Le président Michael Sata, à la tête de la Zambie depuis plus d'un an et demi, a pris le risque de provoquer le mécontentement populaire en stoppant coup sur coup les subventions à l'essence et au maïs, une denrée de base de nombreux Zambiens.
En une semaine, les taxis et automobilistes ont vu les prix à la pompe grimper de plus de 14% à 9. 900 kwachas le litre (1,43 euro). En outre, le président Sata a tiré un trait sur son propre programme de gouvernement et stoppé les subventions au maïs accordées depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2011.
La levée de boucliers a été immédiate, et vendredi plusieurs centaines d'étudiants ont manifesté à Lusaka, avant que la police ne les disperse à coup de gaz lacrymogènes, interpellant plusieurs d'entre eux.
Le président Sata a justifié l'usage de la force contre les manifestants qui voulaient marcher jusqu'au palais présidentiel pour demander audience, et accusé l'opposition d'avoir "acheté" les étudiants pour causer des troubles.
Jeudi, plusieurs associations avaient demandé à M. Sata de revoir ces mesures contestées. "Nous donnons sept jours au gouvernement", avait déclaré leur porte-parole, Guess Nyirenda, promettant des manifestations massives.
"Le gouvernement ne répond pas aux besoins de la population. La nourriture va devenir inabordable pour beaucoup de citoyens. Quelle sorte de socialistes sont-ils pour laisser ainsi les pauvres souffrir?", s'est aussi ému Njekwa Anamela, vice-président du Parti national uni pour l'indépendance (UNIP), parlant d'une décision "tragique".
Ce parti zambien en sait quelque chose, qui avait perdu le pouvoir après de graves émeutes provoquées par l'inflation des produits alimentaires en 1990. Le gouvernement UNIP de l'époque avait été contraint de faire des réformes démocratiques après les troubles, puis il avait perdu les élections.
Au-delà de la classe politique, les économistes s'inquiètent d'une poussée d'inflation qui atteint déjà 6,5% et semble partie pour dépasser la cote d'alerte des 7%.
"Avec la hausse des prix du carburant, tout le reste va augmenter et on ne voit pas comment l'objectif d'inflation (7% maximum, ndlr) sera respecté", estime l'économiste Maambo Hamaundu.
"Le budget 2013 ne mentionne nulle part ces mesures, et on se demande pourquoi une telle hâte à couper ces subventions. D'où vient la pression?", s'interroge-t-il.
Des aides inefficaces, selon un audit
Le gouvernement s'est fondé sur un audit pour supprimer les aides au maïs. Il avait été achevé en septembre 2012 et constatait que les aides bénéficiaient aux grands moulins industriels, sans que ceux-ci n'aient répercuté l'aide en baissant les prix de gros sur les marchés de Lusaka, Chipata, Ndola ou Kasama.
En outre, les petits et moyens établissements, ou les moulins informels, étaient fortement désavantagés, selon cet audit de l'institut Indaba pour la recherche sur les politiques agricoles car ils ne pouvaient pas acheter le maïs à des prix aussi bas que leurs grands concurrents subventionnés.
L'agence publique zambienne pour la réserve alimentaire prenait même en charge le transport depuis septembre 2011. Le gouvernement "espérait qu'en recevant le maïs à des prix subventionnés, les moulins répercuteraient cette aide aux consommateurs zambiens sous la forme d'un prix de la semoule moins cher". Mais il n'en a rien été malgré une subvention de 340 dollars la tonne.
Un paquet de semoule de maïs coûte actuellement 50 cents de dollars (40 cents d'euro) le kilo dans les supermarchés de Lusaka. Dans un pays frappé par un chômage élevé et dont 60% de la population vit dans la pauvreté avec un revenu moyen de 3,45 dollars par jour, la moindre augmentation sur ce produit risque d'être un choc autant économique que social.
La seule réponse possible, estimait ainsi Mooya Chilala, un père de famille de 34 ans interrogé par l'AFP, et au chômage avec deux enfants, est de "chasser ce gouvernement du pouvoir".
Les aides au maïs "bénéficient uniquement à des intermédiaires déjà aisés, et pas aux plus pauvres de notre société qui étaient la cible" de ces aides, a rétorqué un porte-parole de M. Sata, George Chella.
Le gouvernement entend utiliser l'argent économisé "pour aider les très pauvres", a-t-il dit, enjoignant "tous les Zambiens de bonne volonté à penser au-delà du présent et du lendemain". 20131905 Jeuneafrique
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