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L'Afrique du Sud veut assumer son rôle de puissance africaine, sans avoir toujours les moyens de ses ambitions. Sur les négociations climatiques, elle constitue un partenaire-clé, parce qu’elle partage l’objectif d’une COP21 ambitieuse et préside le groupe G77+Chine.

Afrique
Bien qu’elle affiche ses ambitions à l’échelle du continent, en pratique l’Afrique du sud demeure centrée sur sa zone d’influence prioritaire, la SADC. Elle en assume depuis janvier la présidence de l’organe politique, de défense et de sécurité. Elle a, à ce titre, consacré un effort important à piloter les missions d’observation pour la série d’élections ayant eu lieu dans la région ces derniers mois : Namibie, Botswana, Mozambique, Maurice, Zambie et Lesotho. En ce qui concerne ce dernier, déstabilisé en août dernier par une tentative de coup d’Etat, elle s’est particulièrement impliquée dans la résolution de la crise politique, le vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa ayant assumé le rôle de médiateur pour le compte de la SADC. Celui-ci a facilité la conclusion des accords de Maseru, qui ont permis la tenue d’élections le 28 février et la nomination d’un nouveau gouvernement. Il devrait continuer à suivre la situation de près afin d’encourager les réformes nécessaires de la Constitution et du secteur de sécurité.

La stabilisation de la République démocratique du Congo, conçue comme la porte d’entrée de la SADC, est au coeur des priorités de l’Afrique du sud, qui participe à la brigade d’intervention au sein de la MONUSCO. Pour autant, l’Afrique du sud s’est montrée réticente à favoriser l’engagement de la brigade d’intervention contre les FDLR à l’expiration du délai qui leur avait été accordé par la SADC pour leur désarmement volontaire, le 2 janvier dernier. Sans nier la nécessité d’une action militaire, les responsables sud-africains évoquaient la crainte de faire des victimes civiles.

Au-delà de la SADC, après des expériences difficiles sur les dossiers libyen, ivoirien et centrafricain, l’Afrique du sud a pris soin ces deux dernières années d’éviter de se mettre en avant en s’alignant sur les positions de l’Union africaine, au sein de laquelle elle exerce son influence par l’intermédiaire de son siège au Conseil de paix et de sécurité et, bien sûr, de la personnalité de la présidente de la Commission, Nkosazana Dlamini-Zuma. Elle accueillera le prochain Sommet de l’UA en juin prochain, en remplacement du Tchad qui s’était désisté au profit de la lutte contre Boko Haram. Fortement attachée au principe de la "solution africaine aux problèmes africains", elle est à l’origine de l’idée de développer une capacité immédiate de réponse aux crises en attendant l’opérationalisation de la force africaine en attente.

Sur le Mali et la RCA (depuis le fiasco de son intervention au début de la crise, en mars 2013), elle est restée discrète. Tout en reconnaissant la nécessité d’une intervention, les responsables sud-africains déplorent en privé que la France ait dû assumer un rôle qui incombait aux Africains. L’Afrique du sud est tout aussi peu visible sur le Nigéria et Boko Haram, traditionnellement peu à l’aise face à son grand rival d’Afrique de l’ouest.

Union Européenne
L’Union Européenne demeure le premier partenaire commercial de l’Afrique du Sud et une zone indispensable pour les exportations sud-africaines. Toutefois, le pays, en raison de cette dépendance économique, considère que l’UE est responsable de l’avoir entraîné dans sa chute lors de la crise économique mondiale. Pretoria cherche donc à augmenter ses échanges avec les grandes puissances émergentes, au premier rang desquelles les BRICS.

Au niveau politique, la rhétorique non-alignée dont use volontiers l’Afrique du Sud conduit le pays à s’opposer fréquemment aux positions européennes en matière de politique étrangère : opposition à toute intervention au Moyen-Orient, réticences sur les résolutions Droits de l’Homme portées par l’UE au Conseil des Droits de l’Homme à Genève, dénonciation d’un néo-colonialisme européen en Afrique. Le président Zuma a ainsi décidé en 2014 de ne pas participer au Sommet UE-Afrique, en solidarité avec le président zimbabwéen Mugabe.

Cependant, consciente que l’UE demeure un partenaire commercial essentiel, l’Afrique du Sud s’assure de maintenir de bonnes relations dans le domaine économique.

BRICS/BASIC/G20
Le pays a participé pour la première fois au forum des BRICS en 2011, et a accueilli le sommet en 2013. Soucieux de développer de forts partenariats Sud-Sud, qui correspondent davantage à son positionnement idéologique, l’Afrique du Sud s’investit beaucoup dans les BRICS. Son influence y demeure toutefois mesurée, compte tenu de son économie modeste (PIB 16 fois inférieur à celui de la Chine). Lors de la création de la banque de développement des BRICS, le pays s’est fortement impliqué pour accueillir le siège de la banque, qui sera finalement situé à Shanghai, et n’a pu obtenir qu’un bureau régional « Afrique ». Cependant, Pretoria tisse des liens économiques étroits avec ses partenaires des BRICS, dont la Chine, qui est devenu l’an dernier le premier partenaire commercial étatique de l’Afrique du Sud.

