20110202 RFI Hosni Moubarak ne briguera pas un second mandat , mais il ne quittera le pouvoir qu'en septembre prochain, après les élections. Il l'a annoncé à la télévision nationale le 1er février, après une journée de mobilisation sans précédent. Un million de personnes dans les rues du Caire et des grandes villes du pays pour réclamer son départ immédiat. Le raïs refuse de céder le pouvoir sous la pression. L'opposition ne désarme pas, et ce malgré les gestes d'ouverture du président égyptien.
Face à la tempête de la contestation qui souffle sur l'Egypte, Hosni Moubarak a plié mais n'a pas cédé. Il a accédé aux demandes de l'opposition réalisables à très courte terme, la limitation à deux mandats présidentiels et la levée des restrictions sur la candidature au poste suprême.
En affirmant qu'il ne se représentera pas à la présidentielle de septembre, il a cédé à moitié à la principale revendication de l'opposition qui était « Moubarak dégage».
Le raïs a par contre implicitement indiqué qu'il ne cédera pas aux manifestations qui selon lui, ont été récupérées par des forces qui versent de l'huile sur le feu. Il s'est aussi adressé à la silencieuse qu'il a tentée de gagner à sa cause en insistant sur les souffrances de la vie quotidienne dues selon lui au désordre engendré par les manifestations.
Il faut choisir entre le chaos et la stabilité, a déclaré le raïs tablant sur la peur du lendemain qui gagne du terrain au sein de la population. Un pari sur le pourrissement de la situation qui pourrait perdre aux manifestants la sympathie dont ils jouissent jusqu'à présent. Un pari risqué tout comme celui de l'opposition qui rejette tout dialogue en estimant que le temps joue pour elle.
Abdel Moneim Abdel Fatah, porte-parole des Frères musulmans
De quoi a peur la communauté internationale ? Que nous arrivions au pouvoir par la force ou par la démocratie ? Que faut-il comprendre au juste ? Qu'ils sont contre la démocratie en Égypte ?
Salma Belaala, chercheuse et spécialiste des mouvements islamistes
L'objectif [des Frères musulmans] est de récupérer les manifestations, peut-être aujourd'hui, en perspective d'une participation future aux législatives afin d'occuper le Parlement.
Juste après le discours de Moubarak, une clameur s'est faite entendre dans le centre du Caire : la colère des manifestants qui malgré le couvre-feu n'avaient pas quitté la place Tahrir.
C'est le cas de Chérif :«Je crois que ce n'était pas acceptable pour la plupart des égyptiens , et en même temps je pense qu'on peut aussi comprendre que tout ne peut pas changer du jour au lendemain. Mais les gens qui demandent son départ veulent rester jusqu'à mercredi matin, ils appellent d'ailleurs à une manifestation de trois millions de personnes ici au Caire sur la place Tahrir. Donc on espère un changement. Pour moi personnellement, ce qu'il a dit pourrait être suffisant, mais pour la plupart des gens ce n'est pas assez. Si il avait fait cette annonce une semaine avant ou même vendredi dernier, peut-être que les gens l'auraient accepté, Mais maintenant ils ne l'acceptent pas, ils veulent qu'il démissionne maintenant, avant demain. Donc on espère un changement» .
Pour cette autre manifestante, pas question de transiger, Moubarak doit partir tout de suite.
Nous ne voulons plus de vous comme président, nous ne voulons plus de votre vice-président, de votre Premier ministre, de tous vos ministres ou de ce Parlement. Nous ne voulons plus de cette clique.
«Hosni Moubarak doit partir d'ici à vendredi», a déclaré, de son côté, le leader de l'opposition Mohamed al-Baradei qui souhaite une sortie honorable pour le président égyptien. L'ancien patron de l'agence atomique a eu un contact avec l'ambassadrice des Etats Unis au Caire, Margaret Scobey.
Après les manifestations et le discours de Moubarak, les difficultés commencent
Le discours du président Moubarak n'a pas permis d'engager le dialogue avec l'opposition qui a rejeté ses concessions comme étant de la poudre aux yeux. On est donc dans l'impasse avec les deux parties pariant sur le temps.
Seule l'armée pourrait départager les adversaires, mais pour l'instant, elle se contente du rôle d'arbitre. Une neutralité qu'elle ne pourra pas observer indéfiniment.
La population aussi ne pourra pas indéfiniment supporter les difficultés croissantes de la vie quotidienne. Au-delà , des pénuries diverses, il y a aussi une psychose qui commence à s'installer, celle des pilleurs et des casseurs qui pourraient profiter des manifestations et des marches de protestation pour attaquer commerces et habitations. On cherche à se préparer à cette éventualité par le biais des comités populaires de défense.
A partir des hauts parleurs des mosquées du Caire, des cheikhs ont donné cette nuit des directives aux comités de défense : «Si une manifestation emprunte une avenue, vous la laissez passer. Si par contre, elle tente d'entrer dans votre rue, vous devrez la repousser».
Le risque d'une violence démultipliée, surtout quand on connaît la nervosité des jeunes des comités, qui se sentent aujourd'hui investis de tous les pouvoirs de la police.
Nous sommes très conscient du pouvoir que nous avons aujourd'hui, qui est un pouvoir populaire, très sympathique et qui est digne de confiance.
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