Maurice : guerre ouverte dans le sucre (SYNTHESE)
le 07/08/2012 10:46:19
Maurice

07082012
Xinhua
PORT-LOUIS, 6 août (Xinhua) -- La tension est vive dans le secteur sucrier mauricien, une semaine après le vote des syndicats en faveur d'une grève générale illimitée à la fin du mois d'août.


La décision qui a suivi le refus de l'Association des producteurs de sucre de Maurice (MSPA) de poursuivre les négociations collectives a provoqué une vive réaction de la Fédération des employeurs de Maurice (MEF) qui en a appelé au tribunal du travail.

Cette instance a ordonné un gel du processus de la grève mais les syndicats ne l'entendent pas cette oreille et ont continué lundi 6 août à organiser le vote par les employés du mot d'ordre de grève.

La guerre est donc déclarée dans ce secteur clé qui a été pendant deux siècles l'épine dorsale de l'économie mauricienne.

Le litige se situe sur la décision de la MSPA de ne plus se présenter comme le corps représentatifs des producteurs de sucre comme cela a toujours été le cas depuis son institution.

Pour le Panel conjoint de négociations (JNP), regroupement des organisations syndicales du secteur sucre, il s'agit tout simplement d'une rupture des relations industrielles au moment même où deux questions portant sur les conditions de retraite des travailleurs de l'industrie sucrière et la création d'un Fonds de la dignité humaine doivent être discutées.

D'où l'ultimatum pour une grève générale en cas de non-retour de la MSPA à la table des négociations où siège également le gouvernement.

Pour contrer la volonté des syndicats d'aller de l'avant avec le mot d'ordre de grève alors que la récolte sucrière bat son plein, la MSPA a fait appel au syndicat patronal qui a, à son tour, saisi l'Employment Relations Tribunal (ERT) pendant la semaine.

Le président de cette instance a ordonné en début d'après-midi vendredi une injonction contre les préparatifs de grève.

Les compagnies sucrières impliquées dans le litige industriel ont alors décidé d'interdire le déroulement du vote des employés dans l'enceinte des sucreries, en particulier dans la cantine des artisans à travers l'île. Un boycott mal perçu par les syndicats des employés mais qui ne les décourage nullement.

"Nous avons déjà pris d'autres dispositions pour le déroulement du vote sur la grève à partir de lundi matin. Tous les travailleurs ont le droit d'exercer leur droit syndical garanti par la Constitution. Cette décision de l'industrie sucrière vient confirmer l'aversion des barons sucriers pour la liberté d'expression, le droit de vote et la démocratie industrielle", soutiennent Ashok Subron, Serge Jauffret, Devanand Ramjuttun et Lall Dewnath au nom du Joint Negotiating Panel.

Par ailleurs, le JNP se prépare à aller contester cette décision de l'ERT devant les instances judiciaires appropriées en arguant que le président de cette instance n'est pas habilité à émettre des ordres Ex Parte.

"Nos conseils légaux sont d'avis que cette clause de la loi est en violation des droits constitutionnels du citoyen", ajoutent les syndicalistes sucriers.

Pour ces derniers, cette dernière tentative de l'industrie sucrière et l'entrée de la MEF ne visent qu'"un amendement à l'envers de la loi en vue de remettre en question le principe de négociation collective et l'exercice du droit de grève".

Devant les risques de dérapage sur le plan des relations industrielles, le gouvernement n'a pas tardé à réagir. Vendredi, le Cabinet a pris la décision de mandater le ministre du Travail et des Relations industrielles, Shakeel Mohamed, en tant que médiateur pour trouver un accord d'urgence.

Le gouvernement est d'autant plus inquiet non seulement parce que la si la situation dégénère, c'est toute le récolte sucrière qui sera pénalisée mais aussi parce le MSPA demeure le principal interlocuteur des autorités au terme du Deal historique du 5 décembre 2007 pour la réforme sucrière avec le financement sous les mesures d'accompagnement de l'Union Européenne.

"A la signature de cet accord sur la réforme, l'industrie sucrière était représentée par la MSPA. Le gouvernement n'a pas traité avec les quinze entités sucrières. Les fonds mis à la disposition de l'industrie sucrière sont canalisés selon des formules établies avec la bénédiction de la MSPA. Aujourd'hui, quand il faut négocier avec les syndicats, l'industrie sucrière veut faire avaler à l'île Maurice que la MSPA n'existe plus et que les discussions doivent se dérouler avec les compagnies sucrières individuellement. L'industrie sucrière doit réaliser que la farce a trop duré", a tempêté un porte-parole du gouvernement.

Le ministre Mohammed a une mission périlleuse devant lui d' autant plus qu'il ne bénéficie pas de la sympathie du JNP qui l' accuse d'avoir pris position jusqu'ici en faveur du patronat.

Les jours qui suivent seront donc déterminantes pour le secteur sucrier en pleine reconstitution après le démantèlement de l' Accord de Lomé et la libéralisation du prix du sucre.

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