2112012 Jeune afrique Les Libyens, en plein conflit armé, ont dû jouer plusieurs matchs en terrain neutre. Quant aux Tunisiens, il avaient mal commencé les qualifications de cette CAN 2012. Des difficultés que les deux équipes phares des révolutions arabes ont surmontées pour accéder à la phase finale. Et maintenant ?
Pour cette CAN 2012 (21 janvier - 12 février au Gabon et en Guinée Équatoriale), le tirage au sort ne l'avait pas expédiée dans le groupe de qualification le plus relevé du lot. Puisque le destin avait placé sur son chemin le Mozambique et les Comores - au pedigree guère impressionnant -, rien n'interdisait à la sélection nationale libyenne de s'inventer un destin équatorial pour l'hiver 2011-2012, même si son troisième adversaire, la Zambie, fait partie depuis deux décennies des équipes qui comptent en Afrique. Dans les pas de cette dernière, vite érigée en favorite du groupe C, les Libyens avaient d'ailleurs confirmé leur statut de candidats à la qualification grâce aux quatre points obtenus lors des deux premiers matchs, disputés à l'automne 2010 (0-0 au Mozambique, 1-0 face à la Zambie à Tripoli).
Et puis l'onde de choc tunisienne s'est propagée aux portes de Tripoli, après avoir emporté le régime de l'Égyptien Hosni Moubarak. C'était en février 2011. Juste après un match amical remporté contre le Bénin (3-2). Les joueurs libyens ignoraient qu'ils venaient de disputer leur dernière rencontre à domicile et que la révolution partie de Benghazi les obligerait à s'exiler pour la suite des qualifications, à Bamako d'abord (3-0 face aux Comores, le 28 mars), au Caire ensuite (1-0 face au Mozambique, le 3 septembre).
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Performance libyenne
Égypte et Algérie : deux poids lourds hors jeu
Il y a deux ans, l'Égypte s'apprêtait à rapporter au Caire sa troisième Coupe d'Afrique des nations (CAN) consécutive, la septième de son histoire. L'Algérie, elle, n'en finissait plus de savourer son retour parmi l'élite africaine après six ans d'absence et, surtout, sa qualification pour la Coupe du monde 2010, obtenue lors d'un match de barrage homérique à Omdurman (Soudan) contre les Pharaons (1-0). Vingt-quatre mois plus tard, les souvenirs se sont évaporés et les deux sélections nord-africaines se retrouvent face à leurs interrogations.
L'Égypte, plombée par un début de qualifications calamiteux, n'a jamais réussi à rétablir une situation très vite compromise. La révolution a interrompu le championnat - où évoluent la majorité des internationaux -, et Hassan Shehata, le sélectionneur aux trois titres, a démissionné après un match nul contre l'Afrique du Sud (0-0), synonyme de quasi-élimination. L'Américain Bob Bradley l'a remplacé cet automne, avec pour chantier principal le renouvellement, à terme, d'une génération vieillissante (El-Hadary, Gomaa, Hassan).
L'Algérie, quant à elle, a été victime de son inefficacité offensive chronique et de son instabilité technique. Depuis la Coupe du monde, Rabah Saadane et Abdelhak Benchikha ont démissionné, et Vahid Halilhodzic, arrivé en juillet dernier, n'a pas réussi à rattraper les points perdus. Les Fennecs, vont tenter de se qualifier pour la CAN 2013 et la Coupe du monde 2014. Compte tenu de ce qu'ils ont montré ces derniers mois avec Halilhodzic, le rêve est à nouveau permis... .
