Sénégal : controverse sur la nomination d'un militant des droits de l'homme à la tête du ministère de la Justice
le 07/09/2013 17:28:08
Sénégal

La nomination de l'avocat et militant des droits de l'homme Sidiki Kaba au poste de ministre de la Justice suscite depuis lundi une vive polémique au Sénégal.

Ce ne sont pas ses capacités à tenir un tel ministère qui sont en cause, mais ses prises de position antérieures relatives notamment à la dépénalisation de l'homosexualité et à la légalité de la Cour de Répression de l'Enrichissement illicite (CREI).

M. Kaba, ancien président de la Fédération internationale des droit de l'homme, avait désapprouvé les interpellations au Sénégal de neuf personnes en 2009, lors d'un présumé mariage d'homosexuels.

Il avait alors non seulement condamné l'arrestation de ces personnes accusées d'actes contre-nature, mais s'était prononcé en faveur de la dépénalisation de l'homosexualité.

D'autre part, l'avocat défenseur des droits de l'homme considérait comme illégale la CREI, une juridiction d'exception réactivée par le chef de l'Etat sénégalais Macky Sall à son arrivée au pouvoir en avril 2012, devant laquelle sont actuellement traduits plusieurs anciens dignitaires de l'ancien régime dans le cadre de la traque des biens supposés mal acquis.

M. Kaba, qui défend une des personnes poursuivies devant la CREI, était également, avant sa nomination, un des avocats de la partie civile devant les Chambres africaines extraordinaires créées auprès des juridictions sénégalaises pour juger l'ex- président tchadien, Hissène Habré, mis en examen et écroué à Dakar pour crimes contre l'humanité et tortures.

Toutes ces postures alimentent une controverse basée sur des allégations ou soupçons d'impartialité voire de conflit d'intérêts contre le nouveau ministre de la Justice.

A cet égard, une ONG islamique, Jamra, a été la première à monter au créneau pour affirmer que la prise de position de M. Kaba en faveur de la dépénalisation de l'homosexualité le disqualifie comme membre du gouvernement sénégalais. D'autant que le chef de l'Etat sénégalais défend une position contraire. L'ONG réclame en conséquence sa démission.

Pour sa part, le Collectif africain de Soutien au président Hissène Habré et les avocats de l'ancien président tchadien Hissène Habré réclament aussi la tête du nouveau ministre de la Justice pour conflit d'intérêts.

Pour le Pr Malick Ndiaye, sociologue et conseiller du chef de l'Etat sénégalais, la nomination de M. Sidiki Kaba est "une erreur de casting", au vu de ses positions antérieures.

Cette même position a été exprimée par plusieurs responsables politiques de second plan.

Interpellé lors de sa prise de fonction, M. Kaba a déclaré que ses positions antérieures n'ont rien à voir avec son poste actuel.

"J'ai exprimé les positions de mon organisation (la FIDH). Actuellement je suis un ministre de la République", a expliqué l' avocat et militant des droits de l'homme.

Malgré toutes ses assurances, le nouveau ministre de la Justice continue d'être contesté. Et les propos qu'il a tenus sur l'ancien président tchadien, qu'il a traité de "bourreau" à l'occasion de sa passation de service, ont rajouté à la polémique.

Il a déclaré en effet que le procès d'Hissène Habré "démontrera que l'Afrique a sa propre capacité de juger ce bourreau".

Quoi qu'il en soit, le nouveau ministre de la Justice peut compter sur la solidarité de ses pairs. Son confrère et président de la ligue sénégalaise des Droits de l'Homme, M. Assane Dioma Ndiaye, estime que la nomination de Me Kaba est un "réconfort, une garantie de l'indépendance de la justice pour tous les citoyens".

20130907
Xinhua

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