Égypte : Les tensions en Egypte risquent de profiter à Al Qaïda
le 19/08/2013 10:31:40
Égypte

La répression visant les Frères musulmans en Egypte assure à Al Qaïda un terreau à faire fructifier à l'intérieur du pays et les images de manifestants tués diffusées dans le monde entier risquent de nourrir la rhétorique de victimisation prisée des djihadistes du monde entier.



"C'est probablement le moment ou jamais de soutenir Al Qaïda. Brandir le drapeau en Egypte est désormais une priorité. Inch'Allah", a déclaré sur Twitter l'antenne kényane d'Al Chabaab, le groupe rebelle somalien lié à Al Qaïda.

Ce message est l'un des nombreux appels lancés ces derniers jours aux Egyptiens pour qu'ils renoncent à la démocratie, considérée comme une invention de l'Occident, et qu'ils combattent pour installer un régime fondé sur la charia, la loi islamique.

"La mobilisation d'un front djihadiste en Egypte sert la nouvelle politique d'Al Qaïda consistant à exploiter des conflits locaux pour faire avancer leur projet d'une révolution menée par les djihadistes dans l'ensemble de la région", souligne le réseau de surveillance SITE en évoquant l'Irak, la Libye et la Syrie.

La destitution début juillet du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, avait déjà été considérée comme favorable aux djihadistes comme le dirigeant - égyptien - d'Al Qaïda Ayman al Zaouahri, qui a accusé les Frères musulmans de tromper leurs partisans en cherchant à installer l'islam politique par des moyens pacifiques plutôt que par la violence.

Ces tensions laissent planer le doute sur l'influence réelle d'Al Qaïda en Egypte même. Un doute dont l'armée semble prête à jouer.

LA SYRIE, PÔLE D'ATTRACTION N°1

Le ministère des Affaires étrangères a publié dimanche des photos montrant ce qu'il présente comme des membres des Frères musulmans portant des gourdins et des armes et feu ainsi que, sur l'une d'elle, le drapeau noir d'Al Qaïda.

La confrérie réfute tout lien avec Al Qaïda et les observateurs ne s'attendent pas à voir des centaines de djihadistes se précipiter en Egypte, même si la violence continue de monter dans le pays.

En effet, pour ceux qui veulent se battre, la Syrie reste le principal pôle d'attraction et Al Qaïda y dispose déjà de structures organisées avec le Front Al Nosra ou l'Etat islamique d'Irak et du Levant.

"La Syrie, du point de vue idéologique, est une cible très attractive, pour de nombreuses raisons", résume l'universitaire Andrew Lebovich, auteur de nombreux articles sur Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

"La situation est plus compliquée en Egypte (...) et les troubles et la répression vont certainement inciter les djihadistes à commettre des attentats, ou conduire certains Egyptiens vers une violence plus organisée."

Au-delà de l'attractivité de la Syrie, Al Qaïda n'est aujourd'hui plus en mesure d'adresser des ordres directs à des sympathisants en Egypte: l'organisation joue aujourd'hui davantage un rôle de lien entre des groupes divers et dispersés que celui de structure hiérarchique chapeautant tous ces groupes.

En Egypte même, on peut néanmoins craindre de voir de jeunes partisans des Frères musulmans attirés par des groupes plus radicaux.

"Il est très probable que de jeunes islamistes désenchantés prennent les armes pour combattre le régime 'hérétique' des militaires", estime un spécialiste des questions de sécurité en Algérie. "Ils savent désormais que la démocratie n'est pas la bonne voie pour prendre le pouvoir."

AL QAÃDA FACE À DES ÉTATS AFFAIBLIS

Des activistes djihadistes sont déjà établis dans le Sinaï et la frontière poreuse avec la Libye rend l'Egypte vulnérable à l'entrée sur son sol d'armes, de combattants ou d'experts en explosifs.

"Ce n'est qu'une question de temps avant qu'une frappe majeure ait lieu, et ce sera au Caire, pas dans le Sinaï", prédit Brian Fishman, un spécialiste de la lutte anti-terroriste à la New America Foundation, sur Twitter.

Reste à savoir à quelle échéance le régime en place au Caire risque de devoir faire face à des violences commises par des djihadistes organisés.

En Syrie, le premier attentat à la bombe important à Damas, la capitale, a eu lieu en décembre 2011, soit neuf mois après le début du soulèvement contre le régime du président Bachar al Assad. Il a par la suite été revendiqué par le Front Al Nosra.

Au-delà du seul cas égyptien, il est difficile de dire si Al Qaïda est plus fort ou plus faible aujourd'hui qu'il y a quelques années.

Ce qui est clair en revanche, c'est que loin de les marginaliser, les soulèvements arabes de 2011 ont ouvert de nouvelles opportunités aux djihadistes: alors que les attaques de drones américains coûtaient la vie à plusieurs dirigeants du mouvement dans les zones tribales du Pakistan, Al Qaïda s'est adapté en déplaçant ses structures vers des régions moins exposées.

"On se demande régulièrement si Al Qaïda est plus fort aujourd'hui qu'il y a six ou sept ans mais je crois que la question n'est pas là. La question est de savoir comment Al Qaïda a évolué ces dernières années", explique Geoff Porter, de North Africa Risk Consulting.

"Pour exprimer la situation plus simplement, on peut dire que les franchises d'Al Qaïda en Afrique du Nord ne sont pas beaucoup plus fortes qu'avant le printemps arabe, mais ce sont les Etats qui sont plus faibles."
20131908
Reuters

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