Mali : Le Mali se dote d'un gouvernement de réconciliation nationale
le 09/09/2013 17:30:00
Mali

Image redimensionnéeLe premier gouvernement de l'ère IBK a été formé, dimanche, par le Premier ministre, Oumar Tatam Ly, seulement trois jours après sa nomination.



C'est la priorité numéro un qui figurait au début du programme du candidat Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), élu le 11 août. Le nouveau président l'a vigoureusement rappelée lors de sa prestation de serment, le 4 septembre, estimant qu'elle était "la plus pressante". Et c'est donc en toute logique que la "réconciliation nationale" a désormais son ministère, qui prend également pour mission le "développement du Nord".

Confié à Cheick Oumar Diarrah, un diplomate chevronné proche d'IBK, qui fut notamment ambassadeur du Mali aux États-Unis, ce nouveau portefeuille possède un intitulé qui ne devrait pas plaire aux rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), lesquels réclament l'indépendance ou tout au moins l'autonomie du Nord. Or les nouvelles négociations qui doivent s'ouvrir avec eux dans moins de 60 jours à partir de la formation du nouvel exécutif (selon les accords de Ouagadougou du 18 juin dernier) ne devraient pas porter sur cette revendication fondamentale…

La nomination au ministère des Affaires étrangères de Zahabi Ould Sidi Mohamed, un Arabe natif de Tombouctou (nord-ouest du Mali) et qui fut chef d'un mouvement rebelle du nord du Mali dans les années 1990 (le Front islamique arabe de l'Azawad, FIAA), pourrait en revanche montrer la voie à suivre aux révoltés touaregs. Après avoir été l'un des acteurs des accords de paix 1992 (Pacte national), celui-ci a définitivement déposé les armes pour entamer une riche carrière de fonctionnaire international à l'ONU…

Symboles

Autre nouveauté du gouvernement formé le 8 septembre, le ministre de la Justice, l'avocat Mohamed Aly Bathily, est désormais le deuxième dans l'ordre protocolaire, après le Premier ministre Oumar Tatam Ly mais devant son collègue chargé de la Défense et des Anciens combattants, Soumeylou Boubèye Maïga. Une manière symbolique pour IBK de dire qu'il a entendu la volonté des Maliens de bénéficier de plus d'équité devant l'administration, mais aussi devant les opportunités économiques dans une société gangrénée par le népotisme et la corruption.

Le premier gouvernement de M. Ly, 49 ans, comprend ainsi 34 ministres et ministres délégués, dont seulement 4 femmes et une dizaine d'acteurs du parti présidentiel, le Rassemblement pour la République (RPM). On note en particulier l'entrée de Bakary Tereta, le secrétaire général du mouvement, qui avait organisé la participation décriée de certains militants aux violentes manifestations anti-Dioncounda Traoré (ex-président de transition) des 9 et 11 janvier 2013 - en pleine offensive jihadiste à Konna. Désavoué par IBK, il avait été mis sur la touche pendant la campagne mais fait aujourd'hui son grand retour sur le devant de la scène.

Son entrée au gouvernement ne devrait pas plaire aux opposants d'IBK - qui peinent cependant à s'affirmer comme tels pour l'instant. Autre décision qui devrait irriter les partis de certains rivaux d'IBK, comme celui de Soumeyla Cissé, l'Union pour la république et la démocratie (URD) : la reconduction du général Moussa Sinko Coulibaly au ministère de l'Administration territoriale. C'est lui qui a organisé la présidentielle dans des conditions fustigées par l'URD notamment, et qui est donc en charge de des prochaines législatives dont la date n'a pas encore été fixée.

"Boubèye" en première ligne

Comme lui, quatre membres du précédent gouvernement sont reconduits. Il s'agit notamment d'Ousmane Ag Rhissa (Environnement et Assainissement), Bruno Maïga (Culture), Tièman Hubert Coulibaly (ex-chef de la diplomatie qui devient ministre des Domaines de l'État et des Affaires foncières) et surtout et surtout le colonel Abdoulaye Koumaré (Équipement et Transports), proche du général Amadou Haya Sanogo (ex-leader de la junte) et fervent soutien d'IBK depuis le coup d'État du 22 mars 2012.

Certaines personnalités du nouveau gouvernement ont occupé d'éminentes fonctions par le passé, sous les présidents Alpha Oumar Konaré ou Amadou Toumani Touré (1992-2012). En particulier le nouveau ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, qui a déjà occupé ce poste, mais aussi celui de chef de la diplomatie et de directeur de la Sécurité d'État dans les deux dernières décennies. À lui la lourde tâche de réformer l'armée en gérant les frustrations qui ont conduit au coup d'État de mars 2012. "Il va falloir clarifier les choses. La défaite de l’armée face aux jihadistes n’était pas due qu’à un manque de matériel. Il y avait aussi un problème de force morale", a-t-il déclaré à Jeune Afrique quelques jours avant sa nomination. "L’armée est une composante importante de la société mais elle doit se soumettre à l’autorité politique."

>> Lire "Jihadistes sur le retour"

Enfin, à la suite du Premier ministre, un banquier, les technocrates entrent au gouvernement, sans y occuper néanmoins une place prépondérante. Parmi eux, Mme Bouaré Fily Sissoko, à l'Économie et aux Finances (elle travaillait à la Banque mondiale à Bamako) et Mahamane Baby, à l'Emploi et à la Fonction professionnelle (qui travaillait en Allemagne dans un programme des Nations unies). Mais d'autres profils "pointus" et "apolitiques" pourraient bientôt occuper des fonctions importantes au gouvernement à la faveur d'un possible remaniement après les législatives.

20130909
Jeune Afrique

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