Associé de Nelson Mandela dans le processus qui a permis à l'Afrique du Sud de sortir de l'apartheid, le dernier président blanc du pays Frederik de Klerk n'est jamais devenu son ami. Au point de ne pas lui souhaiter publiquement un prompt rétablissement.
"Nous n'avons pas publié de communiqué, mais nous avons donné des interviews quand on nous l'a demandé, car nous pensons qu'il ne serait pas approprié de s'impliquer dans des spéculations, ça serait de mauvais goût", a expliqué à l'AFP le directeur de la Fondation de Klerk, Dave Steward.
Ce silence peut paraître curieux alors que des messages sont venus du monde entier --du président américain Barack Obama au dalaï-lama-- pour souhaiter la guérison de Nelson Mandela, qui est hospitalisé dans un état grave dans un hôpital de Pretoria à bientôt 95 ans.
L'ancien président a cependant envoyé en privé un mot à son illustre successeur, avec qui il a partagé en 1993 le prix Nobel de la paix, a assuré M. Steward.
"Nous sommes comme tous les Sud-Africains très préoccupés par la dernière maladie de Nelson Mandela, et nous espérons qu'il se rétablira rapidement", a-t-il souligné.
Capacité d'écoute
Les rapports n'ont jamais été simples entre les deux hommes qui ont géré ensemble la transition de l'apartheid à la démocratie.
En 2008, Frederik de Klerk disait de Nelson Mandela qu'il était "l'une des plus grandes personnalités du XXe siècle". Il saluait "l'assurance, la grâce et l'humilité" de son successeur à la présidence sud-africaine, "sa discipline et sa persévérance", ainsi que "sa sagesse et sa connaissance de l'être humain".
Mais alors que l'Afrique du Sud s'est mise à élever des statues au héros de la lutte anti-apartheid et à lui dédier des musées, M. de Klerk était devenu bien plus critique en 2012: "Je ne souscris pas à l'hagiographie générale entourant Mandela", a-t-il alors déclaré, déclenchant une violente polémique.
"Il n'était pas du tout la figure de saint bienveillante si largement représentée aujourd'hui", avait-il relevé, ajoutant que son meilleur adversaire des années 1990 était "brutal" et "injuste".
Apparatchik du Parti national, le mouvement qui a légalisé l'apartheid en Afrique du Sud, Frederik de Klerk avait une réputation de conservateur quand il a pris la tête du PN --et la présidence du pays-- en 1989.
Il a rapidement compris que le régime ségrégationniste en place depuis 1948 n'avait aucune chance de survie, confronté à une intense pression internationale, aux sanctions économiques, à un boycottage culturel et sportif et à un état de révolte quasi permanent dans les townships, les cités noires construites aux abords des villes blanches.
Deux pragamtiques
"L'heure des négociations est arrivé", a-t-il annoncé en février 1990, autorisant à nouveau les mouvement anti-apartheid et libérant les prisonniers politiques, à commencer par Nelson Mandela. Ce dernier discutait déjà avec le pouvoir blanc depuis quatre ans.
Cette décision, dira plus tard De Klerk, a permis d'éviter "une catastrophe", quand bien même les négociations ont été souvent tendues.
"Il a eu le courage d'admettre que le système d'apartheid avait causé des torts terribles à notre pays et à notre peuple. Il a eu la clairvoyance nécessaire pour comprendre et accepter que tous les Sud-Africains devaient, à travers la négociation, déterminer ensemble leur avenir", a dit de lui Nelson Mandela lorsque ils ont reçu ensemble le prix Nobel de la paix en 1993.
Mandela comme De Klerk savaient étudier le profil de leurs ennemis pour mieux les combattre. Et ils ont mutuellement été surpris par la capacité d'écoute de l'autre dès leur première rencontre.
Les deux étaient des pragmatiques. Ils n'avait ni l'un ni l'autre le droit d'échouer, ils devaient à tous prix éviter une guerre civile. Mais ils n'en demeuraient pas moins adversaires, et leurs relations n'ont jamais été chaleureuses.
Une fois Mandela devenu le premier président noir du pays, Frederik de Klerk sera son vice-président pendant deux ans pour accompagner la transition, avant de démissionner quand une nouvelle Constitution a été adoptée.
Il s'est officiellement retiré de la vie politique en 1997, mais sa fondation s'attache maintenant à défendre les intérêts des Blancs, et en particuliers ceux des Afrikaners, ces descendants des colons hollandais installés dans le pays depuis le XVIe s. , dont le bien-être n'est plus la priorité du pouvoir. 20131506 Jeuneafrique
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