1112011 Jeune afrique La ministre marocaine, Nouzha Skalli, se prononce pour une légalisation partielle de l’avortement et va présenter des projets de loi contre le travail des mineurs et contre le harcèlement sexuel dans les lieux publics.
« Je n’ai pas peur de m’attaquer aux tabous, explique Nouzha Skalli. J’ai passé ma vie à forcer des portes. » À preuve, le 14 octobre, la ministre marocaine du Développement social, de la Famille et de la Solidarité a pris position sur le sujet très sensible de l’avortement. Elle s’est prononcée, engageant ainsi le gouvernement, pour une légalisation partielle dans les cas de viol, d’inceste ou de grave malformation du fœtus. « Il faut regarder la réalité en face et s’attaquer au sort, dramatique, de ces femmes », plaide-t-elle. Dans un pays où le code pénal punit de six mois à deux ans de prison « l’avorteur et l’avortée », les avortements clandestins sont légion et donnent lieu à de graves dérives. « Je préfère dire “interruption médicale de grossesse”, corrige la ministre. C’est plus neutre. » Mais la bataille ne fait que commencer, et le projet de loi devra encore être discuté au Parlement lors d’un débat qu’elle espère serein. Reste que cette décision, annoncée en toute fin de mandat, pourrait ne pas être reprise par le gouvernement qui arrivera aux affaires après le 25 novembre. « Ne me parlez pas de l’avenir. Parlons déjà du présent », tranche la ministre. Deuxième combat, celui du projet de loi pour l’abolition du travail des mineurs, qu’elle porte depuis des années et qui va être présenté au Parlement. Quelques semaines après la mort d’une jeune « bonne » sous les coups de son employeur à Casablanca, le sujet est brûlant. « Je suis très heureuse de ces avancées, même si je reste consciente qu’il y a, là aussi, de nombreuses résistances, regrette-t-elle. Il faut que les mentalités changent et, pour cela, l’arsenal juridique est nécessaire. » Son projet de loi sur le harcèlement sexuel dans l’espace public répond à la même logique. À ceux qui la raillent en arguant qu’il va être difficile de verbaliser les siffleurs et autres dragueurs impénitents, elle rétorque que « la loi ne sert pas seulement à punir, mais aussi à structurer les mentalités ».
Suciter des vocation
Tous ceux qui l’ont connue reconnaissent à Nouzha Skalli une incroyable ténacité. Issue d’une famille de militants, elle s’engage en politique en 1969, à l’âge de 19 ans, et adhère au Parti du progrès et du socialisme (PPS), dont elle est membre du bureau politique depuis 1998. À partir de 1976, elle se présente à toutes les élections. « Je me suis présentée sept fois de suite avant d’être élue aux municipales en 1997, puis au Parlement en 2002. À chaque fois, j’étais persuadée que j’allais gagner. » Rien ne saurait arrêter celle qui s’est fixé des objectifs dès son plus jeune âge. « La cause des femmes est, a toujours été et restera mon combat, quelle que soit ma position », martèle-t-elle. À l’approche des législatives, où les femmes ont obtenu 15 % des sièges, elle se dit à moitié satisfaite : « On aurait pu mieux faire et atteindre 30 %. Mais la nouvelle Constitution nous rend plus fortes puisqu’elle assoit le principe de la parité. »
Celle qui cite comme modèles la Franco-Tunisienne Gisèle Halimi, la Française Simone Veil ou la Chilienne Michelle Bachelet veut croire qu’elle a peut-être, elle aussi, suscité des vocations chez ses concitoyennes. Fondatrice du Comité national pour la participation des femmes à la vie politique, membre fondateur de l’Organisation marocaine des droits humains, elle s’est toujours appuyée sur la vitalité de la société civile pour mener ses combats. Persuadée que l’implication des femmes permet de réhabiliter le fait politique en le rendant à la fois plus éthique et plus proche du peuple, elle défend un féminisme que certains jugent « old school ». Qu’importe, dans un pays où de nombreuses portes restent fermées à double tour pour la gent féminine, on peut compter sur Nouzha Skalli pour continuer de faire sauter les verrous.
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