1712012 Jeune afrique Social-démocrate réputé pour son intégrité et sa pondération, le président de la Constituante tunisienne s'explique sur l'alliance qu'il a noué avec les islamistes et le Congrès pour la République. Et appelle la majorité comme la minorité à sortir des logiques partisanes dans l'intérêt supérieur de la révolution.
Il est l'un des trois hommes du triumvirat qui dirige la Tunisie. Président de l'Assemblée nationale constituante (ANC), laquelle est désormais la dépositaire légitime de la souveraineté populaire, Mustapha Ben Jaafar, 72 ans, aura son mot à dire dans les grandes décisions du pouvoir exécutif, exercé par le président de la République, Moncef Marzouki, et le chef du gouvernement, Hamadi Jebali.
Depuis son élection au perchoir, le 22 novembre, et en l'absence d'un règlement intérieur de l'Assemblée - qui sera adopté en janvier -, son légendaire sens du compromis, son sang-froid et le respect dont il jouit au sein de la classe politique lui ont été d'un grand secours pour diriger les premiers débats véritablement pluralistes et contradictoires de l'histoire du pays. « Nous sommes tous en train d'apprendre les règles de la démocratie », rappelle-t-il à chaque fois que les échanges deviennent houleux, le contraignant à jouer les équilibristes.
Militant de la démocratie et des droits de l'homme depuis une quarantaine d'années, cet ancien professeur de médecine, père de quatre enfants (trois garçons et une fille), sait aussi se montrer ferme quand les circonstances l'exigent. Social-démocrate, il a fait le pari de nouer une alliance avec Ennahdha (islamiste modéré) et le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste) - qui, comme lui, ont combattu sans faiblir la dictature - et d'accepter de présider l'ANC, dont la tâche principale est de doter la Tunisie d'une nouvelle Constitution. Interview.
Jeune Afrique : Un an après la révolution, comment la Tunisie aborde-t-elle 2012 ?
Mustapha Ben Jaafar : Avec une certaine sérénité retrouvée. En effet, après les premières élections démocratiques de l'histoire du pays, les institutions légitimes sont en place, et les problèmes, identifiés. Un consensus s'est dégagé au niveau de l'équipe dirigeante autour de l'adoption d'un langage de vérité. Nous sommes conscients de la gravité de la situation héritée et de l'importance des attentes. Lors des débats sur la loi de finances à la fin de décembre, on n'a d'ailleurs entendu personne dire : « Nous allons tout régler. » Bien au contraire, le discours officiel est imprégné de rationalité. Nous faisons appel à toutes les énergies et compétences, ainsi qu'à toutes les capacités d'investissement pour atteindre l'objectif prioritaire, qui est de réduire le chômage et les disparités entre les régions.
ĂŠtes-vous satisfait du fonctionnement de la coalition ?
Oui. En témoignent les bonnes conditions dans lesquelles se sont déroulés l'élection du président de l'ANC, celle du président de la République, le vote de confiance en faveur du gouvernement Jebali, l'adoption de la loi sur l'organisation des pouvoirs publics [« petite Constitution », NDLR] et celle de la loi de finances 2012. Tout cela s'est fait dans le respect de la liberté d'expression de chacun, ce qui démontre bien que l'alliance entre nos trois partis ne signifie pas l'alignement.
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