C’est à partir du milieu du XVIIIe siècle
que le Rwanda se construit en fédérant des instances claniques et religieuses au
profit du royaume. Au XIXe siècle, l’expansion se poursuit et le pays atteint
alors son extension maximale. Cette expansion s’est appuyée sur une
centralisation exceptionnelle, une organisation militaire structurée notamment
par le mwami Rujugira (roi), faisant émerger une aristocratie de grands lignages
tutsi.
Après un accord conclu en juillet 1890 et une première exploration du pays menée
en 1894 par le comte Gustav Adolf von Götzen, le Rwanda devint une colonie
allemande dans le cadre de l’Afrique de l’Est Allemande (1890-1916). Les
Allemands pratiquèrent une administration indirecte par l’intermédiaire du mwami
et ses chefs. La politique de collaboration avec le roi Musinga et
l’aristocratie locale bénéficiera de l’appui des Pères blancs, en majorité
français, et des pasteurs luthériens arrivés au pays dès 1900. Une capitale
moderne est créée à Kigali en 1908.
L’administration belge (1916-1962)
A la suite de la convention anglo-belge « Orts-Milner » (1919), le territoire du
Ruanda-Urundi est rattaché administrativement au Congo belge, sous l’autorité
d’un vice-gouverneur général (1925). L’administration du pays est restructurée;
le système des trois chefs (armées, terres et bétail) disparaît au profit d’une
hiérarchie réduite de chefs et de sous-chefs, épurée de ses éléments hutu et
encadrée par les administrateurs territoriaux belges. En 1931, le roi Musinga
est destitué et remplacé par son fils Mutara Rudahigwa.
La société locale tend cependant à se figer selon un ordre hiérarchique et
ethnique appuyé par les autorités administratives et religieuses. En 1933,
l’administration coloniale belge a introduit un système national
d’identification fondé sur la discrimination ethnique (hutu et tutsi). Le
clientélisme pastoral, considéré comme le « ciment de la société », fut, à
partir de 1941, étendu à tout le pays et les obligations des « clients »
devinrent comme de nouvelles corvées, faisant des Tutsi des privilégiés, au
détriment des Hutu. Les classements physiques et esthétiques stéréotypés se
prolongeaient opposant Tutsi et Hutu. Dans cette recomposition du pays, le rôle
de l’Église et de l’école ont été décisifs.
Dans les années 1950, une nouvelle génération de missionnaires choisit, au nom
de l’égalité sociale, de soutenir les revendications hutu. En 1957, un «
Manifeste des Bahutu » est diffusé et vise à dénoncer le « monopole tutsi » dans
les écoles et les emplois. Le mécontentement populaire se tourne en priorité
contre les Tutsi et non contre le colonisateur belge.
De la « Révolution sociale » (1959-1961) à l’indépendance
La Belgique met en œuvre un processus d’autonomie interne (1959), mais la
tension est montée au Rwanda depuis la mort subite du roi Mutara. Deux partis
politiques s’opposent violement (le PARMEHUTU et l’UNAR) et des émeutes
sanglantes éclatent. Le pays est placé sous un régime militaire géré par les
autorités belges. La moitié des autorités locales tutsi est remplacée par des
Hutu et des élections locales (1960) sont organisées, donnant une majorité
écrasante au Parmehutu. Fin janvier 1961, Grégoire Kayibanda, chef du
gouvernement autonome créé en octobre 1960, fait proclamer la République par les
nouveaux bourgmestres élus. Le roi s’enfuit. Les élections législatives et le
référendum de septembre 1961 entérinent le changement de régime et la prise de
pouvoir du Parmehutu, avant même l’indépendance (1962), avec l’accord de l’ONU.
La « démocratie du menu peuple » instaurée est celle des « 85% de Hutu ».
Près de la moitié des Tutsi (environ 150 000) ont fui dans les pays voisins pour
échapper aux violences. La mention de leur « ethnie » étant spécifiée sur leurs
papiers d’identité, ceux qui sont restés dans le pays deviennent les boucs
émissaires. En décembre 1963, une attaque de réfugiés dans le sud-est du pays
déclenche des milliers de morts en représailles. Dès cette époque, des
observateurs parlent de « génocide » et le président Kayibanda menace la « race
tutsi » de « fin totale et précipitée ». En février 1973, une nouvelle chasse
aux sorcières conduit à l’épuration des administrations et des écoles et
provoque une nouvelle vague de réfugiés tutsi.
En juillet 1973, un coup d’Etat militaire porte au pouvoir le général Juvénal
Habyarimana. Le MRND (Mouvement révolutionnaire national pour la démocratie),
devient en 1978 le parti unique, dans le cadre de la Constitution de la IIe
République. Le régime insiste sur le développement rural et, considéré comme «
modéré », il bénéficie de nombreuses aides étrangères, publiques et privées. Il
a le soutien de l’Église. Pourtant, la propagande officielle entretient la
logique ethnique et un système de quota limite à 9% (taux officiel de leur part
dans la population) l’accès des Tutsi aux écoles et aux emplois.
