Au lendemain des élections présidentielle et législatives organisées dimanche en République centrafricaine (RCA), les résultats partiels non officiels émanant notamment des sources des partis politiques et candidats en compétition faisaient lundi état d'une réélection au premier tour du président sortant François Bozizé, une victoire que conteste déjà l'opposition.
(Xinhua) --D'après ces tendances fournies y compris par le camp présidentiel, M. Bozizé l'emporte largement face à ses adversaires, l'ex-président Ange-Félix Patassé, candidat indépendant, l'ex-Premier ministre Martin Ziguélé, du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), l'ex-ministre de la Défense et chef rebelle Jean-Jacques Démafouth, de la Nouvelle alliance pour le progrès (NAP) et Emile Gros-Raymond Nakombo, du Rassemblement démocratique centrafricain (RDC).
A la deuxième place, MM. Patassé et Nakombo sont au coude à coude et sont suivis de M. Ziguélé, battu au second tour lors de la présidentielle de 2005, un scrutin auquel son ex-mentor M. Patassé, en exil à Lomé au Togo à la suite de son éviction deux ans auparavant par un coup d'Etat militaire de François Bozizé, n'avait pu participer.
Rencontré lundi dans l'après-midi dans sa résidence à Bangui par l'envoyé spécial de Xinhua, Emile Nakombo, héritier de l'ancien parti unique créé par le défunt président André Kolingba, se déclarait lui-même à ce rang, affirmant contrôler entre 11 et 12 fiefs électoraux nationaux sur 16, en relation avec le nombre des préfectures centrafricaines. Avec seulement deux jours de campagne, rappelle-t-il par ailleurs, c'est la grande surprise du double scrutin de dimanche.
"Nous sommes en train de nous concerter pour voir la meilleure voie à utiliser pour porter nos revendications. D'ores et déjà , j'annonce qu' il y aura une conférence de presse (mardi matin à 10 heures locales, 11 heures GMT, ndlr) qui regroupera tous les leaders de partis politiques (membre d'une coalition à laquelle il appartient avec M. Ziguélé, ndlr)", a-t-il cependant annoncé.
Par la voix de son porte-parole Guy Simplice Kodégué, avec lequel l'envoyé spécial s'est entretenu lundi soir au téléphone, Ange-Félix Patassé a fait savoir de son côté qu'il se préparait à saisir les instances appropriées pour une procédure similaire et qu'il entendait la porter à la connaissance de l'opinion publique lors d'une rencontre avec la presse mardi dans la journée.
Dans une déclaration à la presse, le rapporteur général et porte-parole de la Commission électorale indépendante (CEI), Rigobert Vondo, a condamné la publication par la presse des résultats du vote, une mission plutôt dévolue, pour la publication des résultats provisoires, à la Commission électorale indépendante (CEI) et, pour la proclamation des résultats définitifs, à la Cour constitutionnelle.
Selon lui, cette démarche de la presse "risque de faire en sorte que le jour où les vrais résultats arriveront, certains esprits ne puissent pas bien le prendre. Puisque je rappelle que nous sommes dans un pays à 80% analphabète et nous ne pouvons pas préjuger de la réaction de la population qui risque de prendre comme monnaie comptant ces résultats donnés par la presse".
Toutefois, a-t-il expliqué, les résultats partiels transmis progressivement par les bureaux de vote (officiellement 4.800 sur le territoire national) à la CEI, à son siège dans les locaux de l'Assemblée nationale (Parlement) dans la capitale du pays, sont en train d'être centralisés et traités. "Nous avons commencé depuis hier (dimanche) soir, et ça se poursuit, à recevoir les procès verbaux". Il fait part d'un plan de collecte des résultats par des avions pour les localités de province.
Vice-président du RDC, le Pr. J. Sioké Rainaldy accuse la CEI d'avoir organisé les élections les plus mauvaises de l'histoire de la RCA. "Les résultats dont on parle ne sont pas des résultats sortis des urnes. C'est les résultats de bourrage d'urnes que nous avons vécues. Dans la Basse-Kotto par exemple, dans la ville de Mobaye, c'est plutôt les militaires qui ont organisé les élections. A Paoua, dans le nord du pays, c' est la même chose", a-t-il affirmé.
"A l'extrême-est du pays, on a renvoyé tous les représentants des candidats de l'opposition des bureaux de vote et les militaires se sont substitués aux électeurs et en même temps aux représentants des candidats. Dans le 6e arrondissement de Bangui, nos militants ont attrapé des gens avec des urnes bourrées. A Bambari, on a importé 2.000 électeurs de Bangui. Dans ces conditions, pour nous, il n'y a pas eu d'élections. C' est un simulacre d' élections", a-t-il ajouté.
Dans bien des circonscriptions électorales, y compris à Bangui, des problèmes d'organisation ont occasionné d'énormes retards dans le déroulement du vote. Des cas sont cités où des bureaux de vote ont fonctionné tard dans la nuit, dans des localités parfois sans électricité. Par ailleurs, des rapports d'observateurs ont relevé un nombre élevé de votants par rapport aux électeurs inscrits.
"A Garga Bandoro, dans la préfecture de Nana Gribizi (dans le Centre du pays), zone proche des régions sous contrôle rebelle, on a eu environ 2.000 votants, contre 905 inscrits. Le vote a débuté normalement à 6 heures (7 heures GMT) et jusqu' à 2 heures du matin (dans la nuit de dimanche à lundi), les gens votaient encore", a témoigné un observateur.
Les votes par dérogation ont également préoccupé. Par exemple, le bureau de vote de l'Hôtel de ville de Bangui a enregistré 245 dérogations spéciales, contre 275 votants réels. "La dérogation est une disposition légale. Lorsqu'une personne qui part surtout en mission quitte là elle était inscrite et qu'elle doit voter ailleurs, elle vote par dérogation. Pour cela, il lui faut son ordre de mission, sa carte d'électeur et une pièce d'identité nationale", s'est défendu à Xinhua Rigobert Vondo.
Malgré tout, Samuel Fonkam Azu'u, président d'Elections Cameroon (ELECAM) et chef de la mission d'observation de l'Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique (EISA), s'est félicité de "l'engouement populaire, malgré des conditions un peu difficiles d'organisation des élections", et "de la volonté des responsables politiques pour qu'il y ait la paix et la concorde dans leur pays".
Cephas Germain Ewangui, chef de la mission d'observation de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC, à laquelle appartient la RCA), a aussi salué une "consultation dans la paix et la sérénité".
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