Quelques centaines de Kényans ont manifesté mardi devant leur Parlement à Nairobi, parodiant en "avides cochons" leurs députés qui à peine élus tentent de s'octroyer une conséquente hausse de salaire.
L'association "Occupez le Parlement" en était à sa deuxième manifestation du genre. La première avait été organisée mi-mai, avec deux douzaines de cochons vivants et des litres de sang de bovins déversés sur le pavé.
Ce mardi, du sang a encore été jeté. Les manifestants ont encore fait leurs slogans autour d'un jeu de mot: "MPigs" formé à partir de MPs -abréviation de Members of Parliament (députés)- et de Pig (cochon). Mais les organisateurs, poursuivis depuis la précédente manifestation pour cruauté envers des animaux, avaient cette fois confectionné un cochon géant.
Les députés kényans, parmi les mieux payés du continent africain et ne payant pas d'impôts, tentent de s'octroyer une hausse de salaire de quelque 300. 000 shillings (2. 600 euros), pour revenir à celui touché par les députés de la précédente législature (851. 000 shillings, soit environ 90 fois le salaire minimum au Kenya).
La Commission des Salaires et rémunérations, agence gouvernementale indépendante chargée de fixer les traitements de la fonction publique, avait décidé cette baisse de salaire des nouveaux députés, élus en mars. La nouvelle chambre basse compte 128 députés de plus que la précédente.
"Aidez ceux dans le besoin, pas les voraces", pouvait-on lire mardi sur l'une des pancartes des manifestants. "Si vous obtenez une augmentation, j'arrĂŞte de payer des taxes", disait une autre.
"Les Kenyans ne sont pas prêts à payer ça," a affirmé l'une des organisatrices, Florence Kanyua, rappelant que ce sont les Kényans qui payent ces salaires via leurs impôts.
"Les enseignants, les policiers, les médecins et les infirmières ont des salaires de misère," a-t-elle ajouté, "mais les députés ne pensent pas à ce genre de problème".
"Le Parlement défie notre démocratie (. . . ) c'est une impunité que nous ne pouvons pas accepter," a renchéri un manifestant, John Nyaga, étudiant.
En début d'après-midi, les manifestants ont déposé leur cochon géant, paré de fleurs, devant les grilles du Parlement, puis lancé en l'air de faux billets de banque représentant eux aussi une bande de cochons.
Quelques personnalités étaient venus les soutenir.
Pour l'une d'elles, l'expert en droit constitutionnel Yash Pal Ghai, les députés "défient" la nouvelle Constitution kényane en remettant en question la Commission des salaires, reconnue par la Constitution, et ses membres.
"La plupart des Kenyans vivent dans une extrême pauvreté," a-t-il ajouté. Soulignant par ailleurs le fort endettement du pays, il a estimé que ces salaires ne feraient "qu'alourdir cette charge".
"L'économie de ce pays ne peut pas se le permettre," a renchéri Khelef Khalifa, président d'une importante organisation de la société civile, Muslims for Human Rights (les Musulmans pour les droits de l'Homme).
Des dizaines de policiers, munis de matraques, casques et gaz lacrymogènes avaient été déployés autour du Parlement, dans le centre de Nairobi. Mais la manifestation n'a été marquée par aucun incident. 20131206 Jeuneafrique
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