Agenouillé dans l'eau, Peter Locebe fouille le sable à la recherche d'une pépite d'or. Autour de lui, une longue file d'autres Sud-Soudanais se casse le dos sous un soleil écrasant.
"Il y a tellement d'or ici," glisse-t-il, en essuyant la poussière sur son front. Ici, à Nanakanak, dans l'est désolé du jeune Soudan du Sud, il a un jour trouvé une once entière d'or (30 grammes).
A Nanakanak, les chercheurs d'or en sont encore à tamiser la poussière dans l'espoir de faire fortune. Mais le Soudan du Sud, dont l'économie dépend encore à 98% du pétrole, espère avoir trouvé une nouvelle source de revenu.
Selon les experts, le sol sud-soudanais pourrait être suffisamment riche en or, mais aussi en cuivre, nickel, platine et manganèse, pour justifier le développement d'une industrie minière.
"Sur le long terme, l'industrie minière pourrait remplacer le pétrole parce que le pétrole devrait commencer à s'épuiser dans cinq à dix ans," estime Rainer Hengstmann, analyste pour le groupe de conseil Adam Smith International, basé à Londres.
La mise en place d'une large industrie minière au Soudan du Sud pourrait prendre cinq à 15 ans, dit-il encore.
Pour l'heure, le terrain est encore quasi-vierge pour les explorateurs. En tout et pour tout, seul un repérage aérien a été effectué autour du centre de négoce le plus proche, Kapoeta, lui-même situé à quelque 200 km de la capitale sud-soudanaise Juba.
En acquérant son indépendance en juillet 2011, le Soudan du Sud a hérité des trois-quarts des ressources pétrolières du Soudan d'avant partition. Mais il reste encore entièrement tributaire des oléoducs du Nord pour exporter.
Or les relations avec les autorités de Khartoum, contre qui les ex-rebelles sudistes aujourd'hui au pouvoir à Juba ont longtemps combattu, restent tendues. Ce qui rend encore plus problématique l'extrême dépendance au pétrole.
Le pays en a eu un aperçu quand, en janvier 2012, il a stoppé pendant plus d'un an sa production pétrolière, après un différend avec le Nord sur les frais à payer pour le passage du brut dans ses oléoducs. Son économie était à genoux.
Un manque criant d'infrastructures
Dans la région de Nanakanak, il y a 50 ans déjà , quand le Soudan sortait tout juste de la colonisation britannique, une tribu creusait le sol à la recherche d'or. Les Toposa travaillaient pour des traders qui les payaient un dollar le gramme.
Aujourd'hui, les Toposa ont été rejoints par des dizaines de milliers d'ouvriers mineurs indépendants.
Et déjà , des compagnies attendent leur tour.
Le gouvernement accorde "une attention spéciale à ce secteur," affirme le ministre sud-soudanais du Pétrole et des Mines, Stephen Dhieu Dau. Il espère pouvoir distribuer de premières licences d'exploitation cette année.
"Tellement d'entreprises font la queue pour venir," renchérit le directeur général du ministère des Mines, Arkangelo Okwang. Mais il faut finaliser la législation minière pour que les potentielles ressources restent une chance, ne se transforment pas en plaie, ajoute-t-il.
Pour l'heure, l'industrie minière sud-soudanaise n'en est même pas encore à ses balbutiements.
"Où sont les infrastructures?" interroge M. Hengstmann. "Vous avez besoin de routes, d'une voie ferrée (. . . ) vous ne pouvez pas exploiter une mine avec des générateurs. "
Les individus qui se lancent malgré tout à leurs frais dans l'aventure arrivent parfois à récolter de bons butins.
Un gramme se vend entre 36 et 47 dollars (28 à 36 euros), explique un négociant en or kényan, Samuel Mutham Kivuva, par ailleurs porte-parole d'un millier d'intermédiaires étrangers travaillant au Soudan du Sud.
Selon lui, environ cinq kg d'or quittent Kapoeta toutes les semaines. L'équivalent de près d'un million de dollars tous les mois.
Plus du double de l'équivalent de cette somme en or aurait été sorti illégalement du pays l'an dernier, avant que le ministère des Mines n'interdise les détecteurs de métal.
Pour que cette potentielle manne ne lui échappe pas, le gouvernement tente de s'attaquer à la contrebande. Il a commencé à taxer les exportations d'or, mais la tâche n'est pas simple.
"Il y a des douaniers aux frontières, mais ils ne vérifient pas les poches," déplore cependant Martin Lorika, administrateur de Kapoeta.
Kapoeta et ses allées de baraques poussiéreuses qui bruissent de rumeurs de deals plus ou moins louches ont elles-mêmes encore plus des allures de Far West.
Les groupes miniers étrangers viendront peut-être un jour, mais pour le moment, la ruée vers l'or est encore l'affaire d'aventuriers.
"Ici, c'est encore une terre où si vous pensez investir (. . . ) vous avez besoin d'un bon parrain," met en garde le négociant kényan. 20130206 Jeuneafrique
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