Le Rwanda, confronté depuis plusieurs mois à une diminution de l'aide internationale, est devenu jeudi le premier pays d'Afrique de l'Est à lever des fonds sur les marchés internationaux, en lançant un emprunt obligataire inédit de 400 millions de dollars (environ 300 millions d'euros).
Cette opération, confiée aux banques américaine Citigroup et française BNP Paribas, doit servir à rembourser la dette à court terme du pays et financer des investissements stratégiques.
"L'opération a été précédée d'une tournée des investisseurs à Hong Kong, Singapour, Londres, Munich, Francfort, Boston, où la présentation de l'émission a été très bien accueillie", a relevé auprès de l'AFP Nick Darrant, responsable de la syndication de dette en Europe centrale et de l'Est, Moyen-Orient et Afrique au sein de la banque française.
L'émission, à échéance mai 2023, a été réalisée à un taux de 6,875%, a-t-on appris d'une source de marché.
Parmi les investisseurs, 40% sont originaires des Etats-Unis, 33% du Royaume-Uni, 8% de Suisse, 6% d'Asie, 5% du Benelux et 4% d'Allemagne. Répartis par type, une large majorité d'entre eux (83%) sont des gestionnaires d'actifs et 10% sont des banques.
Parmi les priorités rwandaises: finaliser la construction d'un important centre de conférences, le Kigali Convention Center. Le Rwanda, dont la population est encore largement rurale et qui l'an dernier affichait un PIB par habitant de 664 dollars, cherche à développer ses services.
L'emprunt lancé sur les marchés internationaux va aussi permettre au pays de diversifier et augmenter ses sources de financement, et de "réduire le déficit d'investissement dans ses infrastructures", a estimé Mark Bohlund, économiste spécialiste de l'Afrique subsaharienne, chez IHS Global Insight.
Le Rwanda est régulièrement salué par la communauté internationale pour ses efforts en matière de lutte contre la pauvreté. Le pays a affiché en 2012 une croissance économique de 8% et pourrait encore, selon le Fonds monétaire international (FMI), engranger une hausse de 7,5% de son PIB en 2013.
Ce sont ces facteurs qui ont, à l'occasion de l'émission obligataire, conduit les agences de notation financière Fitch et Standard and Poor's (S&P) à attribuer un "B", avec perspective stable, à la nouvelle dette souveraine rwandaise.
"La cote du Rwanda est soutenue par des politiques économiques solides et des réformes structurelles bien engagées, une stabilité macroéconomique ainsi qu'une dette publique faible (23,3% du PIB en 2012)," a expliqué Fitch dans un communiqué.
S&P a de son côté mis l'accent sur la réduction du taux de pauvreté, passé de 57% en 2005-2006 à 45% en 2010-2011.
Mais les deux agences mettent malgré tout encore en avant des "faiblesses structurelles" comme le bas niveau du PIB par habitant, une économie trop peu diversifiée, des revenus à l'exportation encore trop "volatils" et une trop grande dépendance à l'aide internationale.
L'économie rwandaise a d'ailleurs subi de plein fouet ces derniers mois les gels d'aide décidés par plusieurs de ses bailleurs de fonds (Royaume-Uni, Suède, Allemagne, Pays-Bas, Belgique notamment) à la suite d'accusations de soutien de Kigali à un mouvement de mutins qui déstabilise depuis plus d'un an l'est voisin de la République démocratique du Congo (RDC). Ces gels ont entraîné un manque à gagner de quelque 62,4 milliards de francs rwandais (73 M EUR) dans le budget 2013 du gouvernement.
L'émission obligataire rwandaise est donc cruciale pour l'économie du pays. Mais elle pourrait aussi servir de test à la région.
Le Kenya a fait part de son intention de lancer prochainement un emprunt obligataire d'un milliard de dollars sur les marchés internationaux. La Tanzanie envisage aussi une émission obligataire d'ici à la fin de l'année.
L'émission de jeudi "est définitivement un succès qui va augmenter l'intérêt des marchés financiers pour le Rwanda et la région", a anticipé Mark Bohlund. 20132704 IRIB
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