Les attentats du 11 juillet dernier à Kampala, revendiqués par les shebbabs, ont renforcé la détermination des Ougandais et de l'Union africaine. Le discours policé des responsables de l'UA a désormais pris des accents guerriers. Le président de la Commission de l'Union africaine, Jean Ping a annoncé l'envoi de nouveaux renforts pour l'AMISOM (Mission de l'Union africaine en Somalie). Aux 6 100 soldats présents à Mogadiscio (essentiellement des Ougandais et des Burundais) s'ajoutera, dans quelques semaines, un bataillon de l'armée guinéenne.
La participation d'un contingent guinéen à l'AMISOM est, pour l'instant, un paradoxe, car la Guinée est encore sous le coup d'une suspension de toutes les instances de l'Union africaine, pour fait de coup d'Etat. Mais dans quelques semaines, à l'issue du second tour de l'élection présidentielle, la Guinée retrouvera la légalité constitutionnelle et son statut de membre à part entière de l'UA. Par ailleurs, les Etats membres de l'IGAD (Autorité intergouvernementale de développement regroupant des pays de l'Afrique de l'est) ont également promis, à l'issue de leur dernier sommet, 2 000 soldats.
Le Nigéria, pour sa part, s'était aussi engagé à fournir des troupes, mais pour l'instant la promesse est restée lettre morte. Leur déploiement butte sur une affaire de « gros sous ». Un problème que l'Union africaine souhaite régler rapidement et qui sera soumis à l'approbation du Conseil de sécurité des Nations unies. Il s'agit en fait du montant de la solde des soldats déployés sur le terrain. Au Darfour, un militaire de la force hybride ONU/UA touche en moyenne 1 000 dollars par mois. A Mogadiscio, les militaires reçoivent un salaire d'environ 750 dollars. L'Union africaine souhaite aligner le montant des rémunérations afin d'éviter des problèmes.
Comment en effet expliquer aux militaires Nigérians que ceux qui seront envoyés au Soudan ou en Somalie ne gagneront pas la même chose ?
Ces renforts devraient porter l'effectif de l'AMISOM à 8 000 hommes, ce qui est -selon plusieurs diplomates proches du dossier- encore insuffisant pour reprendre le contrôle total de la ville, et permettre au TFG (Gouvernement fédéral de transition) d'exercer son pouvoir au delà du palais présidentiel !
L'AMISOM devrait également, si l'on en croit, Jean Ping, recevoir cinq hélicoptères de combat. Le président de la commission de l'Union africaine s'est refusé à indiquer le nom des Etats contributeurs. Cette composante héliportée pour l'AMISOM est désormais une priorité pour les responsables militaires de l'Union africaine. Ces derniers sont conscients des réticences de la communauté internationale, encore traumatisée par l'échec de l'opération « Restore Hope ».
Le ton se durcit
Américains et Européens ne sont pas prêts à déployer sur le terrain, à Mogadiscio, des hélicoptères de combats avec leurs équipages. Si aucun pays n'accepte de fournir le matériel, le recours à des « hélicoptères pilotés par des Ukrainiens » n'est pas écarté, selon de bonnes sources. Ces appareils de combats, s'ils sont déployés, devraient, selon des diplomates, modifier le rapport de force sur le terrain en faveur des casques blancs de l'AMISOM. Les Ougandais, particulièrement déterminés après les attentats du 11 juillet dernier ont annoncé qu'ils étaient prêts à envoyer des renforts. Mais ce que Kampala recherche avant toute chose c'est une modification du mandat et des règles d'engagement de l'AMISOM.
Actuellement cette unité est une force de maintien de la paix. Kampala souhaite qu'elle soit transformée en force d'imposition de la paix, ce qui permettrait aux responsables militaires de passer à l'offensive, même s'ils ne sont pas attaqués. Le débat est en cours. Il devrait être tranché lors du sommet des chefs d'Etat la semaine prochaine. Mais dans les coulisses certains s'interrogent sur la finalité de ce changement de mandat. « Il ne faudrait pas que les Somaliens s'imaginent que nous allons faire la guerre à leur place », affirme un ministre sous le couvert de l'anonymat.
« Evitons que cela ne se transforme en guerre entre l'Ouganda et les Somaliens » ajoute un diplomate de haut rang, inquiet du langage guerrier de Kampala. De son côté, le président de la Commission prend soin de préciser : « nous n'avons pas l'intention de rester en Somalie ». Ne pas rester en Somalie signifie pour l'Union africaine, de renforcer le très fragile gouvernement fédéral de transition dirigé par l'islamiste modéré, le Président Sharif Ahmed. L'objectif est de doter la Somalie d'une véritable armée avec l'aide des Etats-Unis et de l'Union européenne. Des recrues somaliennes sont actuellement en formation en Ouganda et à Djibouti, sous la supervision de militaires américains et français notamment.