Ce décalage entre la société et le régime éclate à la fin des années 1980, alors
que le pays est frappé par une crise économique. En octobre 1990, des réfugiés
tutsi de la deuxième génération, encadrés par le FPR (Front patriotique
rwandais, créé en 1987) attaquent au nord-est du pays depuis l’Ouganda, où ils
ont servi le nouveau régime de Yoweri Museveni. Des partis démocratiques se
réorganisent grâce à la libéralisation constitutionnelle de 1991 et constituent
un front commun d’opposition à Habyarimana ; ils obtiennent un gouvernement de
coalition avec le MRND (1992), dirigé par Dismas Nsengiyaremye (MDR). Des
négociations s’ouvrent à Arusha (Tanzanie) avec le F.P.R.
Parallèlement, des extrémistes hutu proches du président relancent les passions
ethniques contre les Tutsi et réveillent l’esprit de la « révolution sociale ».
Des pogromes sont organisés contre les Tutsi en 1992 et 1993. Les extrémistes
sont renforcés en 1992 par la scission de l’opposition démocratique entre les
modérés et une aile dite Hutu power qui adhère au racisme. Des accords de paix
sont conclus à Arusha (août 1993), mais le partage du pouvoir prévu est sans
cesse retardé sous la pression des extrémistes.
L’avènement du génocide
L’attentat contre l’avion qui ramène de Tanzanie le président Habyarimana et son
homologue burundais Cyprien Ntaryamira, le 6 avril 1994, est suivi immédiatement
du massacre des leaders hutu et du génocide des Tutsi à travers tout le pays. Le
7 avril, dix casques bleus belges sont tués en même temps que le Premier
ministre Agathe Uwilingiyimana, qu’ils protégeaient. Les Occidentaux expatriés
décidèrent de quitter le Rwanda. La France et la Belgique déclenchent deux
opérations militaires - Amaryllis pour la France et Silverback pour la Belgique
- dans le but d’évacuer leurs communautés d’expatriés.
Sous la conduite d’un « gouvernement intérimaire » constitué le 8 avril par les
extrémistes hutu sous la présidence de Théodore Sindikubwabo (MRND) et avec Jean
Kambanda (MDR) comme Premier ministre, les tueries sont menées méthodiquement
par les milices extrémistes hutu, notamment les interahamwe du parti MRND,
encadrés par les autorités locales, aidés par la gendarmerie et encouragés par
la RTLM. On compte environ un million de victimes (hommes, femmes et enfants) en
trois mois. La guerre a par ailleurs repris entre le FPR et les FAR (Forces
armées rwandaises). La communauté internationale reste longtemps passive. L’ONU
a retiré dès le 15 avril la plupart des casques bleus qui avaient été envoyés au
Rwanda en décembre 1993 au titre de la Mission des Nations unies pour le Rwanda
(Minuar).
En juin 1994, l’intervention française (opération Turquoise) crée une « zone
humanitaire sûre » à l’ouest du pays, dont l’objectif était de diviser le pays
en deux zones (la zone contrôlée par le FPR et la zone contrôlée par le
Gouvernement génocidaire) afin d’amener plus tard les deux parties à négocier
pour ramener la paix. Le FPR occupe progressivement l’ensemble du pays et met
fin au génocide. Le 4 juillet 1994, c’est la chute de Kigali et la prise du
pouvoir par le FPR, provoquant en même temps la fuite d’environ un million et
demi de Hutu vers la Tanzanie et surtout le Zaïre. L’armée française quitte la «
zone Turquoise » en août 1994 et elle est remplacée par des casques bleus
africains de la « Minuar II » : les camps de déplacés hutu ferment les uns après
les autres jusqu’en avril 1995.
La période post-génocide
En juillet 1994, le FPR et sept autres partis politiques créent un
gouvernement d’union nationale et une Assemblée nationale de transition, M.
Faustin TWAGIRAMUNGU en est le Premier ministre. Les accords d’Arusha ont été
adoptés par le gouvernement de transition comme sa base constitutionnelle, à
part quelques amendements. L’arrivée au pouvoir du FPR marque le début d’une
période de transition prolongée de quatre ans en 1999. Au sortir de la guerre,
du génocide et des massacres, le Rwanda connaît alors des moments très
difficiles : l’insécurité à ses frontières, la pauvreté issue du pillage et de
la destruction des biens appartenant aux familles et au pays.
En avril 2000, le Président de l’Assemblée (M. Sebarenzi), le Premier Ministre
(M. Rwigema) et le Président de la République (M. Bizimungu) quittent leurs
fonctions et ministres et députés choisissent le vice-président Paul Kagame
comme Président de la République du Rwanda.
Des élections communales sont organisées en mars 2001. Une Constitution est
adoptée le 26 mai 2003 par référendum. Les élections présidentielles (25 août
2003) et les élections législatives (29 septembre 2003) donnent une large
victoire à Paul Kagame (95% des suffrages contre 5% au principal opposant, M.
Faustin Twagiramungu) et au FPR. Le président Paul Kagame reconduit presque sans
changement le dernier gouvernement de la transition.
Les élections locales de mars 2006 (élections municipales et au niveau du
district) ont constitué la première étape de la politique de décentralisation
des autorités rwandaises. Les élections législatives (septembre 2008) donnent
une large majorité à la coalition conduite par le FPR (79% des suffrages).
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