Avant même le scrutin municipal du 29 novembre, la recomposition de l'échiquier politique est bien réelle en Algérie. Amorcé au début de l'année, le processus de réformes n'y est pas étranger.
On n'en a sans doute pas mesuré l'ampleur, mais les bouleversements vécus par la classe politique après le scrutin législatif du 10 mai dernier sont plus importants qu'on ne l'a imaginé. C'est que la mise en oeuvre du processus de réformes engagé par le président Abdelaziz Bouteflika en avril dernier a totalement changé la donne. Près de six mois après la déroute des partis islamistes et le triomphe des nationalistes du Front de libération nationale (FLN, d'Abdelaziz Belkhadem) et ceux du Rassemblement national démocratique (RND, d'Ahmed Ouyahia), le déclin des fondamentalistes en Algérie prend des allures d'atomisation.
Auparavant troisième force politique du pays, le Mouvement de la société pour la paix (MSP, de Bouguerra Soltani) ne briguera que 321 municipalités sur 1 542 aux élections locales du 29 novembre. « La nouvelle disposition électorale imposant un minimum de 30 % de présence féminine sur les listes de candidats nous a pénalisés », reconnaît Bouguerra Soltani. Pas assez de militantes chez les Frères musulmans ? Pourtant, le regain de religiosité est un phénomène réel si l'on en juge par le nombre de femmes actives portant le voile et les fermetures en chaîne de bars et de débits de boissons alcoolisées. Autrement dit, l'islamisation rampante de la société, urbaine ou rurale, ne se traduit pas par une adhésion populaire au discours fondamentaliste. L'insurrection islamiste armée particulièrement barbare des années 1990 n'est sans doute pas étrangère à cette désaffection. Et ce ne sont pas les exemples de la Tunisie, de la Libye et de l'Égypte, où le triomphe électoral des forces islamistes a été synonyme d'instabilité, qui devraient renverser la tendance.
Mais les fondamentalistes ne sont pas les seuls à avoir été mis en difficulté par l'obligation d'associer les femmes à la gestion des assemblées élues. La quasi-totalité des formations politiques a peiné à se conformer à la loi. Mieux que le meilleur sondage d'opinion, le nombre de listes déposées auprès du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales révèle l'implantation et le poids réels des 52 formations politiques en compétition.
Besoin de candidates
Sur les 9 177 listes (dont 179 indépendantes), les frères jumeaux du courant nationaliste, FLN et RND, arrivent largement en tête avec des candidats dans respectivement 1 520 et 1 477 municipalités. D'ordinaire présent sur tout le territoire national, le FLN est donc absent dans 22 communes. « Déficit de candidates », déplore-t-on à Hydra, quartier des hauteurs d'Alger qui abrite le siège de l'ancien parti unique. Si pour les deux premières marches du podium les pronostics n'ont pas été déjoués, le titulaire de la troisième place constitue en revanche une « divine surprise ». Le Mouvement populaire algérien (MPA, d'Amara Benyounes), parti de la dernière génération, c'est-à -dire issu des réformes post-Printemps arabe, parvient à se présenter dans 632 communes. C'est moins de la moitié du territoire, mais la performance est loin d'être négligeable puisqu'elle relègue loin derrière des partis parmi les mieux implantés, comme le Front national algérien (FNA, de Moussa Touati, 472 listes) et des trotskistes du Parti des travailleurs (PT, de Louisa Hanoune, 521 listes). Mieux : l'un des derniers-nés de la classe politique dame le pion au doyen des partis d'opposition, le Front des forces socialistes (FFS, de Hocine Aït Ahmed, créé en 1963), qui ne brigue que 319 municipalités. Réputé moderniste et républicain, le MPA est en passe de devenir la principale formation du courant démocrate, incarné jusque-là par le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, laïque), qui n'a pu présenter que 63 listes, soit dix fois moins que la formation d'Amara Benyounes. Mais la quarantaine de nouvelles formations agréées depuis l'entrée en vigueur, au début de 2012, de la loi organique sur les partis politiques ne connaît bien évidemment pas la même réussite que le MPA. Sur les 52 en lice, 8 seulement sont en mesure de se présenter dans plus de 10 % des communes. Les 44 autres participent à l'élection de manière symbolique. Certaines avec une ou deux listes. « Ce scrutin devrait permettre une décantation du paysage politique, explique Dahou Ould Kablia, ministre de l'Intérieur. Beaucoup de partis devraient disparaître à l'issue de cette joute électorale. »
Bonne gouvernance
Puissantes ou modestes, les formations politiques engagées dans la compétition redoutent toutes l'abstention. « Un taux de 45 % de participation me comblerait ! » répète à l'envi Dahou Ould Kablia. « Une estimation optimiste », rétorque-t-on dans les quartiers généraux des partis, dont les élucubrations locales et la précampagne électorale (la campagne débute officiellement le 10 novembre) ne passionnent guère les foules. L'enjeu est pourtant crucial. Les réformes politiques concernent aussi la gouvernance locale, avec un nouveau code communal prévoyant un sensible élargissement des prérogatives des élus locaux et un rééquilibrage des pouvoirs entre les walis (préfets) et les maires. Mais comme pour tout scrutin local, le facteur tribal ou clanique sera plus déterminant que le souci d'améliorer la gouvernance. 13112012 Jeuneafrique
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