Politique intérieure        0  528 lectures

La Libye traverse actuellement une crise politique et sécuritaire, après avoir franchi d’importantes étapes de sa transition. La victoire de la révolution du 17 Février, proclamée le 30 octobre 2011, dix jours après la mort de Kadhafi et à l’issue d’un conflit de huit mois, a ouvert une période de transition politique qui succède à quarante-deux ans de dictature.

Le processus de transition démocratique a connu un délitement progressif. Les étapes de la transition ont été définies par la déclaration constitutionnelle d’Août 2011 du Conseil national de transition (CNT), assemblée provisoire formée durant la révolution. Conformément à cette feuille de route, le Congrès général national, assemblée législative, a été élu démocratiquement le 7 Juillet 2012 et a remplacé le CNT. Toutefois, en mai 2013, sous la pression de groupes islamistes et révolutionnaires, la loi d’isolement politique était adoptée. Des figures clés du gouvernement ayant collaboré avec l’ancien régime sont poussées à la démission et la perspective d’une réconciliation nationale est compromise.

Alors que la transition a pris du retard, le CGN a prolongé son mandat en décembre 2013, provoquant la colère d’une majeure partie de la population. A la suite des protestations de groupes fédéralistes en Cyrénaïque, le CGN a délégué la rédaction de la Constitution libyenne à une assemblée constituante qui n’a été élue qu’en février 2014 (« Comité des Soixante »).

Alors que le pays se divisait progressivement, l’opération « Dignité » lancée le 16 mai 2014 par le général Hafter a aggravé la fracture entre les deux camps. Par ailleurs, la mission principale du CGN, organiser l’élection de la Chambre des représentants, n’a pas été accomplie dans les délais fixés par la Déclaration constitutionnelle.

Ces élections ont finalement eu lieu le 25 juin 2014, mais le taux de participation, en baisse de 65 % depuis 2012, témoignait d’une certaine lassitude des Libyens. Leurs résultats, annoncés le 22 juillet 2014, ont été plutôt défavorables aux islamistes qui les ont largement rejetés.

Le Parlement nouvellement élu s’est établi à Tobrouk, lors d’une cérémonie de passation de pouvoirs contestée, et son gouvernement à al-Beïda, dans l’Est du pays. Au mois de septembre le CGN s’est auto-réactivé à Tripoli, refusant de reconnaître les résultats des élections de juin. Le 6 novembre, la Cour suprême libyenne adoptait, dans des conditions douteuses, une décision invalidant l’amendement constitutionnel ayant permis l’organisation de ces élections, et donc leurs résultats. La Libye se retrouve alors de facto avec deux Parlements et deux gouvernements.

Le 1er septembre 2014, Bernardino Leon, diplomate espagnol, a succédé à Tareq Mitri au poste de représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies. Il a mené une médiation qui a permis des progrès grâce à un processus de dialogue lancé en janvier 2015 à Genève : le 11 juillet, un accord a été paraphé à Skhirat (Maroc) par toutes les parties à l’exception du CGN ; début septembre, le CGN est revenu à la table des négociations à Genève (3 septembre) puis à Skhirat (10 septembre). Un dialogue élargi entre les nombreux acteurs de la crise libyenne s’est déroulé parallèlement à la médiation onusienne : des réunions avec les partis politiques se sont tenues à Alger, avec les municipalités à Bruxelles, avec les organisations de femmes libyennes à Tunis, avec les tribus au Caire.

Les négociations sous l’égide de l’ONU ont abouti à un « texte final » le 21 septembre. Enfin, le RSSGNU a proposé le 8 octobre les personnalités composant le Conseil présidentiel, cœur du gouvernement d’unité nationale. Toutefois, les parties libyennes n’ont toujours pas approuvé les propositions onusiennes, malgré la pression de la communauté internationale qui a adressé un message univoque en faveur du dialogue lors d’une réunion consacrée à la Libye le 2 octobre en marge de l’AGNU.

Les autorités libyennes font face à de nombreux défis. L’Etat libyen est à reconstruire. Le régime de Kadhafi avait affaibli l’administration et les institutions. La justice ne fonctionne que très imparfaitement, ce qui permet une grande impunité. Les services et infrastructures sont faibles et inégalement répartis sur le territoire.

La situation sécuritaire ne cesse de se dégrader et fait le lit de groupes terroristes, dont Daech, notamment à Syrte et Derna.
A Benghazi, la situation sécuritaire et humanitaire est toujours très préoccupante. Le général Hafter, commandant en chef de l’armée nationale libyenne, y a lancé une offensive militaire contre les groupes terroristes présents dans la ville le 19 septembre 2015 jugée néfaste pour le dialogue politique.

La Tripolitaine est relativement stable grâce à des accords de cessez-le-feu locaux même si des affrontements sporadiques ont régulièrement lieu. Le Sud est agité de vives tensions divers groupes et communautés (Ouled Slimane, Toubous, Touaregs, Arabes Zwaï) qui sont en concurrence pour le contrôle des villes (Ubari, Sabha, Murzuq), des axes routiers et des ressources économiques.

Cette situation sécuritaire instable a fait de la Libye le principal point de départ des migrants à destination de l’Europe. Les passeurs profitent du délitement de l’Etat pour faire de la Libye la plaque tournante de leur trafic et jouissent de la complaisance des autorités et de certaines milices.

Composition du gouvernement
Le gouvernement de al-Beïda, émanant de la Chambre des représentants et dirigé par le Premier ministre Abdallah Al-Thinni, est reconnu par la communauté internationale comme le représentant légitime de l’Etat libyen. L’autre gouvernement, basé à Tripoli et dirigé par Khalifa Ghweil, n’est pas reconnu par la communauté internationale.

Le précédent représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, Bernardino Leon, a mené une médiation active et difficile pour pousser les deux parties à un accord et décider des contours d’un futur gouvernement d’unité nationale, à même d’unifier le pays et de répondre aux défis auxquels la Libye fait face. Son successeur, l’Allemand Martin Kobler, a été nommé par le secrétaire général des Nations unies le 5 novembre 2015 et a pris ses fonctions le 17 novembre 2015.

Mise à jour : 17.11.15
 

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