La Tunisie, confrontée aux retombées politiques de l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd, était plongée dans l'incertitude dimanche, avec un Premier ministre en conflit avec son parti islamiste et des ministres proches du président laïc menaçant de démissionner.
La Tunisie, confrontée aux retombées politiques de l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd, était plongée dans l'incertitude dimanche, avec un Premier ministre en conflit avec son parti islamiste et des ministres proches du président laïc menaçant de démissionner.
Les cinq membres du gouvernement issus du Congrès Pour la République (CPR), le parti du président Moncef Marzouki, ont fait savoir qu'ils annonceraient lundi s'ils démissionnaient faute d'avoir obtenu dans la semaine le limogeages de deux islamistes ministres de la Justice et des Affaires étrangères. "Pour le savoir, on donne rendez-vous demain au local du CPR pour une conférence de presse", a déclaré à l'AFP le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Hédi Ben Abbès, un dirigeant du CPR. Un autre responsable du parti, Chokri Yacouk, a déclaré à l'agence officielle TAP que l'instance dirigeante du CPR se prononçait en faveur d'une démission collective.
L'armée était toujours déployée et les forces de l'ordre sur le qui-vive, même si les heurts entre policiers et manifestants, déclenchés après l'assassinat de M. Belaïd mercredi, ont quasiment cessé, à l'exception d'échauffourées nocturnes à Gafsa et Sidi Bouzid (centre) et à Kebili (sud). Un policier a été tué et 59 autres ont été blessés, selon un bilan officiel.
La classe politique et la rue attendent le résultat du coup de poker de Hamadi Jebali, numéro 2 d'Ennahda, qui a pris de court son parti et ses alliés laïcs de centre-gauche en annonçant préparer la création d'un gouvernement de technocrates pour éviter au pays "le chaos" après l'assassinat de Belaïd dont sont accusés, sans preuve, les islamistes. Vilipendé par son propre camp mais soutenu par l'opposition laïque, le Premier ministre islamiste a menacé samedi de démissionner s'il ne parvenait pas à former avant le milieu de la semaine prochaine un cabinet de personnalités "sans appartenance politique".
Il a précisé que les ministres de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères devaient changer, alors qu'Ennahda refuse depuis des mois de lâcher ces postes. Les futurs membres du cabinet devront aussi s'engager à ne pas participer aux prochaines élections, selon M. Jebali.
Des responsables d'Ennahdha, dont l'instance dirigeant était réunie dimanche, estiment que M. Jebali devra obtenir la confiance des députés de l'Assemblée nationale constituante (ANC), où les islamistes sont en position de force avec 89 sièges sur 217.
"La bataille de la rue"
L'intéressé, un modéré dans son parti, a rejeté cet argument, assurant que l'ANC, en l'intronisant à la tête du gouvernement en décembre 2011, lui avait donné le droit de remanier son équipe. Un groupe d'experts réunis samedi par la présidence a semblé lui donner raison, selon un communiqué du palais de Carthage.
En effet, selon la loi d'organisation provisoire des pouvoirs publics, le chef du gouvernement peut "créer, modifier et supprimer les ministères et les secrétariats d'Etat, et fixer leurs attributions et prérogatives, après délibération du Conseil des ministres et information du président de la République".
Mais la frange radicale d'Ennahda a prévenu qu'elle était prête à descendre dans la rue pour défendre la "légitimité des urnes", laissant présager la persistance des difficultés de la Tunisie à se stabiliser deux ans après la révolution de 2011, mais aussi une scission des islamistes. Un premier rassemblement samedi à Tunis a réuni quelque 3.000 personnes. Et dimanche, les manifestants islamistes étaient un millier à Gafsa (centre).
"Ce rassemblement modeste (...) prouve que dans la bataille de la rue, nous ne serons pas vaincus", a déclaré Lotfi Zitoune, un proche du chef d'Ennahda, Rached Ghannouchi. Entre la division des islamistes, un boycott de l'ANC par quatre courants de l'opposition depuis le meurtre de Belaïd et les désaccords de principe sur la nature du futur régime, la rédaction de la Constitution reste dans l'impasse.
Or, sans loi fondamentale, les élections promises par M. Jebali ne peuvent avoir lieu, alors que la colère gagne régulièrement la rue depuis des mois faute de réformes économiques et sociales répondant aux revendications de la révolution qui a renversé Zine Al Abidine Ben Ali.
Sans oublier l'essor des groupuscules jihadistes responsables d'attaques sanglantes dans le pays. 11022013 Jeuneafrique
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