La Libye traverse actuellement une crise
politique et sécuritaire, après avoir franchi d’importantes étapes de sa
transition. La victoire de la révolution du 17 Février, proclamée le 30 octobre
2011, dix jours après la mort de Kadhafi et à l’issue d’un conflit de huit mois,
a ouvert une période de transition politique qui succède à quarante-deux ans de
dictature.
Le processus de transition démocratique a connu un délitement progressif. Les
étapes de la transition ont été définies par la déclaration constitutionnelle
d’Août 2011 du Conseil national de transition (CNT), assemblée provisoire formée
durant la révolution. Conformément à cette feuille de route, le Congrès général
national, assemblée législative, a été élu démocratiquement le 7 Juillet 2012 et
a remplacé le CNT. Toutefois, en mai 2013, sous la pression de groupes
islamistes et révolutionnaires, la loi d’isolement politique était adoptée. Des
figures clés du gouvernement ayant collaboré avec l’ancien régime sont poussées
à la démission et la perspective d’une réconciliation nationale est compromise.
Alors que la transition a pris du retard, le CGN a prolongé son mandat en
décembre 2013, provoquant la colère d’une majeure partie de la population. A la
suite des protestations de groupes fédéralistes en Cyrénaïque, le CGN a délégué
la rédaction de la Constitution libyenne à une assemblée constituante qui n’a
été élue qu’en février 2014 (« Comité des Soixante »).
Alors que le pays se divisait progressivement, l’opération « Dignité » lancée le
16 mai 2014 par le général Hafter a aggravé la fracture entre les deux camps.
Par ailleurs, la mission principale du CGN, organiser l’élection de la Chambre
des représentants, n’a pas été accomplie dans les délais fixés par la
Déclaration constitutionnelle.
Ces élections ont finalement eu lieu le 25 juin 2014, mais le taux de
participation, en baisse de 65 % depuis 2012, témoignait d’une certaine
lassitude des Libyens. Leurs résultats, annoncés le 22 juillet 2014, ont été
plutôt défavorables aux islamistes qui les ont largement rejetés.
Le Parlement nouvellement élu s’est établi à Tobrouk, lors d’une cérémonie de
passation de pouvoirs contestée, et son gouvernement à al-Beïda, dans l’Est du
pays. Au mois de septembre le CGN s’est auto-réactivé à Tripoli, refusant de
reconnaître les résultats des élections de juin. Le 6 novembre, la Cour suprême
libyenne adoptait, dans des conditions douteuses, une décision invalidant
l’amendement constitutionnel ayant permis l’organisation de ces élections, et
donc leurs résultats. La Libye se retrouve alors de facto avec deux Parlements
et deux gouvernements.
Le 1er septembre 2014, Bernardino Leon, diplomate espagnol, a succédé à Tareq
Mitri au poste de représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies.
Il a mené une médiation qui a permis des progrès grâce à un processus de
dialogue lancé en janvier 2015 à Genève : le 11 juillet, un accord a été paraphé
à Skhirat (Maroc) par toutes les parties à l’exception du CGN ; début septembre,
le CGN est revenu à la table des négociations à Genève (3 septembre) puis à
Skhirat (10 septembre). Un dialogue élargi entre les nombreux acteurs de la
crise libyenne s’est déroulé parallèlement à la médiation onusienne : des
réunions avec les partis politiques se sont tenues à Alger, avec les
municipalités à Bruxelles, avec les organisations de femmes libyennes à Tunis,
avec les tribus au Caire.
Les négociations sous l’égide de l’ONU ont abouti à un « texte final » le 21
septembre. Enfin, le RSSGNU a proposé le 8 octobre les personnalités composant
le Conseil présidentiel, cœur du gouvernement d’unité nationale. Toutefois, les
parties libyennes n’ont toujours pas approuvé les propositions onusiennes,
malgré la pression de la communauté internationale qui a adressé un message
univoque en faveur du dialogue lors d’une réunion consacrée à la Libye le 2
octobre en marge de l’AGNU.
Les autorités libyennes font face à de nombreux défis. L’Etat libyen est à
reconstruire. Le régime de Kadhafi avait affaibli l’administration et les
institutions. La justice ne fonctionne que très imparfaitement, ce qui permet
une grande impunité. Les services et infrastructures sont faibles et inégalement
répartis sur le territoire.
La situation sécuritaire ne cesse de se dégrader et fait le lit de groupes
terroristes, dont Daech, notamment à Syrte et Derna.
A Benghazi, la situation sécuritaire et humanitaire est toujours très
préoccupante. Le général Hafter, commandant en chef de l’armée nationale
libyenne, y a lancé une offensive militaire contre les groupes terroristes
présents dans la ville le 19 septembre 2015 jugée néfaste pour le dialogue
politique.
La Tripolitaine est relativement stable grâce à des accords de cessez-le-feu
locaux même si des affrontements sporadiques ont régulièrement lieu. Le Sud est
agité de vives tensions divers groupes et communautés (Ouled Slimane, Toubous,
Touaregs, Arabes Zwaï) qui sont en concurrence pour le contrôle des villes
(Ubari, Sabha, Murzuq), des axes routiers et des ressources économiques.
Cette situation sécuritaire instable a fait de la Libye le principal point de
départ des migrants à destination de l’Europe. Les passeurs profitent du
délitement de l’Etat pour faire de la Libye la plaque tournante de leur trafic
et jouissent de la complaisance des autorités et de certaines milices.
Composition du gouvernement
Le gouvernement de al-Beïda, émanant de la Chambre des représentants et dirigé
par le Premier ministre Abdallah Al-Thinni, est reconnu par la communauté
internationale comme le représentant légitime de l’Etat libyen. L’autre
gouvernement, basé à Tripoli et dirigé par Khalifa Ghweil, n’est pas reconnu par
la communauté internationale.
Le précédent représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies,
Bernardino Leon, a mené une médiation active et difficile pour pousser les deux
parties à un accord et décider des contours d’un futur gouvernement d’unité
nationale, à même d’unifier le pays et de répondre aux défis auxquels la Libye
fait face. Son successeur, l’Allemand Martin Kobler, a été nommé par le
secrétaire général des Nations unies le 5 novembre 2015 et a pris ses fonctions
le 17 novembre 2015.
Mise à jour : 17.11.15
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