Le pays est également très actif au sein des BASIC (forum comprenant les mêmes Etats à l’exception de la Russie, afin de discuter des sujets climatique), mais là encore, son influence est modérée, notamment par la Chine, qui souhaite déterminer sa politique climatique de façon souveraine.

Enfin, le pays est le seul Etat africain membre du G20, où il s’efforce de promouvoir les intérêts africains.

De manière générale, l’Afrique du Sud cherche à utiliser ces enceintes pour promouvoir une politique non-alignée, qu’elle définit comme anti-impérialiste et anticolonialiste, fondée sur le principe de l’Ubuntu (l’humanisme et la fraternité placés au cœur de sa diplomatie) et souhaitant promouvoir la coopération Sud-Sud. Ce positionnement conduit parfois le pays à soutenir ses alliés en contradiction avec sa propre diplomatie (refus récent de condamner l’attitude russe en Ukraine, malgré son attachement au respect de la souveraineté nationale).

ANMO
Sur les sujets ANMO, l’Afrique du Sud adopte une ligne en adéquation avec sa politique de respect de la souveraineté nationale et son attachement à l’autodétermination des peuples.

Le cas de la Syrie illustre parfaitement cette position. Le pays est hostile à tout interventionnisme, affirmant que la solution au conflit ne peut venir que des Syriens eux-mêmes. Se fondant sur l’échec de l’intervention en Libye, dont ils nous font porter la pleine responsabilité, les Sud-Africains s’opposent à toute initiative étrangère en Syrie. Les succès de Daech ne font que renforcer leur position.
Sur l’Iran, sa position est intangible : le droit inaliénable de l’Iran à l’enrichissement et à l’utilisation du nucléaire civil doit être respecté, conformément au TNP. Seule une solution politique négociée est envisageable, il faut respecter la souveraineté de l’Iran.

Sur le processus de paix au Proche-Orient, l’Afrique du Sud fait de la reconnaissance de l’État palestinien son cheval de bataille en matière de politique étrangère. Le pays a voté en faveur de l’entrée de la Palestine comme État observateur à l’ONU et le thème est évoqué à chacune des allocutions du Président Zuma lors de l’AGNU. Le Président Mahmoud Abbas est venu en visite d’Etat dans le pays en novembre dernier. Pour Pretoria, le processus de paix n’a de sens que dans la perspective d’une solution à deux Etats. Le pays mène d’ailleurs une discrète mais active médiation sur ce dossier, et a envoyé deux négociateurs durant la crise « bordure protectrice » de l’été dernier.

Sur l’Egypte, la situation bilatérale s’est tendue depuis le renversement du Président Morsi. Pretoria l’avait qualifié de coup d’Etat et avait activement milité en faveur de la suspension de l’Egypte au sein de l’UA. Toutefois, l’Afrique du Sud est désormais prête à accepter une certaine normalisation des relations, constatant le rôle incontournable du pays dans la région.

Enjeux multilatéraux
Sur les négociations climatiques et la préparation de la COP 21, l’Afrique du Sud est très ambitieuse, afin de consacrer à Paris les engagements qui avaient été formulés lors de « sa » COP, à Durban en 2011. Sur ce sujet, le pays constitue pour nous un allié objectif. En outre, le pays préside cette année le groupe G77+ Chine, accroissant son importance dans les négociations, quoique limitant sa marge de manœuvre individuelle. Pretoria souhaite un accord universel et contraignant, plaçant l’adaptation au cœur des engagements et fondé sur le principe d’une responsabilité commune mais différenciée. Le pays n’a pas encore arrêté sa contribution nationale (INDC), mais s’est engagé à le faire en amont de la COP 21. Enfin, l’Afrique du Sud souhaite que les pays du Nord honorent les engagements qui ont été pris en matière de financement, alors que les 100 milliards de dollars annuels qui ont été promis sont encore bien loin d’avoir été abondés.

Sur la réforme du Conseil de Sécurité, le pays s’en tient officiellement à la position africaine, déterminée par le consensus d’Ezulwini (2005) : au moins deux sièges permanents attribués à l’Afrique, et cinq sièges non-permanents. Le choix des Etats qui obtiendraient ces sièges serait ensuite déterminé par l’Union Africaine. Le pays semble toutefois conscient que cette exigence, maximaliste, freine la possibilité d’une réforme et nuit à son ambition nationale d’obtenir un siège de membre permanent. Si officiellement, sa position demeure inchangée, le pays opère de discrets rapprochements en vue de soigner ses intérêts propres

Mise à jour : 31.03.15

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