Madagascar : Jean Omer Beriziky, l'empĂȘcheur de tourner en rond
le 19/06/2013 11:36:05
Madagascar

Contre toute attente, le Premier ministre malgache, Jean Omer Beriziky, a pris la tĂȘte du front opposĂ© Ă  une candidature du prĂ©sident de la Transition, Andry Rajoelina.



C'est l'homme Ă  abattre pour les partisans d'Andry Rajoelina. L'empĂȘcheur de tourner en rond. « C'est Iznogoud, celui qui veut ĂȘtre calife Ă  la place du calife », s'irrite un proche du prĂ©sident de la Transition, candidat contestĂ© Ă  l'Ă©lection prĂ©sidentielle dont le premier tour vient d'ĂȘtre repoussĂ© au 23 aoĂ»t.

Qui l'eût cru ? Le Premier ministre, Jean Omer Beriziky (62 ans), qui était encore un inconnu pour la majorité des Malgaches il y a deux ans, est aujourd'hui le principal obstacle aux ambitions de Rajoelina. « C'est lui qui a déclenché la révolte, estime Alain Tehindrazanarivelo, l'un des 41 candidats à l'élection. Son refus de participer au Conseil des ministres a précipité les choses. »

C'Ă©tait le 29 mai. Un mercredi, jour traditionnellement rĂ©servĂ© au Conseil des ministres que prĂ©side Rajoelina. Mais ce jour-lĂ , quand la rĂ©union dĂ©bute Ă  15 heures, la salle du palais d'Iavoloha est Ă  moitiĂ© vide. Au mĂȘme moment, Beriziky prĂ©side au palais de Mahazoarivo un Conseil de gouvernement improvisĂ©. D'habitude, c'est le mardi qu'il se tient. « Insubordination ! » dĂ©nonce l'entourage de Rajoelina.

Le lendemain, Beriziky explique qu'il ne reconnaßt plus l'autorité de Rajoelina depuis que ce dernier a refusé de quitter la présidence, comme la loi électorale le lui imposait à compter du 27 mai. Selon cette loi, tout candidat occupant un poste au sein de la Transition doit démissionner soixante jours avant le scrutin.

Menacé

Le mĂȘme jour, Beriziky invite les forces armĂ©es et les chefs des institutions de la Transition dans son palais. Objectif : trouver une solution pour sortir de l'impasse. Comme la communautĂ© internationale, il s'oppose Ă  la candidature de Rajoelina, ainsi qu'Ă  celles de Lalao Ravalomanana et de Didier Ratsiraka. Le 3 juin, Ă  l'issue d'un conclave rĂ©unissant tout ce qui compte dans l'Ăźle (les forces armĂ©es, les chefs d'institutions et les entitĂ©s politiques), sa position l'emporte. Il apparaĂźt comme le nouvel homme fort, tandis que Rajoelina se sent plus que jamais menacĂ© : il n'a plus aucun soutien Ă  l'extĂ©rieur (mĂȘme la France en a assez de son entĂȘtement), et l'armĂ©e pourrait lui Ă©chapper. Mais trois jours plus tard, Beriziky fait marche arriĂšre. Son gouvernement annonce le report du premier tour. La veille, la cour Ă©lectorale spĂ©ciale avait maintenu les candidatures des trois « indĂ©sirables ». Volte-face ? Non, affirme-t-il Ă  son entourage. C'est l'armĂ©e et la CommunautĂ© de dĂ©veloppement d'Afrique australe (SADC) qui lui auraient demandĂ© de gagner du temps. « Sa position n'a pas c hangĂ© d'un iota », assure un ami.

En prenant la tĂȘte du front du refus, le Premier ministre a surpris jusqu'Ă  ses proches. « Il y a six mois, je ne l'en aurais pas cru capable, dit l'un d'eux. À l'Ă©poque, c'Ă©tait un piĂštre politique. Mais la fonction l'a changĂ©. » Historien reconverti Ă  la diplomatie dans les annĂ©es 1990 aprĂšs avoir luttĂ© aux cĂŽtĂ©s d'Albert Zafy pour faire tomber le prĂ©sident Ratsiraka, Beriziky n'avait jamais eu d'ambition politique avant que Rajoelina ne l'extirpe de Bruxelles, oĂč il reprĂ©sentait son pays depuis seize ans, et ne le nomme Ă  la primature en octobre 2011. DĂ©licate cohabitation entre un prĂ©sident soucieux de tout contrĂŽler et un Premier ministre ne cessant de clamer que son seul patron, c'est la feuille de route de sortie de crise. « Cette confrontation permanente lui a donnĂ© des ailes, indique un ami. Il a des ambitions aujourd'hui. Mais il a toujours Ă©tĂ© trĂšs clair : tant que la feuille de route est respectĂ©e, il ne sera pas candidat. »

Ces derniers temps, Beriziky aurait reçu des menaces. Mais il dispose d'une double assurance-vie : le soutien de la communauté internationale et le bataillon de sécurité de la primature, l'un des mieux armés du pays.

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Par RĂ©mi Carayol
20131906
Jeuneafrique

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