La révolution tunisienne s'exporte et se raconte. Fiers du travail accompli dans leur pays, des militants et syndicalistes tunisiens ont animé, hier à Dakar, où ils assistent au Forum social mondial, un atelier portant sur les résultats de leur passage à la démocratie
(allafrica)--Relevant que le dictateur Ben Ali n'est plus aux commandes, le syndicaliste Fethi Chemkhi est obligé d'observer que «des figures du pouvoir de Ben Ali sont toujours là ». Mais comme beaucoup de ses compatriotes, le syndicaliste n'a pas vraiment beaucoup de choix. «Comment éviter que les Européens, les capitalistes et les pro-Ben Ali ne récupèrent la révolution ?» s'est interrogé l'orateur devant un auditoire composé de militants altermondialistes venus de plusieurs pays du monde. «Nous ne savons malheureusement pas», a-t-il répondu, devant une assistance qui voulait tout savoir sur la marche de cette révolution qui fait des émules.L'orateur, tout comme beaucoup de ses compatriotes, a refusé d'admettre le caractère de surprise qu'on confère à la révolution tunisienne. Il reconnaît que cette «surprise» a pu atteindre les pays occidentaux. «Mais pour nous, ce n'était pas du tout une surprise», a-t-il dit. L'intervention la plus intéressante est celle de l'ancienne avocate Leïla Bensalem. Enseignante à l'université de Dakar après avoir été poussée à l'exil, elle a émerveillé son public par une analyse profonde de la situation des régimes dans les pays arabes. «Nous vous avons trompés», a-t-elle dit aux Occidentaux. «Nous n'avons pas une conception parlementariste de la gouvernance», a-t-elle ajouté avant de se lancer dans un court exposé sur le caractère «tribal» du pouvoir dans les pays arabes. Elle a expliqué, par exemple, que les ministres des gouvernements de la région obéissent aux partis au pouvoir. Ces derniers, quant à eux, fonctionnent sur le mode de «l'allégeance». «Ce qui fait que les gouvernements arabes fonctionnent comme un système clanique», a-t-elle encore indiqué. Ce système, a-t-elle poursuivi, a poussé le peuple à opérer une «razzia» pour déloger le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali.«La révolution n'a pas de sexe», s'est exclamée Leïla Bensalem qui raconte avoir souffert longtemps sous les régimes de Bourguiba et de Ben Ali. «Nous avons arraché des droits», a dit encore la militante féminine qui se réjouit que les femmes tunisiennes n'aient «jamais accepté d'être un alibi politique». Pour Mme Bensalem, les islamistes «sont une partie de notre système politique. C'est comme le Front national en France. Nous ne pouvons pas les exclure, mais nous devons les combattre, pacifiquement, chaque jour». «Nous voulons un Etat moderne et laïc», a entonné une syndicaliste féminine. «Pour ceux qui s'inquiètent du tourisme tunisien, nous affirmons que nos frères algériens et libyens, qui viennent en masse, ne nous abandonneront pas», s'est écrié Nabil Montasser, un autre syndicaliste venu du Sud-tunisien. «Les touristes européens viennent par le biais des tour-operators. Leur argent ne profite qu'à la famille de Ben Ali et ses proches», a expliqué l'historien à la retraite. Pour exprimer leur joie de passer à une nouvelle ère, les Tunisiens venus à Dakar ont terminé leur rencontre avec des chants à la gloire de la révolution du Jasmin.
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