Tchad : Hissène Habré, 8 ans de dictature au Tchad et 22 en exil au Sénégal
le 01/07/2013 09:46:41
Tchad

L'ex-président tchadien Hissène Habré, 70 ans, arrêté dimanche au Sénégal où il devra être jugé pour les crimes commis pendant ses huit ans de dictature, avait conquis le pouvoir par les armes en 1982 au Tchad avant d'être chassé par la force en 1990.


"Combattant du désert", "homme des maquis", "chef de guerre" : les qualificatifs pour le décrire dans les années 70 et 80 s'inscrivent dans l'histoire agitée du Tchad indépendant dont il a été le troisième président.

Né en 1942 à Faya-Largeau (nord du Tchad), il grandit dans le désert du Djourab, au milieu de bergers nomades. Intelligent, il est remarqué par ses maîtres. Devenu sous-préfet, il part étudier en France en 1963, à l'Institut des hautes études d'Outre-mer. Il étudie ensuite le droit à Paris, y fréquente l'Institut d'études politiques et fait son éducation politique en dévorant Frantz Fanon, Ernesto "Che" Guevara, Raymond Aron.

De retour au Tchad en 1971, il rejoint le Front de libération nationale du Tchad (Frolinat) dont il prend la tête, avant de fonder avec un autre nordiste, Goukouni Weddeye, le conseil des Forces armées du nord (Fan).

A partir de 1974, il se fait connaître à l'étranger en retenant en otage - durant trois ans - l'ethnologue française Françoise Claustre, obligeant la France à négocier avec la rébellion.

Il sera ensuite Premier ministre du président Félix Malloum, avec qui il rompra, puis ministre de la Défense de Goukouni Weddeye, président du Gouvernement d'union nationale créé en 1979.

Nationaliste convaincu et farouchement opposé à l'ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, qui a les sympathies de Weddeye, il rompt peu après avec son ancien allié, déclenchant une guerre civile à N'Djamena, qu'il doit évacuer fin 1980.

Depuis l'est du Tchad où il a repris le maquis, il combat le régime de Goukouni Weddeye soutenu par Tripoli, avant de faire victorieusement son retour à N'Djamena en 1982.

Un an plus tard Goukouni Weddeye bénéficie d'une intervention libyenne, à laquelle répond celle de troupes françaises et zaïroises en faveur du gouvernement Habré.

Hissène Habré prend le dessus après plusieurs médiations et de nouvelles batailles, mais les combats reprendront en 1986 et 1987.

Opposants arrêtés, torturés, exécutés

Les huit années de son régime sont marquées par une terrible répression: les opposants sont arrêtés par la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS, police politique), torturés, souvent exécutés.

Une commission d'enquête estimera à plus de 40.000 le nombre de personnes mortes en détention ou exécutées sous son règne, dont 4.000 identifiées nommément.

Fin 1990, Habré quitte précipitamment N'Djamena: il fuit l'attaque éclair des rebelles d'Idriss Déby (actuel président tchadien), un de ses généraux qui a fait défection 18 mois plus tôt et a envahi le pays depuis le Soudan.

Habré trouve alors refuge à Dakar pour 22 ans d'exil paisible.

Selon l'avocat américain Reed Brody, porte-parole de l'organisation Human Rights Watch (HRW), l'ex-dictateur a pris la précaution de "vider" les coffres" avant son départ du Tchad et sait se construire, au Sénégal, "un réseau de protection".

L'homme a depuis longtemps troqué treillis et casquette kaki pour un grand boubou et un calot blanc. Musulman, il se fait apprécier de ses voisins dakarois avec lesquels il prie lors des fêtes religieuses, se montre discret et généreux en participant à la construction de mosquées...

A l'été 2011, quand le président sénégalais Abdoulaye Wade, crée la surprise en voulant finalement l'expulser à N'Djamena, des habitants du quartier de Ouakam manifestent leur soutien à Habré, en soulignant qu'il a une femme et des enfants sénégalais. Et Habré lui-même avertit alors: "Quiconque violerait mon espace, ma maison pour m'agresser, alors je serais dans mon droit de légitime défense".

En juillet 2006, le Sénégal avait bien été mandaté par l'Union africaine (UA) pour juger Habré, "au nom de l'Afrique", pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de torture. Mais, sous la présidence d'Abdoulaye Wade (2000-2012), le procès avait sans cesse été retardé.

Son successeur, Macky Sall, s'est fermement engagé à organiser le procès d'Habré au Sénégal et un tribunal spécial a démarré ses activités en février.
20130107
AFP

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