Libye : Le Sud libyen en passe d'ĂŞtre le "nouveau Mali" des djihadistes
le 01/06/2013 09:27:57
Libye

Le sud de la Libye semble avoir remplacé le nord du Mali comme base arrière des djihadistes du Sahel, dont les attaques, comme celles de la semaine dernière au Niger, risquent de contraindre la France à prolonger sa présence militaire dans la région.



L'absence, ou le manque, de coopération entre la plupart des pays de la région sahélienne ont permis aux islamistes traqués par l'armée française et ses alliés africains de se disperser à travers le Sahara avant de se regrouper dans les endroits les plus sûrs.

Selon les responsables sécuritaires, le Sud libyen est le nouveau sanctuaire des djihadistes depuis la perte de leurs bastions maliens, où ils ont subi de lourdes pertes.

"Le sud de la Libye est aujourd'hui ce que le nord du Mali était hier", résume un conseiller de Diouncounda Traoré, le président malien par intérim.

Selon les autorités du Niger, c'est de là qu'ont été lancées les attaques le 23 mai contre une base de l'armée nigérienne et une mine d'uranium gérée par l'entreprise française Areva, qui ont fait 25 morts.

François Hollande a également jugé "probable", vendredi, que des islamistes du Sud libyen soient impliqués dans l'attentat qui a visé l'ambassade de France à Tripoli, fin avril.

Mal surveillée, la longue frontière désertique du sud de la Libye, aux confins du Tchad, du Niger et de l'Algérie, ne représente plus depuis longtemps un obstacle pour les trafiquants de drogue, de cigarettes de contrebande ou de migrants.

Mais depuis le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011, elle a aussi servi à écouler les armes et les munitions pillées dans les arsenaux de l'armée libyenne au bénéfice des groupes insurgés du Sahara, islamistes ou séparatistes touaregs.

ZONE DE NON-DROIT

Les djihadistes ont profité de l'aubaine, à l'image du vétéran d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) Mokhtar Belmokhtar, dont les combattants se sont approvisionnés en armes en Libye et ont emprunté son territoire pour lancer l'attaque spectaculaire contre le site gazier algérien de Tiguentourine en janvier.

Depuis qu'ils ont été chassés du Mali, nombre d'islamistes semblent avoir trouvé refuge dans ce Sud-Libyen aussi vaste qu'incontrôlé. Faute d'armée, le gouvernement de Tripoli se repose sur des milices locales pour faire régner un semblant d'ordre dans cette zone de non-droit, régulièrement secouée par les violences ethniques.

"Nous sommes très préoccupés par le fait que le scénario du Nord-Mali pourrait se reproduire dans le sud de la Libye", dit-on de source diplomatique française, précisant que le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a évoqué cette question lors d'un récent déplacement à Londres et Washington.

"Il nous faut apporter rapidement une réponse à ce problème", ajoute-t-on.

Interrogé vendredi par France24, RFI et TV5 Monde, François Hollande a toutefois assuré que Paris n'avait aucune intention d'intervenir militairement dans le Sud libyen, démentant une "non information" publiée par Le Parisien.

La France insiste sur le fait qu'elle entend réduire le plus rapidement possible son contingent au Mali, où elle a engagé quelque 4.000 soldats pendant l'opération "Serval".

Mais la persistance de la menace djihadiste, y compris pour ses intérêts au Niger - où des membres des forces spéciales ont été déployés pour protéger les mines d'uranium - risque de contraindre Paris à modifier ses plans.

François Hollande a reconnu la semaine dernière que l'armée française serait sans doute amenée à intervenir dans d'autres pays du Sahel.

DJIHADISME EN MUTATION

"Même si les Occidentaux veulent laisser le problème aux Africains, ils ne le peuvent pas", souligne Vicki Huddleston, ancienne ambassadrice des Etats-Unis au Mali. "Les islamistes vont continuer à se battre jusqu'à ce qu'ils soient neutralisés par les forces régionales agissant de concert et avec le soutien des gouvernements occidentaux."

Or, cette alternative n'est pas prête. Ni au Mali, où la force ouest-africaine n'est pas opérationnelle, ni en Libye, où l'Union européenne a décidé cette semaine d'envoyer une mission d'aide à la sécurité des frontières de 110 hommes (EUBAM).

Quand bien même elle le serait, cela ne résoudrait pas le problème de la perméabilité des frontières et de l'absence de coopération sécuritaire entre des pays comme l'Algérie, le Maroc ou la Mauritanie, qui permet aux islamistes de passer d'un pays à l'autre quand la pression devient trop forte d'un côté.

La mutation du djihadisme sahélien complique encore la tâche. Alors qu'Aqmi s'est longtemps reposé sur les vétérans de la guerre civile algérienne, de nouveaux mouvements ont émergé pendant l'occupation du nord du Mali, attirant des combattants originaires de tous les pays de la région.

C'est le cas du Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), qui a revendiqué les attaques au Niger et compte dans ses rangs de nombreux combattants noirs, plus à même de se fondre dans les populations subsahariennes que les djihadistes arabes.

Pour Ismaël Diallo, expert en conflits auprès de l'Onu, la France n'a donc pas d'autre choix que de s'impliquer davantage au Sahel. "La coopération régionale n'atteindra pas assez vite un niveau de crédibilité suffisant pour décourager les groupes armés", souligne cet ancien responsable du Burkina Faso.

Après avoir - au moins temporairement - neutralisé la menace au Mali, où les islamistes "ne semblent plus avoir la capacité de coordonner des attaques", selon un officier français sur place, un vaste champ d'opération s'ouvre, que des troupes au sol ne suffiront pas à couvrir.

L'armée française bénéficie du soutien d'un avion de surveillance britannique et de drones américains basés au Niger. Mais les islamistes s'adaptent eux aussi à la nouvelle donne, en se déplaçant par petits groupes au lieu des grands convois dont ils étaient familiers.

"Ils peuvent être n'importe où à tout moment", dit un responsable américain. "Ils vont là où on se bat."
20130106
Reuters

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