Maurice : l'industrie textile fĂŞte ses 40 ans (PAPIER D'ANGLE)
le 20/10/2012 16:26:01
Maurice

L'industrie textile mauricienne fête ses 40 ans de présence sur l'île de l'océan Indien à travers une série d'événements pour marquer un des piliers de l'économie mauricienne à partir de cette semaine.



Lancé en 1972 par des industriels visionnaires, le textile allait apporter une révolution extraordinaire tant sur le plan économique que social dans un pays jusque-là fortement enraciné dans tradition agraire et rurale.

En 1972, Maurice est encore un tout jeune pays indépendant et dans une situation économique difficile couplée avec une crise politique. Des milliers de jeunes sont sans emploi et l'industrie sucrière, premier pourvoyeur d'emplois et de revenus, subit les effets de la crise pétrolière.

C'est le professeur Edouard Lim Fat et l'industriel Moi Ling Ah Chuen qui vont convaincre le Premier ministre Seewoosagur Ramgoolam (père de l'actuel Premier ministre), après une tournée en Asie, d'amener des hommes d'affaires de Hong Kong et de Taïwan à Maurice.

Le pays bénéficiait des accords de Yaoundé et de Lomé qui lui ouvrait les portes du marché européen sans taxe ni quota. A contrario, les Asiatiques devaient se conformer aux quotas imposés par les Européens.

"Les industriels chinois avaient la technologie mais un marché limité par ceux-ci alors que Maurice avait un marché sans quota mais pas les connaissances techniques en matière de production de textile. Ce fut un bon mariage, une situation gagnant-gagnant. Beaucoup de familles hongkongaises sont ainsi venues à Maurice", explique Danielle Wong directrice de la Mauritius Exports Association (MEXA).

C'est ainsi que les Hongkongais ont investi énormément à Maurice. Les premières entreprises sont créées en 1972, comme TangKnitwear, Floréal Knitwear Esquel Group.

Les usines se sont d'abord installées dans les zones franches créées spécialement à cet effet autour de Port-Louis à Plaine Lauzun et Coromandel. Bien vite d'autres zones ont dû être aménagées à travers toute l'île.

L'essor fulgurant que prenait cette industrie devait même permettre à des centaines de sous-traitant de travailler de chez eux ou dans des petites unités dans des maisons en ville ou dans des villages.

On peut parler d'une révolution industrielle à Maurice car le textile modifiait complètement le paysage tant le plan physique avec des usines poussant comme des champignons que sur le plan social car cette industrie va permettre de valoriser énormément les femmes.

"À une époque où la majorité des femmes n'avaient pas d'emploi. Du jour au lendemain les choses ont changé. Alors que le chômage sévissait, on a vu dans certaines familles quatre femmes qui travaillaient alors que l'homme était au chômage. Comme à l'époque un homme percevait une fois et demie le salaire d'une femme, les industriels favorisaient la main-d'oeuvre féminine. Ce qui a permis aux femmes d'avoir un pouvoir économique considérable. Nous avons ainsi assisté à une révolution sociale et économique énorme", raconte Danielle Wong.

Certes les conditions de travail n'étaient pas toujours faciles et la zone franche allait vite être surnommée "zone souffrance". La culture du travail même a dû changer. D'un pays agricole où les gens se levaient et se couchaient avec le soleil, subitement les heures de travail se sont étendues jusqu'à fort tard la nuit pour pouvoir remplir les bons de commandes. Le fonctionnement de la famille a drastiquement changé avec les hommes devant s'impliquer dans les tâches ménagères et s'occuper des enfants même si des crèches faisaient leur apparition dans l'île.

L'industrie textile va prendre son envol au début des années 80 avec un nouveau gouvernement dirigé par le Premier ministre Aneerood Jugnauth.

Pendant plus d'une décennie le textile va continuer de recruter pour atteindre quelque 90.000 personnes au début des années 90. Le pays va connaître une prospérité sans précédent avec un chômage presque nul.

Mais le secteur va ensuite évoluer vers plus de qualité. La main d'oeuvre va bénéficier de formation à mesure que la demande pour un travail plus soigné se faisait sentir.

Les grandes marques internationales ont pratiquement toutes été produites à Maurice à cette époque. Cette montée vers le haut de gamme a également apporté de meilleures conditions pour les travailleurs.

"Les importateurs exigent que les entreprises soient certifiées en termes de qualité, en termes d'emploi des gens. On n'a pas le droit d'employer des enfants", relate Mme Wong.

Toutefois, l'augmentation des salaires mais aussi un désintérêt des jeunes générations pour les métiers durs va pousser les employeurs à chercher une main d'oeuvre étrangère moins chère.

"Maintenant le problème se pose différemment avec l'emploi des étrangers. Nous nous devons d'assurer une bonne qualité de logement. S'il y a quarante ans nous avions à apprendre à gérer les ouvriers mauriciens qui apprenaient le métier, aujourd'hui, nous apprenons à accueillir des étrangers. Nous avons besoin d'eux pour permettre aux entreprises de tourner. Maurice est monté en gamme, nous avons besoin d'employés hautement qualifiés, d' ingénieurs etc", explique la directrice de la MEXA.

Dans le même temps, les événements sur le plan international ont contribué à changer l'industrie du textile qui s'est vu dépasser par le tourisme et le secteur des services au début du XXIe siècle. Le démantèlement de l'Accord Multifibre va pousser à la fermeture de dizaines d'unités qui ne pouvait suivre les demandes de plus exigeantes.

Toutefois, les industriels qui ont gardé foi dans le textile continue de prospérer en partie grâce à la loi américaine, l' African Growth and Opportunity Act (AGOA).

Cette loi dont une troisième version vient d'être validée par le Sénat américain a permis à Maurice de pouvoir continuer d' exporter sue le marché américain en respectant les règles d' origines.

Ainsi alors que les exportations tournaient autour de 700 millions US$ avec 90.000 employés, aujourd'hui elles ont atteint 900 millions USD avec 40.000 employés.

Une performance largement imputable aux nouvelles technologies. Aujourd'hui, une dizaine d'entreprises assurent 90% des revenus du secteur textile Ă  Maurice.

Quarante ans après son lancement, le secteur du textile reste encore d'actualité malgré les vents contraires. Malléable comme le coton, il a su tisser son avenir et celui de l'île Maurice dans un monde globalisé en changement constant.
20102012
Xinhua

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