Afrique : Economie : "l'Afrique est une bonne destination maintenant", selon Shanta Devarajan, Ă©conomiste Ă  la BM (INTERVEW)
le 10/06/2012 11:36:57
Afrique

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Xinhua
Par Raphaël MVOGO

LIBREVILLE, 9 juin (Xinhua) -- De plus en plus courtisée par des puissances étrangères et surtout dopée par les investissements chinois, l'Afrique s'impose comme une bonne destination pour les affaires, a noté dans un entretien à Xinhua à Libreville en marge du New York Forum Africa, ouvert vendredi jusqu'à dimanche, Shanta Devarajan, économiste en chef de la Banque mondiale pour ce continent.




Pour 2012, a dit Devarajan les prévisions de croissance initiales de 5,1% pour l'ensemble des pays du continent restent maintenues, contre 5,75% selon le Fonds monétaire international ( FMI).

Mais, selon lui, ces performances dépendent de l'évolution de la crise financière européenne qui, si elle venait à se transformer en crise économique mondiale, n'épargnera pas l' Afrique.

Question : Les prévisions de croissance de la Banque mondiale pour l'Afrique en 2012 restent-elles maintenues ?

Réponse : Oui, je peux le confirmer. Cette année, on a prévu un taux de 5,1% et l'année prochaine, peut-être 5,3%. Mais, c'est le scénario de base. Ça dépend beaucoup de la crise européenne. C'est- à-dire, si la crise en Europe se transforme en une grande récession globale, il faut réviser ces prévisions.

Q : Il faut relever que jusqu'ici l'Afrique échappe aux chocs exogènes liés à cette crise financière européenne..

R : Tout à fait, d'abord la crise européenne, c'est d'abord une crise bancaire et la plupart des pays africains ne sont pas liés au marché financier international. Il y a quelques pays comme l' Afrique du Sud et l'île Maurice, mais eux ils ont fait des règlementations très prudentes. Le problème, c'est si la crise en Europe devient une crise économique mondiale et surtout si les prix des matières premières baissent, là il fat craindre les effets sur les économies africaines. Si les prix du pétrole baissent, pays exportateurs de pétrole vont beaucoup souffrir. Ça c'es un risque, mais notre prévision est une prévision moyenne que l'Afrique va continuer avec une croissance forte. Il faut dire que parmi les dix pays avec des taux de croissance les plus élevés du monde, six sont en Afrique.

Q : La Chine est devenue un partenaire clé de ce continent, ce qui est mal vu des Occidentaux. Quelle en est votre propre opinion?

R : Il faut le comprendre, la Chine n'est pas un bailleur de fonds, c'est un investisseur. Comme tel, je crois qu'elle ne doit pas être comparée avec un autre bailleur de fonds, mais avec les compagnies privées qui sont en Afrique. Comme tout bon investisseur, elle cherche à faire des profits. Pour moi, c'est normal. C'est un bon signal que l'Afrique est une bonne destination maintenant.

Q : Comment rendre cette croissance inclusive au profit des populations défavorisées ?

R : C'est avec l'emploi. C'est la clé : il faut assurer l' emploi et la productivité de l'emploi pour 70%, 80% qui sont dans le secteur informel, soit dans le secteur agricole, soit dans les petites entreprises de ménage, pour qu'ils puissent améliorer leur productivité. Nous avons 10 millions de jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi chaque année, il n'y a pas d'emplois productifs pour eux.

Q : La Banque mondiale demande aux pays africains qui le font d' arrêter de subventionner la consommation des carburants. A la lumière des tensions vécues dans des pays comme le Nigeria, est-ce que cette logique est soutenable ?

R : La plupart du temps, 80% des subventions vont aux ménages les plus riches. Donc, ce ne sont pas des subventions qui sont productives. L'objectif des subventions, c'est d'aider les pauvres. Nous encourageons les subventions qui aident les pauvres et nous conseiller du supprimer les subventions qui aident les riches, parce que c'est trop coûteux.

Q : L'Afrique est à la recherche de fonds pour financer son développement économique alors que dans le même temps elle subit une grande fuite des capitaux à travers notamment les multinationales. Peut-elle compter sur la Banque mondiale pour l' aider à résoudre ce problème ?

R : En majorité, la fuite des capitaux est due eu fait que le rendement extérieur est beaucoup plus élevé que le rendement ici. C'est normal. Il y a de l'argent volé, c'est la raison aussi. Le défi pour nous, c'est de créer un environnement pour que l'argent reste ici et c'est une question de bonne gouvernance et de politiques économiques.

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