Le Premier ministre libyen, Ali Zeïdane, a annoncé samedi soir qu'il allait remanier son gouvernement face à "l'urgence de la situation", après les manifestations de colère de milliers de Libyens qui dénonçaient des assassinats, dont celui d'un militant politique anti-islamiste.
"Nous sommes sur le point de procéder à un remaniement gouvernemental et de réduire le nombre de ministères afin de garantir une meilleure efficacité et de répondre à l'urgence de la situation", a dit le Premier ministre lors d'une conférence de presse à Tripoli.
Dénonçant l'insécurité et l'instabilité, des milliers de Libyens ont manifesté samedi contre les partis politiques à Benghazi et à Tripoli.
Des locaux de la branche politique des Frères musulmans, le Parti pour la justice et la construction (PJC), ont été incendiés à Benghazi, dans l'est du pays.
Des bureaux de la coalition libérale, l'Alliance des forces nationales (AFN), première formation du Congrès général national (CGN, Parlement), ont été également attaqués à Tripoli, la capitale libyenne.
Des centaines de manifestants sont descendus dans les rues de Benghazi, capitale de la Cyrénaïque, dans la nuit de vendredi à samedi pour dénoncer le meurtre de l'avocat et militant politique Abdelsalam al Mosmary, tué par balles quelques heures auparavant au sortir d'une mosquée.
L'avocat, qui intervenait régulièrement à la télévision pour dénoncer la présence des milices armées dans les rues, affichait son hostilité aux Frères musulmans.
Deux officiers de l'armée ont également été abattus vendredi soir à Benghazi.
"(Les manifestants) criaient 'Prenez vos cliques et vos claques, Benghazi veut que vous partiez'", a témoigné un habitant.
Le gouvernement central de Tripoli peine à asseoir son autorité sur la myriade de groupes armés qui n'ont pas désarmé après avoir participé à la guerre civile qui a abouti à la chute de Mouammar Kadhafi fin 2011.
A Tripoli, une foule de manifestants a saccagé le siège du PJC, avant de s'attaquer aux bureaux de l'AFN.
LES FRÈRES MUSULMANS CONTESTÉS
L'influence des Frères musulmans, étroitement liés à plusieurs ministres du gouvernement, est de plus en plus contestée en Libye.
Bien qu'ils tentent de convaincre la population qu'ils n'entretiennent pas de lien financier ou politique avec la confrérie en Egypte, leur légitimité est de plus en plus remise en cause.
Bon nombre de manifestants les accusent notamment d'avoir commandité les trois assassinats de vendredi à Benghazi. Une accusation que rejette Abdoulrahmane al Dibani, député du PJC. "Nous avons condamné fermement l'assassinat de Mosmary. Tous les Libyens devraient entendre cela et s'abstenir de nous accuser publiquement", a-t-il déclaré.
Joint par téléphone, le chef de file des Frères musulmans en Libye, Bachir el Koubti, n'a pas souhaité commenter les attaques menées contre les bureaux du mouvement.
La population libyenne est de plus en plus lassée par les querelles politiques et l'anarchie qui règne dans le pays près de deux ans après la chute de Kadhafi.
"Les gens sont descendus dans la rue parce qu'ils en ont marre des partis politiques et de la faillite de l'Etat", a témoigné Hicham Idriss, qui manifestait place des Martyrs à Tripoli.
Dans la capitale, les manifestants ont brandi des drapeaux libyens et crié des slogans anti-islamistes. Un groupe de jeunes a fondu sur les bureaux du PJC, brisant les vitres, grimpant sur les bureaux et s'emparant de documents pour les jeter dans la rue.
"Allez raser vos barbes hypocrites, la Libye n'a pas besoin de vous", ont-ils tagué sur les murs du bâtiment.
Le calme est revenu par la suite dans les deux grandes villes du pays mais la population n'excluait pas de nouvelles manifestations lors des funérailles de Mosmary, prévues plus tard dans la journée de samedi. 20132807 Reuters
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