27112011 Yahoo.fr LE CAIRE (Reuters) - Des affrontements ont à nouveau éclaté samedi dans le centre du Caire entre la police et des manifestants exigeant des militaires qu'ils renoncent immédiatement au pouvoir en Egypte.
Ces incidents menacent un peu plus le déroulement des élections législatives prévues à partir de lundi.
Un manifestant de 21 ans, Ahmed Sayed, est mort après avoir été percuté par un véhicule de la sûreté de l'Etat lors de ces heurts près de la place Tahrir. Il s'agit du premier décès dans les rangs des manifestants depuis la conclusion jeudi d'une trêve avec les forces de l'ordre après quasiment une semaine de violences fatales à 41 personnes dans l'ensemble de l'Egypte.
Les manifestants ont mis cette trêve à profit pour organiser un sit-in près du siège du gouvernement afin de protester contre la nomination vendredi par l'armée de Kamal Ganzouri au poste de Premier ministre. Ce dernier, âgé de 78 ans, est un vétéran de la scène politique égyptienne et il a déjà dirigé un gouvernement de 1996 à 1999 sous la présidence d'Hosni Moubarak, qu'un soulèvement populaire a chassé du pouvoir le 11 février.
Kamal Ganzouri est chargé de former un gouvernement de "salut national" susceptible de répondre aux aspirations des manifestants, qui réclament une accélération du transfert du pouvoir aux civils.
Parallèlement, le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui s'est chargé de conduire la période de transition après le renversement d'Hosni Moubarak, a rencontré séparément deux candidats probables à la future élection présidentielle, Mohamed ElBaradeï et Amr Moussa, a-t-on appris de source militaire.
"J'ai rencontré le maréchal Hussein Tantaoui afin de discuter de la crise actuelle et des moyens susceptibles de la résoudre", a par la suite déclaré Amr Moussa à Reuters, sans plus de précisions.
GANZOURI RENCONTRE DES JEUNES
Dans un communiqué publié par ses services, Mohamed ElBaradeï dit avoir noué des contacts avec toutes les parties concernées pour "obtenir la mise en oeuvre de toutes les revendications de la révolution". Selon ce communiqué, il a rencontré le maréchal Tantaoui ainsi que le chef d'état-major de l'armée, Sami Enan, pour discuter de ces revendications mais aucun accord n'a pu être conclu.
Certains groupes de manifestants désignent Mohamed ElBaradeï comme leur choix privilégié pour prendre la tête d'un gouvernement civil chargé de superviser la transition à la place des militaires du CSFA.
Kamal Ganzouri a pour sa part rencontré de jeunes activistes mais le mouvement du 6-Avril, à la pointe du soulèvement contre Hosni Moubarak, a désavoué ces derniers qu'il juge manipulés par le conseil militaire.
Kamal Ganzouri a dit à la presse qu'il n'avait encore proposé à personne le moindre portefeuille ministériel. "Je suis prêt à m'asseoir autour d'une table avec tous les courants politiques. Le nouveau gouvernement comportera de nouveaux visages et des jeunes en feront partie car ils forment l'épine dorsale de cette révolution", a-t-il dit.
Les manifestants de la place Tahrir considèrent Kamal Ganzouri comme une résurgence de l'ancien régime. Ils voient dans sa nomination le signe que les militaires ne sont pas prêts à renoncer au pouvoir.
Depuis vendredi, une vidéo circule sur YouTube montrant Kamal Ganzouri assis non loin du maréchal Tantaoui, le chef du CSFA, le 25 janvier, premier jour du soulèvement contre Hosni Moubarak. Les deux hommes écoutent un discours de Habib al Adli, alors ministre de l'Intérieur, qui est actuellement jugé pour avoir ordonné la mort de manifestants.
"A bas, à bas le maréchal", a scandé un groupe de manifestants sur la place Tahrir, en allusion au maréchal Tantaoui.
Le ministère de l'Intérieur affirme que le manifestant tué samedi a été victime d'un accident, une version confirmée par Ahmad Zeidan, un participant au sit-in âgé de 18 ans.
"Ce n'Ă©tait pas volontaire", a dit ce dernier. "(Les policiers) Ă©taient en train de battre en retraite rapidement car les manifestants jetaient des pierres et des cocktails Molotov en leur direction."
MARATHON ÉLECTORAL
Les émeutes de la semaine écoulée menacent le déroulement des élections législatives, dont la première phase, étalée sur deux jours, débute lundi, notamment au Caire et à Alexandrie. Le processus électoral sera achevé en janvier.
Si ces élections ont des allures de marathon, c'est notamment car la supervision du scrutin a été confiée aux juges, trop peu nombreux pour couvrir l'ensemble des opérations de vote dans le pays si elles se déroulaient sur une seule journée. Les juges ont conservé le respect de la population en raison de leur image d'indépendance.
Ces Ă©lections divisent les Egyptiens.
Désireux de s'implanter au parlement, les Frères musulmans et les autres grands partis qui se sont tenus à l'écart des dernières manifestations dans le centre du Caire refusent tout report du scrutin. Ils ont accepté le calendrier proposé par les militaires.
Les manifestants de la place Tahrir jugent que des élections sont sans valeur tant que gouverne l'armée. Ils ont obtenu une concession des militaires, qui ont accepté d'avancer la date de l'élection présidentielle, censée parachever le processus de transition. Celle-ci aura lieu au plus tard fin juin 2012.
Kamal Ganzouri a déclaré que sa tâche était "extrêmement difficile" et il s'est fixé pour priorité de ramener le calme dans les rues et de relancer l'économie. Il a précisé que le gouvernement ne serait pas annoncé avant lundi.
Après la journée "de la dernière chance" organisée vendredi sur la place Tahrir, des manifestants souhaitent à nouveau procéder à un vaste rassemblement dimanche pour exiger le transfert immédiat des pouvoirs des militaires à un gouvernement civil.
L'Union européenne et les Etats-Unis ont demandé vendredi de transférer le plus tôt possible le pouvoir à un régime civil et d'organiser les élections selon le calendrier prévu.
Avec Mohamed Abdellah, Tom Perry, Maha al Dahan et Reuters television, Benjamin Massot et Bertrand Boucey pour le service français
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