Estimée à près de 90.000 tonnes par an, la production de riz camerounaise, marquée par une transformation locale assez limitée, se commercialise pour une bonne partie en direction des pays étrangers, en l'occurrence les voisins comme le Nigeria et le Tchad, alors que les autorités en appellent à une meilleure valorisation des produits locaux.
"Notre production totale est d'environ 66 tonnes par an. La grande partie va au Nigeria. Quand on produit et qu'on n'a pas de client, on se tourne vers là où on peut avoir des clients. C'est pourquoi les Nigérians, quand ils viennent, on leur vend. Puisqu' il n'y a pas d'autre issue qu'eux", a déclaré à Xinhua Albert Bortouang, président de la Fédération des riziculteurs de Yagoua, dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun.
Répartis en quatre unions de planteurs, les membres de cette organisation exploitent des surfaces mises en valeur par la Société d'expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua (SEMRY, étatique) qui leur apporte par ailleurs son appui technique. Constituée en 2006, cette fédération a reçu entre 2007 et 2008 une subvention de 300 millions de francs CFA (environ 600. 000 dollars US) du gouvernement au profit de la commercialisation.
Elle a entrepris une transformation du riz produit, le paddy, en riz blanc pour la consommation, mais le processus reste embryonnaire, relève M. Bortouang. "Compte tenu de nos moyens, explique-t-il, on ne peut pas transformer la totalité de la production. Nous avons commencé la transformation il y a trois ans. On peut faire 100 sacs de 50 kilos par jour".
Créée le 24 février 1971, la SEMRY canalise à l'heure actuelle une production estimée à 70.000 tonnes de riz paddy annuellement. "Notre objectif, c'est de produire par an 200.000 tonnes de riz paddy qui, converti en riz blanchi, c'est à peu près 170.000 tonnes d'ici deux à trois ans", a annoncé le directeur général, Marc Samatana.
"Pour la production nationale, il n'y a pas que la SEMRY, il y a beaucoup de bassins de production. La SEMRY est le principal bassin de production. Je pense qu'on peut satisfaire les 4/5 des besoins nationaux", a-t-il ajouté, évoquant les efforts entrepris par les pouvoirs publics pour relance l'outil de production de cette société affectée par la crise économique de la fin des années 80 qui avait obligé à délaisser l'activité de transformation entre 1987 et 1994.
"L'Etat est en train d'investir assez de moyens pour renouveler l'outil de production. C'est ça qui nous manquait avant. Donc, avec la réhabilitation du périmètre SEMRY, nous allons rapidement atteindre ces 200.000 tonnes de paddy. Et quand on aura réhabilité tout le périmètre SEMRY, on va faire des extensions et là encore on produira beaucoup plus", a assuré M. Samatana. Les fonds alloués se chiffrent à environ 5 milliards de francs CFA (environ 10 millions de dollars US).
Autre entreprise de l'Etat, Upper Nun Valley Development Authorithy (UNVDA), en français Société de développement de la Vallée du Noun, basée dans l'Ouest du pays, produit quant à elle 18.000 tonnes de riz blanc par an. Selon son directeur général par intérim, Jean-Pierre Ndatchea, cette production peut même atteindre 30.000 voire 50.000 tonnes.
Dans ces deux unités de production, on vante les qualités du produit "made in Cameroon" en affirmant, pour le directeur général de la SEMRY, que "c'est un riz excellent, bio, par rapport au riz importé qui n'est pas traçable". Tandis que le patron de l'UNVDA parle d'un "riz naturel, nutritif (avec) un bon goût".
"On a un problème en matière du riz, c'est que nous produisons du paddy. Et le paddy demande à être transformé, un certain nombre d'investissements. Nous avons fait comprendre aux opérateurs économiques de la filière que ça coûtait cher d'importer un bateau de riz par exemple d'Asie plutôt que d'investir dans les machines pour le décorticage du paddy local et cela a été compris", a fait savoir vendredi le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, lors d'une Journée nationale de dégustation des produits camerounais à Yaoundé.
Privée, la Société camerounaise de production de riz (SCPR) implantée à Yagoua, dans la zone de production de la SEMRY, a tenté l'expérience qui, d'après ses dirigeants, connaît plutôt une fortune heureuse. Présente dans le créneau depuis janvier 2009, elle transforme le paddy en riz blanc et le commercialise en sachet de 5, 25 et 50 kilos, au profit d'une clientèle basée, hélas, quasi uniquement dans les régions du Nord-Cameroun.
"On a des dépôts dans le Grand-Nord. On n'est pas encore dans tout le Cameroun. On essaie d'ouvrir un dépôt à Yaoundé et un autre à Douala. La transformation hebdomadaire tourne autour de 600 sacs de riz paddy. Ce qui peut nous donner environ 500 sacs de riz blanc de kilos. Actuellement, on est en train d'avoir une autre unité de transformation. Ça veut dire qu'on pourra doubler la quantité de transformation d'ici deux à trois mois", a expliqué le directeur commercial, Sylvain Tumma Kouam.
"On vendait environ 400 ou 500 sacs environ au début à Kousseri par semaine. Maintenant, les commandes sont telles qu'on peut vendre 800 à 900 sacs par semaine. Et c'est pareil à Maroua depuis l'ouverture de l'université (en 2009). Les sacs de 5 kilos se vendent à longueur de journée. Les étudiants ont pris goût à ça, même ceux qui viennent des pays étrangers. Dernièrement, j' estimais une croissance de 18% tous les trois mois", se réjouit-il.
Encore une fois, Nigérians et Tchadien se retrouvent parmi la clientèle. "Les Nigérians viennent parfois acheter le paddy qu'ils transforment chez eux, mettent dans les emballages et commercialisent parfois jusqu'au Soudan. Ils n'achètent pas le riz blanc. Ils viennent avec des camions et achètent aux riziculteurs directement. Ça veut dire que la quantité de riz que je vends aux étrangers, ce n'est pas grand-chose. A peu près 30%", remarque par ailleurs M. Tumma Kouam.
A la frontière entre le Cameroun et le Tchad voisin, le dépôt de Kousséri de la SCPR accueille une clientèle tchadienne. Pour le prix de vente, un sac de 50 kilos de riz transformé à Yagoua coûte 16.500 francs CFA (environ 33 dollars US). Contre, 20.000 francs ( environ 40 dollars US) à Yaoundé, à cause des coûts de transport.
Il soutient que "c'est un riz de premier choix. Le premier choix importé ne coûte pas 20.000, il coûte entre 23.000 (46 dollars US) et 24.000 francs (48 dollars US). Les mentalités sont difficiles et il faudrait que les opérateurs économiques camerounais mettent un peu de crédit pour valoriser et distribuer ce riz-là. C'est eux qui achalandent les boutiques".
En attendant l'arrivée escomptée des nationaux, un opérateur coréen s'est invité dans la filière pour ravitailler les consommateurs de la capitale camerounaise. Pour une raison évidente : "Même à Yaoundé, c'est une communauté étrangère qui consomme notre riz, en l'occurrence les Coréens qui ont pris connaissance de ce riz et qui ne veulent plus lâcher prise. Ils sont derrière nous tout le temps avec les commandes au téléphone", révèle Sylvain Tumma Kouam.
Une percée commerciale qui permet de se frotter les mains en réalisant des "chiffres d'affaires sont sans cesse croissants". D' ailleurs, observe le directeur commercial, "si on avait un fonds pour nous approvisionner chaque fois en paddy, nos chiffres d' affaires seraient en train de tripler maintenant", seulement un an et demi après le démarrage des activités.
source:
http://french.news.cn