« Sincèrement, leur qualification relève de l'exploit, assure le Franco-Algérien Nordine Sam, qui a joué cinq mois pour le club d'Al-Nasr Benghazi. Déjà , la Libye n'est pas une place forte du football africain, même si, comme c'est le cas par exemple au Soudan, les joueurs ont l'habitude de jouer ensemble dans les meilleurs clubs du pays. Mais se qualifier en disputant ses deux derniers matchs à domicile sur terrain neutre, et au total cinq [hors du pays] sans en perdre un seul, c'est une vraie performance. »
Reparti en France pour régler quelques affaires personnelles juste avant le début de l'insurrection, Nordine Sam n'a ensuite pas pu revenir en Libye. Pendant ses vacances forcées en France, puis lors de son bref séjour à Constantine - qu'il a quitté fin décembre pour migrer au Koweït -, il a continué à communiquer avec certains de ses coéquipiers d'Al-Nasr, internationaux libyens. « Tant que le colonel Kaddafi était au pouvoir, ils n'osaient pas trop en parler. Je sais que certains joueurs de la sélection étaient favorables au régime. Ils savaient que Kaddafi assurait aux meilleurs d'entre eux un bon salaire [pouvant dépasser 770 000 euros par an, NDLR] et des avantages en nature, poursuit-il. Maintenant qu'il est mort, ils disent tous sur leur [mur] Facebook qu'ils étaient hostiles au colonel. C'est de bonne guerre... »
Si le pays a changé d'ère, l'équipe nationale libyenne est toujours aussi énigmatique. Claudio Gentile, champion du monde avec l'Italie en 1982 et né à Tripoli, s'est proposé pour en devenir le sélectionneur. Mais le Brésilien Marcos Paqueta est resté en poste, préparant la Coupe d'Afrique des nations (CAN) avec une majorité de joueurs qui n'ont eu que les matchs de la sélection pour se maintenir en condition, faute de championnat national. Mais les Libyens ont prouvé qu'ils pouvaient s'adapter à toutes les situations.
Les Tunisiens, qualifiés de dernière minute
Les Tunisiens appartiennent eux aussi à la catégorie des miraculés. Et ils le savent. Les vainqueurs de la CAN 2004 ont vu l'année 2011 défiler dans la quasi-certitude que l'édition 2012 se jouerait sans eux, mais avec les Zèbres botswanais, la « sensation » du groupe K en particulier et des qualifications en général (lire p. 82). L'équipe d'Afrique australe avait en effet validé son billet dès le 26 mars dernier, par la grâce d'une victoire au Tchad. Les Aigles de Carthage reviennent de loin. Ils ont attendu la dernière journée et la visite de Togolais démobilisés (2-0, le 8 octobre) pour devancer le Malawi et s'installer à la deuxième place, effaçant d'un trait de plume les dégâts causés par un début de qualifications raté.
Sami Trabelsi (43 ans, en photo ci-dessous, © Fethi Belaid/AFP)) a succédé en mars dernier à la tête de la sélection au Français Bertrand Marchand, qui n'avait pas survécu à une défaite au Botswana (0-1, le 17 novembre 2010) et à un total de points - 7 en 5 matchs - assez éloigné des aspirations originelles. « Il faut comprendre pourquoi nous avons mal débuté, tient à souligner Trabelsi, qui était l'adjoint de Marchand. Le Togo, d'abord suspendu par la CAF [Confédération africaine de football] après l'attentat de Cabinda et son forfait à la CAN 2010 en Angola, a été réintroduit dans notre groupe. Nous avons joué notre premier match contre le Botswana (0-1), à Tunis, le 1er juillet 2010, avec des joueurs qui venaient pour la plupart de reprendre l'entraînement. Le match retour a eu lieu en semaine et, entre-temps, nous avions reçu le Malawi (2-2) en plein ramadan. »
Quand il a été bombardé sélectionneur de l'équipe A, Trabelsi revenait du Championnat d'Afrique des nations (Chan), organisé au Soudan en février 2011. L'équipe de Tunisie A' a remporté la compétition, alors que le pays connaissait les événements que l'on sait. « Je pense qu'il y a un lien entre ce qui s'est passé en Tunisie et l'équipe nationale, reprend-il. Quand nous étions au Soudan, les joueurs étaient forcément très inquiets. Cela a motivé le groupe, alors que nous n'avions pas eu de vraie préparation. Cette envie d'aller à la CAN 2012 est le prolongement de notre victoire au Chan. Les joueurs, dont certains ont joué pour l'équipe A' et pour l'équipe A, voulaient absolument se qualifier, pour le peuple tunisien qui aime tant le football. J'ai d'ailleurs souvent remarqué que les internationaux qui évoluent à l'étranger, et qui pour certains sont nés en France ou en Suisse, par exemple, étaient au moins aussi concernés que les autres par la situation en Tunisie. »
Au moment de composer sa liste de vingt-trois joueurs pour la CAN, le sélectionneur des Aigles a surtout pioché dans le championnat local, alors que celui-ci a été mis plusieurs mois en veilleuse. « La première division a repris d'avril à juillet, et la saison 2011-2012 a recommencé en novembre. En plus, il y a eu les matchs de coupes d'Afrique et ceux de la sélection. Les Aigles ne sont pas en manque de compétition », rassure Trabelsi. La Tunisie, escortée d'un statut d'outsider pour la phase finale, revient de tellement loin qu'elle pourrait bien être tentée de prolonger le plaisir...
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