Le Cameroun va se doter d’un Sénat, dont les cent membres seront élus et nommés le 14 avril. Ils devraient être très largement issus des rangs du RDPC, le parti présidentiel. Pour l’opposition, l’enjeu est ailleurs. Décryptage.
Ils seront exactement au nombre de cent, les tout nouveaux sénateurs camerounais : soixante-dix seront élus et trente nommés par le président de la République. Avec ce Sénat, le Parlement se dote donc d’une seconde chambre – en plus de celle des députés – afin, dit-on à Yaoundé, d’offrir au pays toutes les institutions nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie. Le paysage politique du Cameroun s’en trouvera-t-il changé pour autant ? Pas nécessairement.
Principale nouveauté : l’arrivée dans la hiérarchie protocolaire d’un président du Sénat, qui sera désormais le deuxième personnage de l’État (le président de l’Assemblée nationale devenant le troisième). En cas de décès, de démission ou d’empêchement définitif du président de la République, c’est lui qui assurera l’intérim, jusqu’à l’élection du nouveau chef de l’État.
Éviter le boycott
Une évolution qui a contribué à convaincre le Social Democratic Front (SDF) de ne pas boycotter le scrutin. Le principal parti d’opposition s’est résolu à y participer en particulier « pour pallier le vide constitutionnel actuel », assure un cadre de la formation. En effet, pour l’heure, nul n’est habilité à assurer la relève en cas de vacance du pouvoir.
Les partis qui ont décidé de les boycotter font valoir le caractère illégal des élections. Pour ce scrutin indirect, le collège électoral est en effet censé rassembler les conseillers régionaux et municipaux. Or les premiers ne sont pas encore en place ; quant aux seconds, les seuls en définitive à prendre part au vote, ils auraient dû achever leur mandat en 2012. Il eût donc été plus logique d’organiser les municipales avant les sénatoriales.
N’empêche, ces dernières se tiendront quand même. Elles seront organisées le 14 avril,dans les différentes régions, dans le cadre d’un scrutin de liste. Dix-sept listes sont en lice, sur les quarante présentées initialement par huit formations politiques – les vingt-trois autres, dont quatre appartenant au Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), ont été rejetées par l’organe électoral Elecam. Pour être sénateur, il faut avoir 40 ans révolus et être investi par un parti politique. En ce qui concerne la répartition des sièges, lorsqu’une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, elle est proclamée élue et remporte la totalité des sept sièges mis en compétition dans la région. Si aucune liste ne remporte la majorité absolue, celle qui a la majorité relative se voit attribuer quatre sièges ; en cas d’égalité entre les listes arrivées en tête, celles-ci se répartissent les quatre sièges. Les trois sièges restants sont alors répartis à la proportionnelle au plus fort reste entre les différentes listes, y compris celle(s) arrivée(s) en tête.
"Élection à zéro tour"
Le résultat devrait être sans surprise : plus de 90 % des conseillers municipaux (9 022 sur 10 632) chargés d’élire les sénateurs appartiennent au RDPC, ce qui fait dire au politologue Mathias Éric Owona Nguini qu’il s’agit d’une « élection à zéro tour ». Les partis d’opposition qui prennent part au scrutin ne se font aucune illusion sur leurs chances d’obtenir des sièges ; pour eux, l’intérêt réside dans la possibilité de se refaire une santé financière. Chaque formation politique qui participe au vote se voit en effet allouer des fonds pour la campagne, qui démarre le 30 mars. Jeuneafrique 20131304
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