Le président de l'Assemblée nationale libyenne, la plus haute autorité politique et législative du pays, a présenté mardi sa démission après l'adoption d'une loi bannissant de la vie politique les anciens collaborateurs du régime de Mouammar Kadhafi, qui pourrait pousser d'autres hauts responsables du pays vers la sortie.
"Tout le monde doit se soumettre à la loi, par respect de la légalité et de la démocratie. Je vais être le premier à m'y conformer à et je vous soumets ma démission", a déclaré Mohamed Megaryef au cours d'une session plénière du Congrès général national (CGN).
Le Congrès doit toutefois valider la démission de M. Megaryef, a indiqué un membre du CGN, précisant qu'un nouveau président devrait être élu dans les prochains jours.
"Je vous quitte la tête haute, la conscience tranquille", a déclaré M. Megaryef, visiblement ému, affirmant avoir "épuisé toute son énergie au service de la nation".
Cette démission est attendue depuis l'adoption le 5 mai d'une loi controversée qui écarte de la vie politique les personnalités ayant occupé des postes de responsabilité sous l'ancien régime, depuis le 1er septembre 1969, date d'arrivée au pouvoir de Mouammar Kadhafi, jusqu'à la chute de son régime en octobre 2011.
Le texte exclut d'office M. Megaryef qui avait été ambassadeur en Inde sous l'ancien régime durant les années 1980, avant de faire défection et rejoindre l'opposition en exil.
Cette loi, qui doit entrer en vigueur le 5 juin, a été adoptée sous la pression de miliciens armés qui ont occupé deux ministères durant plusieurs jours.
"Faire usage des armes ou menacer d'en user (. . . ) ne cadre pas avec les exigences de cette phase de reconstruction et de transition démocratique", a prévenu M. Megaryef, accusant certains membres du CGN d'avoir eu recours à des groupes armés pour imposer leur point de vue.
Certains juristes et politiciens contestent cette loi adoptée, selon eux, "sous la menace des armes" et considérée comme "injuste" envers des personnalités ayant milité contre l'ancien régime, même si elles l'ont servi à un certain moment de leur vie.
"Injustice collective"
Elu en août à la tête du CGN issu des élections du 7 juillet 2012, M. Megaryef, né en 1940 à Benghazi (est), avait passé 31 ans en exil dont une vingtaine comme réfugié politique aux États-Unis, avant de rentrer au pays dans la foulée de la révolte qui a mis fin au règne de Kadhafi.
Diplômé en économie et titulaire d'un doctorat en Finances en Grande-Bretagne, il avait fondé dans les années 1980 avec d'autres dissidents le Front de salut national libyen (FSNL), auteur de plusieurs tentatives de coups d'État contre l'ex-dictateur.
Durant son exil, M. Megaryef a été traqué par les services du renseignement de Kadhafi. Ce dernier avait lancé dans les années 1980 une campagne visant à liquider des opposants dans plusieurs pays arabes et occidentaux.
"Une nation qui ne reconnaît pas les sacrifices de ses enfants fidèles, est une nation qui pratique l'injustice collective et commet un péché grave envers son histoire, sa mémoire et son futur", a regretté M. Megaryef.
Le député indépendant Abdallah al-Gamati, a estimé que "le départ de M. Magaryef créera un vide", ajoutant qu'"il n'existe pas actuellement au sein du congrès une personnalité charismatique pouvant prendre la relève".
"La démission de M. Megaryef pourrait avoir de lourdes conséquences et perturber la phase de transition", a-t-il indiqué à l'AFP, ajoutant que plusieurs députés étaient favorables à une "décision exemptant le président du CGN de la loi sur l'exclusion politique".
Cette loi devrait aussi exclure d'autres membres du CGN ainsi que des cadres de l'administration et des ministres, dont celui de l'Intérieur Achour Chwayel, qui semble vouloir anticiper sa sortie.
Ainsi, le Congrès avait annoncé lundi avoir approuvé la proposition du Premier ministre, Ali Zeidan, de nommer un nouveau ministre de l'Intérieur, Mohamed Khalifa al-Cheikh, en remplacement de M. Chwayel, ancien officier de l'organe de sécurité kadhafiste, qui avait présenté sa démission.
Tarek Mitri, représentant spécial de l`ONU en Libye, estime que cette loi pourrait "priver les institutions de l'Etat de certaines personnes expérimentées et compétentes qui serait très difficile de remplacer".
M. Mitri a ajouté que l'ampleur de cette loi ne pouvait être évaluée dans l'immédiat. "Il y a encore une confusion sur le nombre de personnes qui seraient touchées", a-t-il dit à des journalistes. 20132905 Jeuneafrique
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