Le président français François Hollande a assuré vendredi défendre de manière "intangible" les droits de l'Homme en Afrique, indépendamment des éventuels services rendus par certains chefs d'Etat africains, notamment lors de la guerre française au Mali.
Le socialiste s'est en particulier défendu d'être devenu l'obligé du président tchadien Idriss Déby dont les troupes ont combattu aux côtés de l'armée française dans le nord du Mali, ou du Camerounais Paul Biya, déterminant dans la libération en avril de la famille française Moulin-Fournier, otage du groupe islamiste nigérian Boko Haram.
Ces derniers mois, des ONG et défenseurs des droits de l'homme avaient dénoncé les silences de la France face à la détérioration de la situation dans certains pays d'Afrique, s'inquiétant d'un retour en grâce, à la faveur de l'intervention militaire française au Mali, de chefs d'Etat jugés jusque-là infréquentables par la gauche française.
Interrogé sur la situation au Tchad, où des députés et des journalistes ont été récemment emprisonnés, le président Hollande a assuré vendredi, dans un entretien avec plusieurs médias français, avoir évoqué la question avec son homologue tchadien.
"Il n'y a pas de dérogation, d'indulgence en fonction de ce qu'a été à un moment notre solidarité dans un combat qui devait être mené. Les droits de l'Homme ne sont pas à éclipse. Ils sont toujours la position intangible de la France et je l'ai dit au président Deby", a assuré le chef de l'Etat français.
De la même façon, François Hollande a qualifié vendredi d'"inadmissible" le sort du Franco-Camerounais, Michel Anatanga, condamné à 15 ans de prison en 1997 à Yaoundé, puis à 20 ans en 2012 pour des détournements de fonds qu'il a toujours niés.
"J'ai dit au président Biya que (. . . ) tout devait être fait pour qu'il puisse y avoir une solution qui soit apportée", a-t-il insisté.
Gratitude n'est pas quitus
"C'est une parole de fermeté bienvenue", s'est félicité Dominique Sopo, président du Comité de soutien à Michel Atangana.
Selon lui, "la libération de la famille Moulin-Fournier avait permis à Biya de se sentir en position de force". "Ce que l'on constate, c'est que le délai de décence est terminé, il y a, de nouveau, un discours clair de la France", s'est-il réjoui.
Toutefois, reconnaît-il, "la +realpolitik+ a encore de belles heures devant elle". Et "après l'intervention au Mali, il y avait sans doute de la part de chefs d'Etat ayant une relation distante avec les droits de l'homme la conviction qu'ils pouvaient ne plus prendre de gants, en se disant que la France n'est plus en position de force pour taper du poing sur la table".
"Quand les questions sécuritaires offrent un levier inespéré à certains chefs d'Etat, il est certain que cela complique les choses", confirme William Bourdon, président de l'ONG Sherpa.
"Mais, ce n'est pas en soi quelque chose qui doit faire disparaître cet engagement pris par François Hollande d'avoir une relation plus respectueuse des Africains et donc plus exigeante", dit-il.
"La gratitude que la France doit à certains chefs d'Etat africains ne vaut pas quitus et ne vaut pas renoncement à ses engagements", estime-t-il, disant "créditer le président de la République d'une volonté sincère de changer de paradigme" dans les relations entre la France et l'Afrique.
Plus sceptique, Danyel Dubreuil de l'association Survie soulève que "le problème de François Hollande, c'est la mise en conformité entre ses discours et ses actes". "Ce que nous voulons, ce sont des actes concrets", réclame-t-il.
Or, selon l'association Survie, "depuis l'intervention au Mali, on a pu observer au Togo, à Djibouti, au Tchad mais aussi au Cameroun une répression accrue des dictateurs amis de la France". 20130106 Jeuneafrique
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