2112012 Jeune afrique Le paludisme et le sida font oublier que le cancer fait aussi des ravages sur le continent. Or sa progression y est des plus alarmantes. Une bataille sanitaire de grande ampleur doit s'engager d'urgence, qu'aucun pays ne peut gagner seul.
Le cancer tue plus que le paludisme, la tuberculose et le sida réunis. À l'échelle mondiale, il cause plus de 7 millions (13 %) des décès chaque année. Et l'Afrique n'est pas épargnée. Loin de là . Si des mesures de prévention ne sont pas prises d'urgence, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) prévoit que, d'ici à 2030, y seront enregistrés entre 800000 et 1,6 million de nouveaux cas de cancer et entre 500 000 et 1,2 million de décès par an (soit 20 % de la charge de morbidité du continent). Un constat d'autant plus alarmant que ces estimations s'avouent sous-évaluées, faute de registres fiables qui répertorient l'ensemble des cas et des pathologies dans les différents pays.
Diagnostic tardif
Absence de prévention, tabou de la maladie, diagnostic tardif, indigence des infrastructures, pénurie de personnel qualifié… À tous les niveaux de la chaîne, le manque de moyens est criant. Sur le plan de la prévention, des équipements, comme de l'accès aux traitements et aux soins palliatifs, le Maghreb et l'Afrique du Sud affichent une longueur d'avance. Le reste de l'Afrique subsaharienne arrive loin derrière. « Plus de 70 % des malades ne se rendent dans les structures de prise en charge que lorsqu'il est déjà trop tard », explique le cancérologue camerounais Paul Ndom, président de l'ONG Solidarité Chimiothérapie (Sochimio). Résultat : le taux de mortalité par cancer atteint 75 % dans certains pays.
Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), la radiothérapie, utilisée efficacement sur plus de la moitié des malades dans les pays développés, n'est accessible que dans 21 des 54 pays du continent (couvrant moins de 20 % de la population totale), où elle est parfois vétuste et peut s'avérer dangereuse. Du côté des praticiens, le cas de la Côte d'Ivoire (qui a validé son Programme national de lutte contre le cancer en 2009) est éloquent : pour 21 millions d'habitants, le pays ne comptait en 2011 que 4 cancérologues…
Coût des traitements
L'accès aux thérapies, quand elles sont disponibles, se heurte à un problème de coût, que l'offre maghrébine, indienne et sud-africaine en génériques ne suffit pas à résoudre. Quelques laboratoires s'efforcent d'y remédier. Fin novembre 2011, un partenariat a été signé entre l'algérien Biopharm et le britannique AstraZeneca pour la production de traitements anticancéreux qui devraient couvrir, à terme, 70 % des besoins en Algérie. De grands laboratoires occidentaux soutiennent par ailleurs le financement d'infrastructures et d'équipements, et offrent tout ou partie des traitements. Par exemple, le programme « Accès » du suisse Roche permet aux patients à revenus modestes, au Maroc et en Mauritanie, de bénéficier de traitements innovants à moitié prix.
Reste qu'il est difficile de sortir de l'impasse en l'absence manifeste de volonté politique et de programmes cohérents, financés et durables. Aucun pays au monde ne peut prétendre vouloir lutter contre le cancer sans avoir mis en œuvre un plan national à cet effet. Ce qui implique l'existence réelle d'un registre national et d'un plan d'infrastructures, sans oublier le volet prévention. Certains pays ont engagé des plans nationaux, notamment ceux du Maghreb. En revanche, ainsi que le souligne le professeur guinéen Namory Keita, « hormis l'Afrique du Sud, qui a fait un grand pas dans ce sens, tous les pays au sud du Sahara font traîner l'application de leurs plans nationaux ». Et pour cause : alors que les pays africains se sont engagés, à travers la Déclaration d'Abuja de 2001, à affecter 15 % de leur PIB au secteur de la santé, ils n'y consacrent en moyenne que 3 %, ciblant en priorité le sida, le paludisme et la tuberculose.
Promesses
Cela étant, même en y accordant une politique volontariste, aucun pays n'est susceptible de faire face, seul, aux coûts élevés incontournables à tous les niveaux. D'où l'importance du secteur privé et des réseaux Nord-Sud, mais aussi Sud-Sud, qui se mettent en place entre chercheurs, praticiens, laboratoires, associations de professionnels et de la société civile. Dans le sillage de l'Organisation africaine pour la recherche et l'enseignement sur le cancer (Oarec), fondée en 1983, ou encore d'Afrocancer, créée en 2005, l'Africa Cancer Foundation a été lancée au Kenya en avril 2011. « C'est le réseau associatif qui fait évoluer les choses, avec au premier rang l'Association Lalla Salma contre le cancer, au Maroc, qui n'a pas d'équivalent en Afrique », souligne le cancérologue sénégalais Adama Ly. De leur côté, les organisations internationales multiplient les démarches, à l'image de l'AIEA avec son programme d'action pour la radiothérapie contre le cancer.
Face aux promesses gouvernementales non tenues et aux plans inachevés ou virtuels, c'est de ces partenariats que viendront les progrès. « Dans de nombreuses localités rurales et dans certains bidonvilles, les acteurs privés sont les seuls prestataires de santé », a rappelé le docteur Khama Rogo, responsable de l'Initiative santé en Afrique à la Banque mondiale, lors de la réunion de l'Assemblée des ministres de la Santé de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), le 5 décembre, à Dakar. Le secteur privé semble en tout cas être le seul à même, pour l'instant, d'accélérer la réalisation d'objectifs sanitaires en espérant qu'à terme la lutte contre le cancer puisse être intégrée aux Objectifs du millénaire pour le développement définis par l'ONU. Un Graal synonyme de manne financière. Tweet Tous droits de reproduction et de représentation ImprimerImprimer EnvoyerEnvoyer Partager cet articlePartager
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