2812012 Jeune afrique Présentant son programme d'action devant le Parlement, le 19 janvier, le Premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane, a déjà rompu avec son style de tribun. Converti au pragmatisme, il essuie ses premières critiques...
Premier test pour le gouvernement dirigé par l'islamiste et leader du Parti de la justice et du développement (PJD) Abdelilah Benkirane, la confiance du Parlement est une quasi-formalité au Maroc. La coalition des quatre partis au pouvoir détient 217 sièges sur 395, auxquels il faut ajouter une dizaine d'élus de petits partis soutenant la majorité. Mais la présentation du programme de politique générale fait partie des traditions dont il ne faut rater aucune étape. Annoncé avec beaucoup de discrétion le mardi 17 janvier au soir à l'issue d'une réunion du Conseil de gouvernement, le programme a fuité quelques heures plus tard dans les colonnes du quotidien arabophone Akhbar Al Youm daté du mercredi, soit trente-six heures avant le discours de Benkirane devant le Parlement réuni en congrès. Les élus n'ont pas vraiment apprécié.
Sous la coupole, sérieux et cravaté, le chef du gouvernement subit la colère des élues.
Le 19 janvier, sous la coupole de la Chambre des représentants, le chef du gouvernement, sérieux et cravaté, subit patiemment la colère des élues, qui choisissent le moment où il s'installe à la tribune pour brandir des pancartes dénonçant la présence d'une seule femme dans son cabinet, nommé par le roi le 3 janvier. Des militantes de partis membres de la majorité se joignent à la protestation, accueillie par une standing ovation polie. Dirigeante du Parti Authenticité et Modernité (PAM), élue en 2007 sur la liste de Fouad Ali El Himma, actuel conseiller de Mohammed VI, Fatiha Layadi arbore une cravate.
Sur le fond, le programme, bien que pléthorique (97 pages), n'étanche pas la soif de chiffres de l'opposition. Parmi les mesures annoncées : la réduction à 20 % du taux d'analphabétisme à l'horizon 2016, la réduction du chômage (aujourd'hui de 9,6 %) à 8 %, le maintien de l'inflation à 2 % et le retour à un déficit de 3 % du PIB d'ici à cinq ans. Le député Abdelhamid Jmahri juge le discours de politique générale de Benkirane « généraliste et évasif ». Membre du bureau politique de l'Union socialiste des forces populaires (USFP), il lui reproche « un catalogue de professions de foi qui occulte totalement la crise économique, notamment en Europe ».
Une autre critique relève oublis ou reniements : 5,5 % de croissance projetée entre 2012 et 2016 (le programme électoral du PJD promettait 7 %), pas de hausse du smig à 3 000 dirhams (270 euros), ni d'impôt sur la fortune. « Sur les grands chantiers - lutte contre la corruption, solidarité, réforme du système de subventions -, les mesures ne sont pas détaillées », regrette un élu de l'opposition.
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