20110204 IRIN Le 27 janvier à Arta, IRIN a interviewé le président de Djibouti Ismaïl Omar Guelleh au sujet de la sécheresse, des défis humanitaires qui touchent le pays et des questions régionales.
La sécheresse qui touche actuellement Djibouti est-elle plus grave que les précédentes ?
Nous sommes touchés par ce que les météorologues appellent le phénomène La Niña. Le problème dans notre région, c'est que nous ne nous préparons pas bien à ce qui, nous le savons, va arriver. Il y a quatre mois, nous avons eu de fortes précipitations. Quatre mois plus tard, nous mourons de faim et de soif.
A Djibouti, nous surveillons continuellement l'évolution de la sécheresse. Certaines régions, en particulier l'est du pays, sont plus gravement touchées que d'autres. Nous y avons envoyé des équipes pour assurer que les populations reçoivent de l'aide avant qu'il ne soit trop tard. Les ministères collaborent avec le PAM (Programme alimentaire mondial des Nations Unies) pour atténuer les répercussions de cette situation. Il n'y a pas de catastrophe ; nous maîtrisons la situation.
Ces sécheresses sont récurrentes, pourtant la Corne de l'Afrique ne semble tirer aucune leçon du passé. Selon vous, la question de la sécheresse peut-elle être traitée de manière viable à long terme ?
Beaucoup de choses peuvent être faites. Il s'agit d'abord de planifier et de recueillir les eaux pluviales. Nous devons également contrôler le pâturage du bétail afin d'éviter que nos pâturages ne soient épuisés. L'accès à certaines zones devraient être interdit lorsque les précipitations sont abondantes, afin qu'elles puissent servir en période sèche.
Nous avons également des plantes résistantes à la sécheresse dans ce pays, et dans la région. A Djibouti, nous souhaitons, entre autres, pouvoir utiliser ces plantes comme fourrage afin qu'elles puissent servir en cas de sécheresse, lorsqu'il n'y a que peu ou pas de pâturages.
Nous avons réalisé des études sur la collecte des eaux ; nous avons l'intention de construire des réservoirs pouvant contenir 10 à 20 millions de mètres cubes d'eau. Une fois que cela sera fait, nous aurons de l'eau pendant les saisons sèches.
Selon vous, quelles sont les autres difficultés humanitaires principales auxquelles Djibouti doit faire face ?
Avant tout, nous devons venir à bout de ce problème de sécheresse et de famine ; et nous pouvons le faire. C'est notre principal défi.
Le pays connaît à l'heure actuelle un essor économique, en particulier dans le secteur de la construction. Pouvez-vous nous parler de ces performances économiques ? Comment la population en profite-t-elle ?
Nous avons une croissance forte, de 5,5 pour cent, et un faible déficit. Nous attirons également beaucoup d'investissements directs étrangers. L'économie crée des emplois, malheureusement nous manquons d'une main-d'œuvre qualifiée pour en profiter.
Un grand nombre d'emplois créés exigent des compétences spécialisées que notre jeunesse n'a pas encore… Nous avons du chômage, mais nous traitons ce problème afin d'assurer que notre population ait les compétences requises pour décrocher des emplois.
Malnutrition
Il y a trois ans, Djibouti affichait un taux de Malnutrition aiguë globale de 17 pour cent (au-delà du seuil de 15 pour cent fixé par l'Organisation mondiale de la santé). Cette situation a-t-elle changé ?
Nous avons ouvert un grand nombre de centres de santé avec l'aide de nos partenaires dans l'ensemble du pays pour assurer le suivi des enfants atteints de malnutrition et fournir les vivres nécessaires aux enfants chez qui cette pathologie a été diagnostiquée. Les mères viennent aux centres pour nourrir leurs enfants et les ramènent chez elles le soir. Nous nous attachons sérieusement à traiter ce problème et nous entendons non seulement l'atténuer, mais l'éliminer d'ici à 2015.
Le gouvernement atteindra également ses OMD [Objectifs du millénaire pour le développement] dans le domaine de l'éducation, en particulier de l'éducation des filles.
Où en est-on au sujet du différend frontalier qui oppose Djibouti à l'Erythrée ?
Le Qatar joue le rôle de médiateur entre nous. Nos avocats ont présenté l'ensemble des documents en notre faveur. Nous espérons que la situation sera résolue très rapidement.
La Somalie représente un défi majeur pour la région et pour Djibouti en particulier. Vous arrive-t-il de désespérer de la situation ?
Il m'arrive parfois de désespérer, oui. Nous avons consacré énormément de temps et de ressources à essayer de sortir [la Somalie] de la situation dans laquelle elle se trouve. Pour l'instant, je ne peux pas, en toute honnêteté, mettre le doigt sur une mesure précise et dire « si cette mesure-là est prise, l'honneur et la dignité de la Somalie seront sauvés aux yeux du monde ». Je ne connais tout simplement pas la solution.
Nous avons tout essayé. Tout ce qu'il reste à faire, c'est peut-être un soulèvement populaire à la tunisienne. Peut-être que la Somalie doit tout simplement dire à ces gens-là : « Nous en avons assez. Partez, nous ne voulons plus de vous ».
Dans la situation actuelle, lorsqu'un président entre en fonction, un groupe s'élève pour dire que ce président ne leur plaît pas, et ce groupe a [généralement] un pouvoir de veto. Si cette personne ne leur ?plaît? pas, c'est uniquement parce qu'elle ne sert pas leurs propres intérêts. Cela n'a rien à voir avec l'intérêt ou les souhaits du peuple.
Il a été dit que Djibouti enverrait des soldats en Somalie ; allez-vous déployer des soldats de maintien de la paix, et quelle différence cela ferait-il ?
Nous n'enverrons pas de soldats de combat ; nous dépêcherons uniquement des formateurs. Nous voulons entraîner nos frères somaliens et leur faire comprendre que leur pays leur appartient ; c'est à eux de mourir pour leur pays. Ils doivent être capables de faire face à toute autre force armée. Notre but est de renforcer les capacités et les fondements de l'armée somalienne.
Selon vous, que peuvent faire de plus les Nations Unies/la communauté internationale pour venir en aide à la Somalie ?
Nous en sommes à un stade où les gens se mettent à découper le pays aux ciseaux. L'autre jour, j'ai entendu parler d'un Etat du Sud-Est. Les Etats-Unis ont déclaré qu'ils dialoguaient avec les entités existantes ; maintenant, tout le monde s'en mêle.
Les interventions extérieures n'ont rien résolu et ne résoudront jamais rien. Pour venir à bout de ce problème, il faut que le peuple dise stop. J'aimerais que le peuple de Somalie s'élève pour dire qu'il en a assez du déplacement ; que les Somaliens en ont assez d'être réfugiés, et qu'ils en ont assez des armes.
|