Niger : affecter 44 milliards de FCFA à l'achat d'armement lance la polémique (SYNTHESE)
le 03/06/2012 13:07:00
Niger

03062012
Xinhua
NIAMEY, 2 juin (Xinhua) -- La décision du gouvernement nigérien de dépenser 44 milliards de FCFA (environ 81 million USD) pour doter les Forces de défense et de sécurité (FDS) de matériels de guerre, dans le cadre du budget national 2012, continue de susciter la polémique entre majorité et opposition d'une part, et au sein de la société civile, d'autre part.


L'Assemblée nationale a approuvé ce budget militaire la semaine passée.

Face à la récente dégradation de la sécurité dans le Sahel consécutive à la crise libyenne, avec comme conséquence majeure l'occupation de l'intégralité du nord malien par des forces séparatistes, à laquelle s'ajoutent, au niveau national, les séquelles des rebellions répétées, le développement d'activités criminelles liées aux narcotrafics, notamment dans le nord du pays et l'extrémisme religieux, à travers les attaques des combattants islamistes de Boko Haram dans la partie nord du Nigéria, frontalière du Niger, les autorités nigériennes ont jugé utile de prendre les dispositions nécessaires pour faire face à toutes velléités de nature à déstabiliser le pays, en dotant les FDS de moyens logistiques et d'armement adéquats.

Mais la décision du gouvernement suscite des débats aussi bien dans la classe politique qu'au sein de l'opinion publique. Certains saluent la saluent et d'autres la trouve inopportune.

S'exprimant samedi sur une radio privée, M. Kaoucen Saidou Maiga, ancien membre de l'ex-rébellion touarègue, le Mouvement nigérien pour la Justice (MNJ), a déclaré que cet argent aurait pu servir à l'amélioration des conditions de vie des Forces de Défense et de Sécurité et leurs familles, "au lieu d'acheter des hélicoptères qui pourraient être détruits en cinq minutes".

"Mettons ces 40 milliards pour développer ces régions sensibles du nord du pays ; cela pourrait retenir ces jeunes qui prennent souvent des armes contre leur pays. Pansons nos plaies et n'allons pas vite en besogne", a souligné l'ex-rebelle.

Selon le député Issa Lamine, également ex-chef rebelle, "cette décision des autorités consiste à aliéner les priorités des populations au profit d'autres considérations. Ces autorités ont été élues démocratiquement, dans un climat apaisé, mais une fois installées, elles développent une psychose sécuritaire. On crée une armada autour de la personne du président pour, soit disant, garantir sa sécurité, on monte de toutes pièces des affaires de tentative de coup d'Etat contre le président", allusion faite à l'imposant dispositif de sécurité bloquant la circulation dans la capitale lors des déplacements du président Issoufou Mahamadou, et la tentative "d'atteinte à la sureté de l'Etat" en juillet 2011 dont les auteurs présumés ont été libérés, 9 mois après, par la justice pour "un non lieu".

Maintenant, ajoute M. Issa Lamine, "on déplace cette psychose d'insécurité autour du chef de l'Etat pour la généraliser à toute l'étendue du territoire national ; et pour cela, il faut acheter des armements".

"Mais la violence appelle la violence. C'est en achetant des armes, et en criant la guerre, que la guerre va se produire. Nous en tant que députés nationaux, nous ne pouvons pas cautionner cela ", a averti l'ex-chef rebelle.

C'est également l'avis du député Aboulakadri Tidjani de l'Alliance pour la Réconciliation nationale (ARN) (opposition parlementaire), pour qui "il n'ya aucune raison objective pour justifier cette mesure. La question de la sécurité nationale, tout comme celle liée à l'insécurité alimentaire, étaient déjà connues il ya plus de 5 mois ; c'est simplement une question de non prise en compte des réelles préoccupations des populations".

"C'est manquer de vision, c'est également un signe de mauvaise gouvernance des autorités de la 7ème République", a-t-il indiqué.

Par contre, pour M. Bakary Saidou, député du MODEN-FA LUMANA ( majorité parlementaire), c'est le devoir de l'Etat de doter les FDS de moyens nécessaires, pour faire face à la situation d'insécurité qui prévaut dans le nord du pays.

C'est ainsi qu'il a été décidé de mettre à leur disposition ces 44 milliards de FCFA, obtenus grâce à des recettes financières supplémentaires obtenues auprès des partenaires techniques de développement. Ceci a conduit à une diminution de certaines dépenses liées au fonctionnement et à la suppression d'autres dépenses concernant du matériel de bureau.

Toujours en réaction aux propos des députés de l'opposition, M. Lawan Tsayabou, acteur de la société civile nigérienne (proche du pouvoir), estime que la sécurité prime sur la nourriture.

"Au même titre qu'ils considèrent que le droit à l'alimentation est un droit fondamental, la sécurité l'est également, parce qu'on ne peut pas jouir du droit à l'alimentation tant qu'on n'est pas en sécurité".

Selon l'acteur de la société civile, Il faut avoir la protection de l'Etat, avoir la sérénité, pour travailler.

"L'armée est une institution, elle doit être dotée de moyens, comme l'avait promis le président de la République Issoufou Mahamadou, d'avoir des institutions fortes".

"La question de l'insécurité a dépassé les frontières nationales, elle est régionale. Pratiquement tous les Etats membres de la CDEAO ont inscrit à leur budget l'achat d'armements pour leurs armées respectives", à en croire Lawan Tsayabou.

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