Gabon, on a un site plus de 1.500 mètres. C'est quand même important, dans un contexte forestier très profond", indique en outre cette figure de renom.

Sur l'axe Ngaoundéré-Touboro-Borguibo, entre le Cameroun et le Tchad, l'attention a été portée sur une soixantaine de sites, avec une chronologie de 10.000 ans à nos jours. Et il y a peu, c'était autour de la centrale thermique de Dibamba à l'entrée de Douala, la métropole économique camerounaise, de révéler ses secrets, sur un carré de 200 mètres sur 200 mètres, soit 40.000 m2.

Dans cette zone, 222 sculptures archéologiques ont été découverts, 600 kilos de matériel archéologique, 24.000 tessons, une chronologie de 2.000 ans à nos jours et un âge du fer ancien du deuxième, troisième siècle, puis un continuum très régulier depuis le 10e siècle au millénaire à nos jours.

"On voit justement les populations précoloniales et le contact avec les commerçants européens, avec l'arrivée de perles, de vases un peu spécifiques d'Europe et bien sûr après la colonisation proprement dite avec les objets en fer, des bouteilles, des verres qui arrivent d'Europe et des perles coutumières", rapporte Oslily, également auteur de la première thèse de préhistoire sur le Gabon.

TRADITION MALONGO JUSQU'AU CONGO

A Kribi, sur une autre centrale thermique dans la localité de Mpolongoué, des fouilles menées avec l'appui d'une association dénommée "Valorisation de la biodiversité, de culture et de l'écotourisme" ont fourni 300 kilos de matériel et une chronologie de 10.000 ans à nos jours, avec des populations de chasseurs, cueilleurs, tailleurs de pierre, des grands Noirs, sur les côtes de cette ville balnéaire, avec des pierres taillées très fines et des outils accroches, des pointes de flèche.

Il apparaît également une population plus spécifique qui, elle, se caractérise, par une tradition de poterie du nom de malongo qui, depuis Kribi, traverse la Guinée équatoriale et arrive au Gabon, à Okala à Libreville, puis descend sur le parc national de Louango pour atteindre Pointe-Noire au Congo.

L'épicentre de cette tradition culturelle démarre à peu près en datation à 1000-1200 ans avant J.C. et pour arriver à avoir des dates de l'ère chrétienne.

Dans la vallée de l'Ogooué au Gabon, il a été remonté la présence relativement ancienne dans le bloc forestier de chasseurs, cueilleurs, tailleurs de pierre, entre 350.000 et 400.000 ans. "Je ne dis pas que c'est plus ancien au Gabon qu'au Cameroun. Il y a des régions du Cameroun qui n'ont jamais été prospectées ou qui ont été prospectées il y a très longtemps. Il y a par exemple la région de Koncha, à la frontière du Cameroun avec le Nigeria, où il y a des pierres taillées qui ont peut-être entre 1 million et 1 million et demi d'années", précise Dr. Oslisly.

Pour la portée culturelle et scientifique de ces découvertes, le chercheur souligne que "d'abord, ça va permettre la vulgarisation des résultats à travers des articles, ça va être aussi des soutenances de thèses. Il y a déjà des masters qui sont en cours, des soutenances de thèse et énormément une énorme portée par exemple sur Douala où n'avait aucune information sur l'ancienne histoire de Douala. On n'avait que le contact des Européens et grâce à la fouille de Dibamba, on a pu reconstituer tout ce qui s'est passé depuis 2000 ans. Et Kribi, c'est pareil".

Les travaux de construction du barrage hydroélectrique de Lom Pangar, les terrassements du port en eau profonde de Kribi sur une superficie de 160 hectares dans "une région très riche en archéologie", les grands projets miniers et le chemin de fer de 450 à près 500 km entre Mbalam (Est) et Kribi réservent certainement d'autres grandes surprises. D'ores et déjà, ce sont les besoins de formation qui sont déclarés pour pouvoir réponde à cette forte demande.

Format imprimable Envoyer cet article ŕ un ami Créer un fichier PDF ŕ partir de cet article
Les commentaires appartiennent Ă  leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.